« Passions partagées » de Basquiat à Edith Piaf, la Collection Lambert au Mucem


Jusqu’au 23 septembre 2024, le Mucem invite Yvon Lambert pour un dialogue très attendu autour de leurs « Passions partagées ». Cette exposition est à n’en pas douter le fruit d’une collaboration exemplaire entre les deux institutions et le collectionneur et d’un commissariat généreux de Marie-Charlotte Calafat et Stéphane Ibars.

Après une première visite éblouissante en compagnie des commissaires, plusieurs passages dans ces « Passions partagées » ont fait émerger de multiples interrogations et un sentiment croissant de perplexité.
Les conversations, dialogues et rapprochements sont souvent insolites, inattendus, poétiques, riches de sens et d’interrogations, mais malheureusement parfois convenus ou trop faciles.
Une occasion de redécouvrir les œuvres de la Collection Lambert. Un portrait en creux émouvant d’Yvon Lambert. Une réflexion sur les liens entre œuvres contemporaines et objets du quotidien, mais aussi sur la fragilité de l’existence. Toutefois, « Passions partagées » n’élimine pas entièrement quelques interrogations sur la prédominance de rapprochements trop souvent autour des formes et trop peu sur le contexte de production des œuvres et des objets…

Vue de lexposition Passions partagees Mucem 2024 © photo Laurent Lecat
« Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem © photo Laurent Lecat

On ne présente plus l’emblématique Collection Lambert et les 600 œuvres de la donation d’Yvon Lambert à l’État français. L’an dernier, « Une histoire intime de l’art» exposait une très large sélection des œuvres en dépôt à Avignon dans tous les espaces des hôtels de Caumont et de Montfaucon. L’exposition accompagnait la publication d’un imposant et remarquable ouvrage co-édité avec le Centre national des arts plastiques (Cnap) qui assure la gestion du fonds depuis 2012. L’événement montrait une fois de plus qu’Yvon Lambert avait exposé et collectionné – et il continue à le faire – les œuvres comme autant de souvenirs d’histoires personnelles et collectives vécues avec les artistes au côté desquels il s’était engagé.

En 2010, pour les dix ans de la Collection Lambert à Avignon, l’exposition « Je crois aux miracles » avait dévoilé les passions multiples et parfois inattendues d’Yvon Lambert. On avait alors découvert son intérêt pour la littérature et les livres de bibliophilie, sa ferveur pour Mallarmé, Virginia Woolf, Baudelaire, Joyce ou encore Proust… Aux œuvres d’art contemporain se mêlaient livres, dessins, estampes, tableaux et objets issus de sa maison de Montfavet. Un cabinet de curiosités révélait son attrait pour l’étrange et l’insolite. Animaux empaillés et coquillages, phallus en bois et ceinture de chasteté ou quelques reliquaires accompagnaient les sabots offerts par Basquiat quelques mois avant sa mort.
Nombreux·ses sont celles et ceux qui découvraient alors que le galeriste était aussi un homme de l’écrit et du livre, un collectionneur obsessionnel qui vagabondait régulièrement au marché aux puces de Saint-Ouen ou dans les brocantes…

Naturellement, l’invitation du Mucem ne pouvait qu’aiguiser la curiosité du collectionneur. On imagine ses déambulations attentives et curieuses dans les réserves du Mucem et ses conversations passionnées avec Marie-Charlotte Calafat et Stéphane Ibars, commissaires de l’exposition. Celui-ci en évoque ainsi quelques moments  : « Dans les réserves du Mucem, Yvon Lambert a rencontré quantité d’objets, dont certains très familiers. Ils racontaient parfois son attachement particulier à un patrimoine, à des traditions inscrites au cœur de sa Provence natale, ou de la Méditerranée. (…) Parfois, certaines découvertes permettaient de renouveler le regard sur un corpus d’œuvres, d’en révéler une dimension plastique ou simplement de rappeler l’essentiel : la relation indéfectible qu’entretiennent les artistes avec leur environnement. »
Pour préparer « Passions partagées », leurs dialogues se sont prolongés dans l’appartement parisien d’Yvon Lambert, dans sa librairie du Marais et bien entendu à Avignon et dans l’exposition à Marseille…

Cent cinquante objets conservés par le Mucem et cinquante œuvres de la collection Lambert ont ensuite été sélectionnés pour construire un projet dont le fil rouge est pour Marie-Charlotte Calafat « l’histoire intime qu’on entretient avec les objets : que ce soit le collectionneur, le collecteur, l’artiste, le regardeur… ». Jusqu’au dernier moment s’y sont ajoutés des prêts d’Yvon Lambert et de sa fille Ève Lambert, de la librairie et d’amis artistes.

