Trans(m)issions – L’expérience du partage (1) au MO.CO. Hôtel des Collections

Aysegul Altunay • Geoffrey Badel • Paul Dubois • Olivia Hespel-Obregon • Sam Krack • Noémi Lancelot


Jusqu’au 15 mai 2022, le MO.CO. présente à l’Hôtel des Collections un ensemble de propositions intitulé « Trans(m)issions – L’expérience du partage ». Exposition de transition entre l’ère Bourriaud et la direction Hambursin, « Trans(m)issions » est une « collection » un peu bizarre et hétéroclite qui donne l’impression d’un fourre-tout qui répond probablement à certains « engagements ». On est loin de de la cohérence des projets qui ont été montrés depuis l’ouverture du lieu.

Pour répondre à des questions du type Quel rôle pour l’artiste dans l’enseignement, la transmission, la création d’une communauté ? « Trans(m)issions – L’expérience du partage » convoque trois figures : Jean-Luc Vilmouth, Mathilde Monnier et le collectif Gruppo Petrolio réuni autour de Lili Reynaud Dewar.

  • Jean-Luc Vilmouth - Atelier - monde - Trans(m)issions - L’expérience du partage au MOCO Hôtel des Collections à Montpellier
  • Mathilde Monnier - Exercice permanent - Trans(m)issions - L’expérience du partage au MOCO Hôtel des Collections à Montpellier
  • Gruppo Petrolio - Sabotages et contaminations - Trans(m)issions - L’expérience du partage au MOCO Hôtel des Collections à Montpellier

Six artistes issus du MO.CO. Esba ont été invités à présenter leur travail en ouverture du parcours de l’exposition.

Les lignes qui suivent sont consacrées à Aysegul Altunay, Geoffrey Badel, Paul Dubois, Olivia Hespel-Obregon, Sam Krack et Noémi Lancelot, six artistes diplômé·e·s du MO.CO. Esba entre 2017 et 2021. Ils/elles représentent les six promotions depuis la création MO.CO. comme entité qui réunit deux lieux d’exposition et une école d’art. Rappelons que le MO.CO. a exposé d’autres artistes issus de l’école avec notamment Nicolas Aguirre, Jimmy Richer et Chloé Viton dans « Possédé·e·s » en 2020/2021.

Ces six artistes occupent les petites salles de l’Hôtel de Montcalm.

Geoffrey Badel

Le parcours commence avec Geoffrey Badel qui présente une version réduite de son installation Les lambeaux (2020-2021), exposée en 2021 à l’Espace culturel de la Faculté d’Éducation de Montpellier dans le cadre de « Tempestaire ».

Elle est composée de deux ensembles de draps anciens teintés d’encres végétales obtenues à partir d’une partie des ingrédients présents dans la thériaque. Véritable panacée, cette potion était utilisée pour lutter contre les poisons, les venins et de nombreuses maladies contagieuses et épidémiques dont la peste… Au Moyen-Âge, les préparations des apothicaires de Venise et de Montpellier étaient particulièrement réputées.

Sur un socle, un texte évoque la thériaque. Des odeurs indéfinissables émanent d’un pot de pharmacie qui contient la mixture employée par Geoffrey Badel

À droite, une mue de serpent est épinglée sur un masque en plâtre de l’artiste.

Pendus entre les draps, des moulages de doigts s’agitent imperceptiblement au passage des visiteurs… Une main semble écarter deux pans de tissus…

L’installation ménage deux espaces où Geoffrey Badel a accroché plusieurs de ses dessins énigmatiques sur vieux papiers javellisés et cristallisés. Transmission (2020) rassemble deux figures fantomatiques associées à un voile et trois astres rayonnants. Et la terre s’est mise à trembler (2021) est composé d’argile, d’un moulage d’oreille en plâtre verni, d’une lépiote jaune séchée et d’un dessin au graphite.

