Chloé Viton & Nicolas Aguirre – Mammatus à Aperto – Montpellier


Jusqu’au 9 octobre prochain, Chloé Viton et Nicolas Aguirre présentent « Mammatus » à Aperto. Un peu moins d’une dizaine d’œuvres très récentes sont exposées dans l’espace d’art de la rue Étienne Cardaire à Montpellier.

À l’entrée, une sculpture de Nicolas Aguirre semble surveiller les accès et/ou accueillir les visiteur·euse·s.

Totem Apotropaique n° 2 (2022) est composé d’un gong suspendu à un support de plantes en métal brillant. Un vase en porcelaine protège une orchidée Phalaenopsis dont les fleurs ont d’évidentes connotations sexuelles. Sur la panse de ce cache-pot, un dessin représente un végétal au caractère phallique manifeste. Dans un conteneur en plastique, deux cactus cierges sont tout aussi évocateurs…

Au sol, posée sur une roche pyramidale, une chandelle attend d’être rallumée. Une seconde pierre est suspendue au trépied par une ficelle, sans doute pour équilibrer l’ensemble.

Wikipédia nous informe que « l’adjectif apotropaïque (du grec apotropein, “détourner”) qualifie ce qui vise à conjurer le mauvais sort et à détourner les influences maléfiques »…

Cette mystérieuses installation a donc pour fonction de protéger l’exposition, ce quelle contient (œuvres, esprits, regardeur·euse·s,etc…) des mauvais esprits qui pourraient s’y introduire.

Avec cette première pièce, on retrouve l’ambiance et l’esprit que l’on avait découvert avec Champ d’échange d’âme que Nicolas Aguirre avait présenté dans « Possédé·e·s » au MO.CO. Panacée, troisième acte d’une performance commencée en 2018 avec Poker d’âmes à la galerie chantiers Boîte Noire puis de Échange d’âmes, dispositif contractuel qui définissait une contrepartie après que l’artiste ait divisé la sienne en 21 morceaux…

Ce Totem Apotropaique rappelle aussi plusieurs des œuvres qui constituaient les deux volets de Mind the gap et les conversations mystérieuses qu’elles entretenaient à la galerie chantiers Boîte Noire pendant l’hiver 2020/2021.

Au centre de l’espace, Chloé Viton a installé le costume d’Oxygène (2022), un assemblage magique composé de tissus et de gant en velours noir, de cheveux synthétiques bleus, de poteries en argile, de tubes en plastique et de paraffine.

Marion Lisch, qui signe le texte de présentation de « Mammatus » nous décrit Oxygène comme un «personnage alangui, fumant sur un étrange organe nacré, enveloppé de son habit de velours [qui] conte les récits de ses semblables ».

On se souvient de la rencontre avec les personnages de Chloé Viton dans la Cosmic Soup qu’elle avait présentée et performée pour « Possédé·e·s » au MO.CO. Panacée, en 2020. Inspirée par la théorie de « la soupe cosmique primitive », elle en rappelait alors le principe : « une théorie possible de l’évolution, qui met en avant le fait qu’au commencement il y aurait eu un grand bain aqueux, dans lequel évoluaient plusieurs éléments chimiques (le carbone, l’hydrogène, le potassium, l’azote, le magnésium, le phosphore). Ils se seraient assemblés de manière aléatoire ou par affinité afin de créer les premières cellules ».

Pour chacun de ces six personnages inspirés par les éléments chimiques cités, Chloé Viton avait construit une « cosmogonie spécifique qui convoquait autant l’imaginaire de la science que des récits mythologiques extra-occidentaux ».

Oxygène s’ajoute donc à ces six acteurs. Marion Lisch souligne son rôle :

Chloé Viton - Oxygene, 2022 (détail) - Mammatus - Aperto à Montpellier
Chloé Viton – Oxygene, 2022 (détail) – Mammatus – Aperto à Montpellier

« Oxygène dans cette histoire (/cosmogonie) est aussi règlement chimique essentiel au développement et à l’activation des autres tels que Carbone, Hydrogène, Potassium, Azote, Phosphore ou Magnésium. Il se poste alors comme narrateur, liant et observateur de cette grande famille. Il vient compléter la collection de ces personnages oniriques, conçus par Chloé et activés lors de performances les réunissant pour d’étranges rituels ».

À droite de son personnage, Chloé Viton a accroché Midnight Blue (2021), une mystérieuse et fascinante impression sur velours…

Sur les cimaises, Nicolas Aguirre présente trois toiles (n° 0, 1 et 7) de sa série « Mutation perpétuelle d’âme » de 2022. c’est l’âme de la grand-mère de Nicolas, morte en 2014, qui est représentée dans ces courbes abstraites, motif récurrent de son travail « à la frontière entre recherches mystiques et art conceptuel ».