Le parcours s’organise en cinq séquences :

L’éclat méditerranéen. Une odyssée culturelle provençale
Populaire et quotidien. La beauté des choses simples
Traces, lignes, formes. Habiter l’espace
Mythe et littérature. De la poésie, toujours
Au-delà de cette limite… Beau, sacré, fragile et terrifiant

Mythe et littérature. De la poésie, toujours - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Mythe et littérature. De la poésie, toujours – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

L’accrochage et la mise en lumière sont irréprochables. Ils permettent un regard renouvelé sur les œuvres de la collection qui sont magnifiées. Les reflets et effets de miroir souvent désagréables et amplifiés par la lumière très dure et intransigeante dans les salles des Hôtels de Caumont et de Monfaucon sont ici parfaitement maîtrisés. Les ré encadrements de certaines œuvres avec du verre antireflet sont une très heureuse initiative.

L’éclat méditerranéen. Une odyssée culturelle provençale - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
L’éclat méditerranéen. Une odyssée culturelle provençale – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

En introduction, l’association d’une œuvre de Daniel Dezeuze (Arme de jet, 1985) et d’un petit piège camarguais (Piège-traquenard à traction sur détente « las de costa », Camargue Vers 1860) donne le ton sur la manière avec laquelle « Passions partagées » construit des rapprochements entre les deux collections. Les proximités formelles sont en effet très largement privilégiées. Toutefois, ces juxtapositions cachent aussi des histoires et des souvenirs plus intimes. Ici, l’engin rattaché à l’arme de Deuzeuze rappelle à Yvon Lambert les pièges à grives que fabriquait son père et qui sont toujours restés dans sa maison familiale à Vence. Pour l’artiste, cet objet du Mucem ressemble à ceux qu’enfant, il construisait pour des captures imaginaires et ses objets de cueillette « qui évoquait le monde des petits braconniers de la campagne »…

Daniel Dezeuze - Arme de jet, 1985 et Piège-traquenard à traction sur détente « las de costa », Camargue Vers 1860 - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Daniel Dezeuze – Arme de jet, 1985 et Piège-traquenard à traction sur détente « las de costa », Camargue Vers 1860 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Chaque appariement est accompagné d’un cartel enrichi qui en une centaine de mots tente de traduire ce qu’il y a derrière ces couples œuvres/objets.

On perçoit rapidement que ces conversations sont orientées par les œuvres de la Collection Lambert et/ou par les liens intimes que l’ancien galeriste a tissés avec elles et avec leurs créateurs.
Les objets conservés par le Mucem apparaissent majoritairement comme des contrepoints et parfois comme des faire-valoir de ces histoires. Rares sont les rapprochements qui illustrent l’influence de l’objet du quotidien où du savoir faire populaire sur les créations contemporaines…

Un portrait en creux, parfois émouvant, d’Yvon Lambert se dessine tout au long du parcours. C’est particulièrement flagrant dans la première partie construite majoritairement sur les relations du collectionneur à Vence et à la Provence. Dans sequence finale, la question de la mort s’impose avec émotion, avec retenue et parfois avec une singulière note d’humour.

L’éclat méditerranéen. Une odyssée culturelle provençale - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
L’éclat méditerranéen. Une odyssée culturelle provençale – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

De « L’éclat méditerranéen. Une odyssée culturelle provençale », on retiendra l’évocation de Vence, ville natale d’Yvon Lambert, avec la magistrale photographie d’Andres Serrano (Chapelle Matisse [Yellow, Blue, Green], 2015) qui condense plusieurs épisodes déterminants dans la vie du collectionneur. En effet, Matisse est sans doute parmi les artistes présents dans la région, celui qui l’a profondément marqué et fait naître chez lui un intérêt majeur pour l’art. C’est notamment le cas à travers la chapelle du Rosaire que l’artiste réalise à la fin de sa vie à Vence, où il emprunte parfois le taxi de son père. Cette photographie témoigne aussi de l’amitié entre Serrano et Lambert qu’il découvre à la fin des années 1980 et qu’il défendra ensuite avec ardeur. En 2014, il invite le photographe américain à inaugurer un cycle d’expositions hors les murs au Musée de Vence. Serrano propose alors de réaliser une nouvelle série dans la Chapelle Matisse, en écho à The Church qu’Yvon Lambert l’avait aidé à produire.

Andres Serrano - Chapelle Matisse (Yellow, Blue, Green), 2015 - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Andres Serrano – Chapelle Matisse (Yellow, Blue, Green), 2015 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

L’accrochage propose une association insolite et inattendue pour ce cibachrome d’Andres Serrano avec un ensemble d’instruments de musique de carnaval fabriqués à partir de grandes calebasses dites cougourdons par Yves Rousguisto, lui aussi originaire de Vence. Leurs formes courbes rappellent en effet les motifs végétaux des vitraux dessinés par Matisse.