Tout au fond, Solastagia (2021) montre une silhouette mystérieuse dont les yeux sont masqués par ce qui semble être une chauve-souris. Son corps est entouré de ronces qui paraissent s’étendre sur le mur…

Olivia Hespel-Obregon

Un peu plus loin, Olivia Hespel-Obregon présente deux œuvres qui « puisent dans sa banque d’images. Ses photographies sont comme des inventaires sans début ni fin. L’ensemble offre un stock inépuisable dans lequel prélever, juxtaposer, découper, jouer sur les textures et les assemblages ». On se souvient de l’étonnant projet d’édition présenté dans « La Relève III – Habiter » au Centre Photographique Marseille. Mi casa es mi casa était construit à partir d’une série de photographies sur les résidences pavillonnaires en bordure des villages, dans les Pyrénées-Orientales. Ici, elle prolonge la Signalétique canine qu’elle avait dispersée dans le parcours de « Requiem pour un centaure », pour l’exposition des diplomé·e·s du MO.CO.Esba en septembre 2020

Alphabet Canin (2022) se compose d’une impression sur bâche PVC et d’un livret de traduction. L’ensemble propose un exercice de décodage d’une citation de Donna Haraway. À chaque tête de chien correspond une lettre représentée dans le multiple.

Amours chiens (2022) montrent deux canidés imprimés sur velours probablement extraits de sa série photographique éponyme sur la relation homme/chien.

Aysegul Altunay

Face au rebus de Olivia Hespel-Obregon, une vidéo de Aysegul Altunay surprend régulièrement les visiteurs avec les cris étonnants des manchots dans Another Depressed Movie [Encore un film déprimant], 2018. 52 Hertz (2018) montre le regard troublant de baleines…

Le texte du cartel souligne avec pertinence que « Entre humour absurde et tristes constats, ces courtes saynètes oscillent entre légèreté et profondeur sur fond de crise existentielle »….

Sam Krack

On retrouve avec intérêt Sam Krack et sa série Artemis (traces de vie), 2020-2022. On en avait vu les prémices dans « Requiem pour un centaure », l’exposition des diplômés de l’École supérieure des Beaux-arts de Montpellier en septembre 2020. On avait ensuite suivi les évolutions dans « La Relève III – Habiter » au Centre Photographique Marseille quelques mois après, puis l’automne dernier dans « Opéra » à la galerie chantiersBoîteNoire.

Pendant deux ans, Sam Krack a mis en exposition l’état des lieux de son appartement. Ses peintures sont réalisées à partir de photographies faites par l’agence l’immobilière à son entrée dans les lieux.

En janvier dernier, pour l’état des lieux de sortie, ces peintures ont été accrochées dans l’appartement. Les toiles ont été soigneusement rangées dans une caisse qui a été expédiée à l’Hôtel des Collections.

Une grande impression sur vinyle témoigne de son ancien lieu de vie. Les tableaux sortis de la caisse pour être accrochés sur les murs de l’Hôtel de Montcalm ont fait l’objet d’un constat d’état comme il se doit…

Au-delà de ces toiles entre « joints jaunis », « points de moisissures » et « traces de vis » sur lesquelles on s’est exprimé à d’autres occasion, on apprécie particulièrement ici le parallèle que l’artiste fait entre les procédures qui s’imposent pour habiter un appartement et celles qu’exige le fait de venir temporairement habiter une exposition…

Noémi Lancelot

Dans le petit espace de projection laissé en place après « L’Épreuve des corps », Noémi Lancelot montre En finir avec l’art- Director’s cut (2022) une vidéo d’une vingtaine de minutes qui « interroge l’art, ses motivations, et sa légitimité, sur les artistes qui arrêtent l’art… L’arrêt de l’art est analysé sur le plan de la production, de la posture, et bien évidemment, du politique. ».

On se souvient en avoir vu une version intitulée En finir avec l’art – Silence cut en juillet dernier dans « Politiques du silence », l’exposition des diplomé·e·s du MO.CO. Esba.

Cette séquence consacrée à six artistes issus du MO.CO. Esba se termine avec la présentation d’œuvres récentes de Paul Dubois.

Paul Dubois

Appuyée contre le mur, une sculpture intitulée Absence signifiante (2022) accueille le visiteur. À l’image de ses préoccupations, elle interroge la place de l’œuvre et celle de l’artiste dans l’espace.