Plusieurs toiles de cette série sont actuellement accrochées dans « Présentations », seconde exposition parisienne de Radicants, la coopérative curatoriale créée par Nicolas Bourriaud après son départ de Montpellier.

Nicolas Aguirre, Mutation perpetuelle d’âme n°1 et 7, 2022 – Mammatus – Aperto à Montpellier

Sur la mezzanine, dans une lumière bleutée, on découvre Fish Flutes (2021), impression sur velours de Chloé Viton et Mutation perpétuelle d’âme n° 6 (2022), une impression sur toile de Nicolas Aguirre.

Chloé VitonFish Flutes, 2021 et Nicolas Aguirre, Mutation perpétuelle d’âme n°6, 2022 – Mammatus – Aperto à Montpellier

Une boucle sonore de 20 minutes (Opium, 2022) de Chloé Viton accompagne l’exposition. Non fonctionnelle lors de mon passage, il est impossible d’en rendre compte…

Le titre de ce projet, « Mammatus », est assez énigmatique. Le visuel de l’exposition donne une idée d’un phénomène météorologique assez spectaculaire qui est à l’origine de ce choix. D’étranges protubérances globuleuses apparaissent à la base de nuages comme les altocumulus et les cumulonimbus. Les mammatus se forment lorsque de l’air humide plonge dans l’air sec. Il s’agit en quelques sorte de nuages « à l’envers » ! Leur nom est issu du mot latin « mamma », qui signifie « mamelle » ou encore « poitrine »…

On peut s’interroger sur la soupe qui se mitonne dans ces mammatus ou sur les mutations d’âmes qu’ils peuvent héberger…

Attention, la durée de l’exposition est très brève. Il faut donc passer par Aperto sans tarder. C’est ouvert du mercredi au dimanche et de 14 h à 17 h 30…

À lire, ci-dessous, le texte de Marion Lisch.

En savoir plus :
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Sur le site de Nicolas Aguirre

Mammatus

Réminiscence d’un monde de l’avant, de l’après, ou alors juste à côté, l’exposition Mammatus crée un point de jonction entre différents flux d’histoires parallèles. On ne distingue plus vraiment les strates d’univers juxtaposés, ce qui vient du rêve, du scientifique, ou des mythes. Les frontières se brouillent et laissent place à une autre dimension où peuvent cohabiter les personnages, objets et récits invoqués par Chloé Viton et Nicolas Aguirre.

Ici, Oxygène, personnage alangui, fumant sur un étrange organe nacré, enveloppé de son habit de velours conte les récits de ses semblables. Il raconte la soupe cosmique primitive, genèse de la naissance des premières cellules. Oxygène dans cette histoire (/cosmogonie) est aussi règlement chimique essentiel au développement et à l’activation des autres tels que Carbone, Hydrogène, Potassium, Azote, Phosphore ou Magnésium. Il se poste alors comme narrateur, liant et observateur de cette grande famille. Il vient compléter la collection de ces personnages oniriques, conçus par Chloé et activés lors de performances les réunissant pour d’étranges rituels.

Non loin de là, l’âme de la grand-mère de Nicolas, décédée en 2014, est représentée dans des courbes picturales abstraites, masse vaporeuse s’echappant du corps jusqu’à le recouvrir entièrement. Il s’agit d’un nouvel autel ou totem, motif récurrent du travail de Nicolas à la frontières [sic] entre recherches mystiques et art conceptuel.

Un autre de ces mystérieux totems réunit un gong, des vases ornés d’orchidées et des pierres, ensembles d’objets choisis et souvent réusinés ayant leurs charges symboliques propres et pourtant liés les uns aux autres par un jeu d’équilibre ardu les obligeant à dialoguer. Nicolas Aguirre crée ainsi des sculptures support de leurs histoires — qui se transmettent uniquement à l’oral — tels des contes actuels mêlant anecdotes pratiques, histoires personnelles et mythes ancestraux.

L’exposition tire son nom des Mammatus, ces sortes de nuages retournés qui apparaissent en masse durant quelques minutes par temps orageux.

Alors que l’orage gronde, Opium raisonne [sic] dans la pièce et nous transporte dans ce nuage à renvers, trou noir retroussé, contenant tout et son envers, l’image et son négatif, la genèse et l’achèvement dans une boucle sans fin qui influe sur les états dits permanents, dans une vapeur lactée.

Marion Lisch

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