Yves Rousguisto - Instruments de musique provençaux de carnaval, Vence Vers 1985 - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Yves Rousguisto – Instruments de musique provençaux de carnaval, Vence Vers 1985 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Yvon Lambert a ajouté, presque cachée sur un petit pan de mur, une photographie de Vence prise en 1877 par un anonyme…

Anonyme - Vence, 1877 - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Anonyme – Vence, 1877 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Pour terminer cette première séquence, la montagne de Cezanne est évoquée par une stupéfiante installation de Giulio Paolini (La Montagne Sainte-Victoire, 1995). L’artiste reproduit, à l’aide de châssis et de chevalets, éclairés par deux lampes halogènes au sol, la « stéréométrie » d’une montagne, en restituant ses trois dimensions à l’une des peintures de Paul Cézanne.

Giulio Paolini - La Montagne Sainte-Victoire, 1995 - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Giulio Paolini – La Montagne Sainte-Victoire, 1995 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Dans un dialogue entre l’art et la poésie imaginé par Ryoko Sekiguchi pour Yvon Lambert, publié sur Instagram, on peut lire à propos de cette œuvre : « Plus que dans la recherche de la perfection, je trouve souvent la beauté dans ce qui est inachevé. Ainsi je pense à la dernière commande de châssis passée par Cézanne, auquel Giulio Paolini rend hommage dans l’œuvre que j’ai choisie pour illustrer cet épisode, et à l’émotion d’imaginer ce que l’artiste y aurait peint. Quel aurait été son testament artistique ? »…

Paul Hermann - Portrait de Paul Cézanne, Vers 1900 - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Paul Hermann – Portrait de Paul Cézanne, Vers 1900 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Peu avant le vernissage, Yvon lambert a souhaité « encadré » l’installation de Paolini avec deux dessins de sa collection personnelle : un Portrait de Paul Cézanne (vers 1900) de Paul Hermann et une esquisse au crayon de Paul Cézanne (Dans la Forêt, vers 1880-1883).

Vue de l'exposition Passions partagees Mucem 2024 © photo Laurent Lecat
« Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem © photo Laurent Lecat

L’évocation de Vence se prolongée avec une étonnante installation de Nathalie Du Pasquier (Cabine, 2024), produite par le Mucem pour l’exposition. À l’extérieur on découvre une superbe sélection d’ex-voto, reliquaires, objets de piété, amulettes, boîtes-oratoires, croix de la Passion, santibelli et autres statues. Tous ces objets de dévotion ont été choisis avec beaucoup de soins par Yvon Lambert dans les collections du Mucem.

L’architecture imaginée par Nathalie Du Pasquier sert d’écrins à plusieurs maquettes de chapelles pour le chemin du calvaire de Vence. Pour ce projet qui n’a jamais pu se concrétiser, Yvon Lambert avait demandé à dix-huit artistes contemporains de concevoir un décor pour ces constructions laissées à l’abandon ou utilisées comme appentis. Après leur exposition au château de Villeneuve à Vence, le collectionneur en a conservé certaines.

Populaire et quotidien. La beauté des choses simples - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Populaire et quotidien. La beauté des choses simples – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Il a choisi de présenter dans cette nouvelle Cabine de Nathalie Du Pasquier les propositions de Sol LeWitt, Jean-Michel Othoniel, Jean Charles Blais, Niele Toroni et Robert Barry.

Jean-Michel Othoniel – Projet pour la 4e station du chemin de croix de Vence (Jésus rencontre sa mère), 1994 ; Niele Toroni – Projet pour la 7e station du chemin de croix de Vence (Jésus tombe pour la deuxième fois), 1994 ; Sol LeWitt – Projet pour une chapelle du chemin de croix de Vence, 1994 ; Robert Barry – Projet pour la 8e station du chemin de croix de Vence (Jésus rencontre les filles de Jérusalem), 1994 ; Jean Charles Blais – Projet pour la 6e station (Véronique essuie la face de Jésus), 1994 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Le projet de Giulio Paolini est absent. Dans un article de 1994, le quotidien Le Monde le décrivait ainsi : « Paolini, pour qui église et musée sont de même nature : un monde impalpable qu’il cherche à restituer en couvrant les murs d’une multitude de cadres dorés vides, dont quatorze seraient isolés, comme le Christ parmi les hommes ». L’écho avec sa Montagne Sainte-Victoire aurait sans doute mérité l’attention…
C’est sans doute un des moments les plus réussis de « Passions partagées ».

Allan McCollum - Untitled, 1980 et - Pellerin, Bois d'impression d'images d'Epinal - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Allan McCollum – Untitled, 1980 et Pellerin (imprimeur et éditeur), Bois d’impression d’images d’Epinal – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Après le rapprochement des peintures sur bois d’Allan McCollum (Untitled, 1980) avec des planches d’impression d’images d’Épinal qui aborde avec humour et dérision les questions d’originalité, de reproduction et de série dans l’art, les trois séquences centrales du parcours cèdent trop souvent à la facilité… L’enchainement d’associations formelles et parfois anecdotiques rappelle les travers de l’exposition « Jeff Koons Mucem. Œuvres de la Collection Pinault ».