En témoigne également un triptyque sur papier où il faut beaucoup d’attention au regardeur pour deviner, au-delà de son propre reflet, les mots qui y sont gravés (Ce que j’occupe, 2022)…

Il présente ainsi les enjeux de son travail :

« Il y a aussi dans mes procédés de création une dimension de l’ordre de l’absurde, avec un aspect ludique doté d’un coté poétique parfois archaïque ou encore primitif. Il s’agit de jouer, de pratiquer l’espace, de le traverser. Éveiller la perception dynamique, cultiver une furtive ubiquité, entretenir cet œil oblique et tisser du lien entre les choses. L’espace vécu : je perçois, j’éprouve et j’interprète ce qui m’environne, avec mon corps comme outil. L’espace mental comme sentinelle de projection qui appréhende une sorte de “méta-espace” ».

Deux photographies numériques contrecollées sur dibond (Tension #2 et Tension #3, 2020) montrent le corps de l’artiste mis en tension dans l’espace naturel, entre le plein et le vide.

Elles font écho à une œuvre au sol, produite pour l’exposition. Sculpture primitive (2022) est composée d’un rocher posé sur une plaque métallique. Des coins de bois ont été insérés dans la pierre et sont régulièrement humidifiés. Leur gonflement devrait se traduire par un éventuel éclatement du bloc avant la fin de « Trans(m)issions »

Dans son portfolio, à l’occasion d’une itération précédente de Sculpture primitive, il écrivait :

« Il y avait cette idée de mettre un processus en place et de laisser faire et agir le temps, exposer tout le potentiel contenu à travers ce bloc. Confronter deux matériaux de temporalité extrêmement éloignée, mettre en avant leurs propriétés physiques et être attentif à la matière. Toucher à l’essence des choses et ainsi leur insuffler une part de poésie. Il y avait cette envie aussi de revenir à une sorte de premier jet de la sculpture. Geste de sculpteur primitif avant qu’il ne soit défini comme tel. »

Paul Dubois a récemment été exposé par Aperto dans «FuT» et en 2020 avec Alain Leonesi au lieu multiple montpellier dans « Affoler le décor ».

Ces six artistes passent ensuite le témoin aux figures convoquées pour répondre aux questions de « Trans(m)issions – L’expérience du partage »…

On reviendra prochainement sur la passionnante proposition intitulée « Jean-Luc Vilmouth — Atelier – monde » avec le commissariat associé de Marie Brines et la complicité de Dominique Gonzalez-Foerster, Leïla White-Vilmouth et Mao Tao.

On oubliera « Exercice permanent » de Mathilde Monnier qui nous est apparu comme un corps mort dans la pénombre au deuxième plateau d’exposition. On suppose que les reliques posées là prendront vie lors des quatre temps dansés prévus les 18 et 26 mars, 30 avril et 14 mai avec les danseur.se. s de la compagnie de l’artiste…

À noter toutefois trois étranges dessins de la série « Cartes d’erre » qui évoquent le travail de Fernand Deligny sur les trajets d’enfants autistes dans le hameau des Graniers à Monoblet dans les années 1970… Bien entendu, ces quelques lignes ne doivent en aucun cas être considérées comme un jugement sur le travail de chorégraphe de Mathilde Monnier dont on garde le souvenir de moments forts et notamment dans ses collaborations avec Joëlle Léandre ou Louis Sclavis, desservies ici par des projections de médiocre qualité…

On envisagera peut-être un billet à propos de « Sabotages et contaminations » de Gruppo Petrolio après avoir regardé les neuf heures de projection, si, et seulement si, les épisodes sont mis en ligne.

Si sur le papier, le projet semble passionnant, on peut s’interroger sur la pertinence d’utiliser l’exposition comme outil pour le présenter… Une moquette épaisse et confortable et l’obscurité presque totale du plateau ne suffisent pas à convaincre de l’intérêt d’une telle proposition… N’y a-t-il pas une sorte de « fétichisme » à vouloir imposer l’installation de vidéos de longue durée dans un espace d’exposition quand elles se limitent à une simple diffusion sur des moniteurs ?

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