Populaire et quotidien. La beauté des choses simples - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Populaire et quotidien. La beauté des choses simples – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Fallait-il mettre en relation une des deux photographies du projet « Le Semeur, d’après Van Gogh » de Vik Muniz et Semeur près du moulin du Pont-Thibaud de Guy Pison ?

Jean-Michel Basquiat – Untitled, 1988 et Urbain Olié – Chef-d’œuvre de sabotier. Caylus, Tarn-et-Garonne 1875-1900 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Quels sens donner à la réunion de la paire de sabots offerte par Jean-Michel Basquiat (Untitled, 1988) à Yvon Lambert avec le Chef-d’œuvre de sabotier d’Urbain Olié conservé par le Mucem ? Les « explications » apportées par le cartel paraissent peu convaincantes…

Populaire et quotidien. La beauté des choses simples - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Populaire et quotidien. La beauté des choses simples – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Plus loin, de nombreux rapprochements semblent cousus de fil blanc ou tiennent sur peu de choses. On citera par exemple l’America (Snoop Dogg) d’Andres Serrano et le collier provenant de la boutique de Daniel Fourneuf dit « Dan de Ticaret ».
La conversation entre Énée descendant aux Enfers de Robert Combas avec Antar et Abla de Mahmoud Feriani est-elle véritablement fructueuse ? Dans le catalogue, la réponse du peintre à ce propos laisse dubitatif .

Robert CombasÉnée descendant aux Enfers, 1988 et Mahmoud FerianiAntar et Abla, Tunisie Début du 20e siècle – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Les verres sérigraphiés de Louise Lawler ont-ils réellement quelque chose à partager avec des bouteilles conservées au Mucem ? Les deux superbes dessins de Dennis Oppenheim accrochés aux côtés d’un grille-pain blésois et d’un porte-bouteilles permettent-ils comme le suggère Marie Charlotte Calafat dans le catalogue « d’inviter à les réévaluer et à les regarder autrement, en transcendant leur banalité et leur fonction utilitaire pour révéler une richesse historique et culturelle souvent négligée » ?

Dennis OppenheimStudy for Revolving Kissing Racks, 1990 et Porte-bouteilles, France 1re moitié du 20e siècle ; Dennis OppenheimStudy for Second Generation Ghost Toast, 1988 et Grille-pain Blésois, Loir-et-Cher 2e moitié du 19e siècle – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Certaines mises en relation sont à la limite du supportable. C’est notamment le cas pour l’émouvante œuvre de Jannis Kounellis commandée par Lambert pour une exposition collective dédiée à Artemisia Gentileschi.

Jannis Kounellis - Sans titre, 1979 et Composition en forme d’aile, Roubaix, Nord, entre 1900 et 1914
Jannis Kounellis – Sans titre, 1979 et Composition en forme d’aile, Roubaix, Nord, entre 1900 et 1914 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Elle est ici rapprochée d’une composition en forme d’aile issue d’un lot de fournitures de modistes du début du 20e siècle !!! Quel sens peut-on donner à une telle proposition ?
Le commentaire du cartel est consternant :« Au-delà de l’aspect décoratif, la plume est aussi un instrument d’écriture. Elle évoque le besoin d’amplifier les voix féminines dans la société »…

La séquence « Traces, lignes, formes. Habiter l’espace » apparaît comme un peu plus convaincante. Toutefois les rapprochements restent toujours très formels et souvent sans « âme ».

« Mythe et littérature. De la poésie, toujours » continue à enchainer les conversations insipides et ennuyeuses.
À titre d’exemple, on peut citer Descending Steps for Batan de Gordon Matta-Clark mis en relation avec un œilleton du centre pénitentiaire des Baumettes… Que peut partager le magnifique Blue Moon III de Kiki Smith avec la masse en bronze issue d’une fouille sous-marine en dehors de la corrosion du matériau ? L’horloge Münster de Westphalie apporte-t-elle quelque chose à Time Clock of the Heart (After Ingres) de Francesco Vezzoli ?

Gordon Matta-ClarkDescending Steps for Batan (Rendez-vous, Sous-sol), 1977 et Œilleton du centre pénitentiaire des Baumettes Marseille, 2016 ; Kiki SmithBlue Moon III, 2011 et Masse issue de la fouille sous-marine de La Lomellina dans la rade de Villefranche-sur-Mer, Avant 1516 ; Francesco VezzoliTime Clock of the Heart (After Ingres), 2008 et Horloge Münster, Westphalie, Allemagne 18e siècle – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Plus loin, on reste perplexe devant la Bouteille à la mer de Marcel Broodthaers flanquée par des bouteilles-calvaire…

Marcel Broodthaers - Bouteille à la mer, 1970-1971 et Collection de bouteilles- Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Marcel Broodthaers – Bouteille à la mer, 1970-1971 et Collection de bouteilles – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

La proximité d’une flûte de Pan moldave avec le splendide Pan de Cy Twombly etcelles de ruches avec son Aristaeus Mourning the Loss of his Bees ne sont-elles pas cousues de fil blanc ?

La déambulation dans ces trois séquences pourrait facilement tourner à l’ennui si la puissance des œuvres de la Collection Lambert et les excellentes conditions de leur exposition ne sauvaient l’intérêt des regardeurs·euses.
Il faut également souligner la qualité de la scénographie qui réemploie avec imagination les cimaises de « Fashion folklore ».

Populaire et quotidien. La beauté des choses simples - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Populaire et quotidien. La beauté des choses simples – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Les visiteur·euses attentifs relèveront quelques astucieuses mises en relation à distance. C’est notamment le cas pour le revers de la toile Au bagne – La rixe (vers 1930-1950) attribuée à Francis Lagrange dit Flag accrochée à la perpendiculaire de la cimaise qui vient « dialoguer » de manière très formelle avec Photo-souvenir : Daniel Buren, une peinture acrylique blanche sur tissu rayé blanc et rouge de 1971… La toile utilisée par le premier est la même que celle des chemises rayées portées par les prisonniers, le tissu préfabriqué de Buren pourrait être celui d’un auvent produit en série…

Construite avec beaucoup de soin, la séquence finale est sans doute avec l’évocation de Vence qui ouvre l’exposition le moment le plus puissant et émouvant du parcours.

Vue de l'exposition Passions partagees Mucem 2024 © photo Laurent Lecat
Au-delà de cette limite… Beau, sacré, fragile et terrifiant – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem © photo Laurent Lecat

Avec « Au-delà de cette limite… Beau, sacré, fragile et terrifiant », la question de la mort est abordée avec tact et finesse. Le titre choisi pour ces derniers moments de « Passions partagées » résonne naturellement avec celui du roman de Romain Gary paru en 1975.

Après les 732 images de l’animation d’Angela Detanico et Rafael Lain (Ulysses, 2017), on découvre sur la droite huit des Self-Portrait of You + Me (2008) de Douglas Gordon.
Face au regard absent de ces célébrités disparues, notre reflet nous renvoie à notre propre mort.

À propos de cette série, Yvon Lambert racontait « Déjà, ses jeux de mots en français me séduisaient, la vivacité de son esprit m’impressionnait ainsi que sa capacité intuitive à restituer notre monde. Je compris au fil de nos discussions que son projet allait être violent, intimement inspiré par l’idée du constat de mort, et associant sa connaissance des travaux du célèbre professeur Charcot sur l’hystérie à sa passion pour le cinéma dont il me cite des scènes entières de film comme Pierrot le fou, de Jean-Luc Godard. »

Au-delà de cette limite… Beau, sacré, fragile et terrifiant - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Au-delà de cette limite… Beau, sacré, fragile et terrifiant – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Plus loin, l’entrée dans l’espace où sont installées Les Images noires (1995) Christian Boltanski est gardé à droite par une émouvante encre sur papier japon d’Annette Messager (Avec nos doigts, 2020). Queques jours avant le vernissage de « Passions partagées », Yvon Lambert ressent comment impossible l’absence d’une œuvre de celle qui fut la compagne de Boltanski. Un coup de fil à l’artiste a permis le prêt de cete œuvre poignante.

Annette Messager - Avec nos doigts, 2020
Annette Messager – Avec nos doigts, 2020 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Dans Une histoire intime de l’art, le collectionneur écrivait au sujet des Images noires : « [L’œuvre] fait à mon sens parfaitement le pont entre les œuvres minimales de ma collection et les préoccupations plus contemporaines de certains artistes d’aujourd’hui. En effet, le jeu très minimal réside dans cet ensemble de monochromes noirs qui rappellent ceux de Brice Marden, d’Allan McCollum ou plus loin dans le temps de Barnett Newman et d’Ad Reinhardt. Mais la disposition de ces cadres noirs évoque moins la mort de la peinture, prônée par les grands maîtres de l’Art américain dès la fin des années 1950 que la disparition des images comme autant du souvenir qui s’évanouit. Accrochés comme les tableaux qu’on trouvait dans les intérieurs des grandes maisons bourgeoises du XIXe siècle, ces cadres font ainsi penser à d’hypothétiques visages qui auraient pu se retrouver ensemble dans cette galerie de portraits, mais qui aujourd’hui ont été effacés de la mémoire. Il ne reste plus alors des photographies que le format, dont le noir bien sûr symbolise aussi l’œuvre funeste de la mort. L’effet de miroir que provoque la surface des cadres en verre pose en même temps une autre interrogation : que reste-t-il en effet, du reflet de notre propre visage répété à l’infini dans cette salle sombre, dont la lumière, très subtile et douce, renforce l’évocation de cette mise en scène quasi dramatique, énigmatique et mystérieuse – ce que j’aime dans le travail de Christian. »

Christian Boltanski - Les Images noires, 1995
Christian Boltanski – Les Images noires, 1995 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Le caractère ostentatoire des quatre reliquaires du XVIIIe et du XIXe siècle provenant de Suisse contraste violemment avec les émouvantes boîtes de biscuits métalliques qui contiennent des objets personnels et présentent les photographies de visages d’enfants faiblement éclairées du Reliquaire (1989) de Christian Boltanski.

Christian Boltanski - Reliquaire, 1989
Christian Boltanski – Reliquaire, 1989 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

En face, Portrait of Yvon Lambert (2006) de stanley brouwn évoque inévitablement dans ce contexte la disparition du collectionneur avec une étrange note d’humour macabre…

Au-delà de cette limite… Beau, sacré, fragile et terrifiant - Passions partagées - La Collection Lambert au Mucem
Au-delà de cette limite… Beau, sacré, fragile et terrifiant – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Dans le catalogue, les échanges entre le collectionneur et la conservatrice du Mucem se terminent dans cette partie de l’exposition. À propos de son rapport à la mort, Yvon Lambert répond :
« La mort… J’y pense tous les jours depuis longtemps. Ce n’est pas une copine. J’ai une longue relation avec les cimetières, car ma mère aimait beaucoup y aller et moi aussi, en sa compagnie. On se promenait, on rendait des visites, d’autant que progressivement, les photographies sont arrivées sur les tombes et je trouvais ça de plus en plus intéressant. La musique religieuse associée à la mort est magnifique.
La mort pour nous, les Méditerranéens, est omniprésente. Quand j’étais enfant, dans les églises, au moment de la fête des morts, il y avait un cérémonial, tous les saints étaient recouverts de draps violets. Il y avait une ambiance vraiment mystérieuse, et dans les églises, toujours un autel pour les morts, tout en noir. C’est là que j’ai vu mes premiers tableaux, dans ces églises au parfum d’encens qui n’existe plus. C’est là que j’ai perçu l’apport de la connaissance à l’art, là où la mort est omniprésente, puisqu’il s’agit alors de rejoindre l’être suprême. Une belle messe comme on en faisait autrefois, ça n’existe pratiquement plus. C’était un bal de costumes, de couleurs. Les grandes fêtes religieuses étaient des spectacles magnifiques, et la vie était traversée de ça, du berceau à la bière ».

Autour de cette tige de métal dont la longueur équivaut à la taille exacte d’Yvon Lambert posée sur une planche et trois tréteaux qui prennent ici une allure de catafalque sont réunis plusieurs tirages de Nan Goldin et un ensemble d’ex-voto sélectionnés avec soin dans les collections du Mucem.

L’accrochage débute avec le grand portrait Yvon at Notre-Dame de la Garde, Marseille, 1996 de Nan Goldin.

Nan Goldin - Yvon at Notre-Dame de la Garde, Marseille. 1996
Nan Goldin – Yvon at Notre-Dame de la Garde, Marseille. 1996 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

À propos de ce grand cibachrome, Yvon Lambert raconte à Stéphne Ibars dans le Cahier de la Collection Lambert consacré à l’artiste américaine :
« J’avais amené Nan à Notre-Dame de la Garde, sachant qu’elle serait émerveillée par la vue et les ex-voto si beaux et si singuliers. Elle était ravie de cette découverte. Dans ce lieu si spirituel, nous avons commencé chacun à penser à nos proches, à ceux qui nous avaient quittés, emportés par le sida. Mon proche collaborateur Erik Vénard était en train de perdre le combat contre la maladie et nous avons été pris d’une émotion très forte. Nous nous sommes pris dans les bras et avons vécu un moment de communion hors du commun. »

Ex-voto de Donatien Dubaux, 1849 - Ex-voto de Jean-Baptiste Rouchas, 19e siècle - Ex-voto de Louise Ducros, 1847
Ex-voto de Donatien Dubaux, 1849 – Ex-voto de Jean-Baptiste Rouchas, 19e siècle – Ex-voto de Louise Ducros, 1847 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Les trois ex-voto peints qui suivent ce portrait « représentent des accidents qui, miraculeusement, n’ont pas fini par une tragédie. Ils portent de puissants messages, symboles d’espoir et de résilience, mais aussi de gratitude », précise le cartel.

Les Fatima Candles photographiées par Nan Goldin en 1998 résonnent avec une singulière mèche de cire représentant une bobine de fil originaire de Macédoine. Elles précèdent trois superbes tirages de la photographe américaine extraits d’une série réalisée à Rome en 2001 où les troublants jeux de lumière et d’ombre laissent entrevoir quelque chose de vivant dans les reliques saintes.
Deux souvenirs mortuaires qui conservent sous verre des mèches de cheveux les accompagnent.

Nan GoldinReliquary on Golden Alter, Rome 2001, Saint in the Casket, Rome 2001 et Skeleton Behind Bars, Rome 2001 ; Souvenir mortuaire de Bartet Paris Vers 1850 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Sur la cimaise suivante, l’accrochage de quatre photographies de Nan Goldin est entrecoupé par deux curieuses natures mortes dont les fleurs et les fruits font écho avec un peu trop d’évidence à ceux que l’on voit dans Gina at Bruce’s Dinner Party (NYC 1991).

Les portraits Anthony by the Sea, Brighton, England 1979 et Simon and Jessica in a towel, Avignon 2001 offrent un contrepoint heureux aux sombres images qui les environnent…

Dans Une histoire intime de l’art, Yvon Lambert fait ce touchant portrait de Nan Goldin : « Lorsqu’elle est loin de moi, il n’y a pas une semaine où je ne feuillette ses catalogues y découvrant continuellement une nouvelle image. C’est alors à son rire en cascade que je pense, à ses yeux si tendres, lorsque maquillés, ils donnent l’illusion de la joie même si Nan paraît fatiguée ou préoccupée. Je pense aussi à son petit appareil photographique qui ne la quitte pas, comme un gri-gri la protégeant à jamais, et enfin à cette phrase qu’elle cria dans un endroit qui lui était interdit : “I’m not a man, I’m not a woman, I’m Nan Goldin” ».

Un peu plus loin, un des treize télégrammes adressés à Yvon Lambert par On Kawara entre mai 1971 et novembre 1972 affirme « I am still alive ». Sur soixante-cinq cartes postales de New York envoyées entre le 9 août et le 3 octobre 1977, un tampon indique l’heure à laquelle il s’est levé…

Le cartel reproduit ce commentaire du collectionneur : « La réception quotidienne de ses télégrammes [d’On Kawara] était le point de départ d’une aventure avec lui qui dure depuis près de trente ans. J’avais bien sûr conscience que cette série de messages constituait déjà une œuvre à part entière, mais ce qui me plaisait tant dans cet envoi, c’était d’un point de vue personnel l’encouragement si fort que ces télégrammes suscitaient en moi. J’imaginais On quitter son appartement new-yorkais à des heures régulières, faire son parcours qu’il connaissait les yeux fermés jusqu’à la poste puis dicter ces quelques mots à l’opératrice qui devait être habituée à ses venues quotidiennes. […] Dans ma collection, j’ai une autre série d’œuvres qui fonctionne selon un principe similaire, les cartes postales où On a inscrit simplement l’heure à laquelle il s’est levé. »

Sur la droite de ces vitrines, un petit espace et une salle de projection accueillent des œuvres particulièrement émouvantes.

Rei Naito - Pillow for the Dead, 1997-1998
Rei Naito – Pillow for the Dead, 1997-1998 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Le vaporeux coussin en organza de soie de Rei Naito (Pillow for the Dead, 1997-1998) pèse selon l’artiste japonaise à peine le poids d’une âme humaine… Le cartel précise qu’il a été utilisé « pour une installation constituée de 304 oreillers alignés dans un monastère carmélite à Francfort pour évoquer les figures anonymes représentées dans la peinture murale du réfectoire »… Puis il suggère qu’« il accueille aujourd’hui la mémoire de celles et ceux qui sont à l’origine des collections merveilleuses du Mucem »…

À l’entrée de la salle de projection, deux œuvres dissemblables par leur taille construisent un tête-à-tête murmuré, certainement un des dialogue les plus touchants de l’exposition.

Anselm Kiefer - Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, 1996
Anselm Kiefer – Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, 1996 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

L’imposante toile verticale d’Anselm Kiefer (Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, 1996) est sans aucun doute un des chefs-d’œuvre de la Collection Lambert. Dans Une histoire intime de l’art, le collectionneur en parle ainsi : « Pour Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, j’ai ainsi vu Anselm semer dans les champs des milliers de graines de tournesols, photographier les fleurs sous le soleil de septembre, les faire sécher dans l’atelier puis les utiliser comme matériaux bruts, constitutifs de l’œuvre. Tour à tour, les tournesols sont devenus arbres de vie dans les plus récents autoportraits ; en prenant directement racine dans le ventre de l’artiste, ils ont servi aussi à d’incroyables cosmogonies où chaque graine noire symbolise les étoiles d’un savant système solaire. Ils sont déclinés autour de ce vers sublime de Corneille, ce grand dramaturge du XVIIe siècle. C’est la culture française dans toute son élégance qu’Anselm Kiefer a génialement intégrée dans cette œuvre. »

Amulettes pentacrines contre la foudre Digne-les-Bains, France 19e siècle
Amulettes pentacrines contre la foudre Digne-les-Bains, France 19e siècle – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Dans un cadre horizontal, cinq minuscules fossiles de pentacrine semblent être des graines noires qui se seraient échappées de toile de Kiefer… Ces zoolithes sont des empreintes d’animaux de la famille des oursins et étoiles de mer qui ont une forme d’étoile à cinq branches. Le cartel nous informe que ces amulettes trouvées à Digne au XIXe siècle sont comme certaines pierres des « supports de croyances crédités de pouvoirs contre la foudre, le plus redoutable des dangers du ciel »…

La vidéo de David Claerbout (Long goodbye, 2007) tournée dans la maison d’Yvon Lambert à proximité d’Avignon est particulièrement mystérieuse et poignante. Le site de l’artiste en résume ainsi le synopsis : « Cette vidéo est une étude d’un mouvement exécuté par une femme d’une quarantaine d’années, lors d’un coucher de soleil observé et enregistré par un seul mouvement de caméra ultra-lent en arrière : la femme sort de la porte d’entrée ouverte, monte sur la terrasse, regarde la caméra, sourit et fait un signe d’au revoir. Ce geste simple et universel, suivi de moments clés spécifiques du mouvement de caméra, se charge d’un contenu narratif fort. Au moment même où la femme remarque la caméra, elle la regarde, comme si elle regardait le spectateur, déclenchant ainsi le mouvement de recul de la caméra. La caméra se retire très lentement comme s’il s’agissait d’un spectateur embarrassé pris en flagrant délit de voyeurisme. La vidéo commence par un plan rapproché ou moyen de la porte d’entrée, ne révélant qu’une petite partie de la maison et de ses environs. Au fur et à mesure que la caméra recule lentement, le spectateur aura l’impression que le temps passe lentement, ce qui est renforcé par l’heure de la journée, lorsque les derniers rayons du soleil s’estompent dans l’obscurité totale de la nuit à la campagne. Plus la caméra se retire en cherchant un abri, plus elle révèle la splendeur de la maison, de la terrasse, des arbres, plus elle s’assombrit, créant ainsi un profond désir pour ce bel endroit qui restera hors de portée du spectateur à la tombée de la nuit ».

David Claerbout - Long goodbye, 2007
David Claerbout – Long goodbye, 2007 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

Comme le souligne le cartel, il y a quelque chose de proustien dans ce lent mouvement de caméra… Dans le catalogue, lors d’une conversation avec Marie-Charlotte Calafat, dans sa librairie parisienne, Yvon Lambert évoque ainsi son intérêt pour Proust : « L’écrivain que j’ai sans doute le plus lu, peut-être le plus mal, en tentant de le prendre de tous les côtés, c’est Marcel Proust. J’y suis revenu à plusieurs reprises, comme un rendez-vous régulier ». Un peu plus loin, il ajoute : « Proust a dit que tout beau livre est écrit dans une sorte de langue étrangère ; il se pourrait cependant que tout beau livre soit aussi fait pour être entendu. D’ailleurs, rien de ce qui est beau n’échappe à une forme de paradoxe ».

Comment de pas voir dans ce Long goodbye de David Claerbout une sorte d’adieu du collectionneur, une manière d’exprimer qu’« Au-delà de cette limite… »

« Passions partagées » se termine avec un egnigmatique face-à-face.

Nathalie Du Pasquier - Année révolutionnaire. Série de 12 affiches, 2024
Nathalie Du Pasquier – Année révolutionnaire. Série de 12 affiches, 2024 – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

D’un côté, on découvre les douze affiches de Nathalie Du Pasquier, qui illustrent les douze mois du calendrier de Fabre d’Eglantine qu’elle avait exposées en début d’année à la Librairie Lambert. Sans doute pour remercier l’institution de cette exposition, Yvon Lambert a souhaité faire don de cette série au Mucem.

Ex-voto, Espagne, Grèce, Italie, Pologne 20e siècle
Ex-voto, Espagne, Grèce, Italie, Pologne 20e siècle – « Passions partagées », la Collection Lambert au Mucem

En face et pour conclure, une vitrine rassemble une sélection d’ex-voto en métal du XXe siècle provenant d’Espagne, de Grèce, d’Italie et de Pologne…

Commissariat de Marie-Charlotte Calafat (Directrice scientifique et des collections du Mucem) et Stéphane Ibars (Directeur artistique délégué, Collection Lambert).
Scénographie de l’Agence Nathalie Crinière (Manon Grange et Taoyu Wang).

Couverture Catalogue - Passions partagées - Editions du Mucem
Couverture Catalogue – Passions partagées – Editions du Mucem

Catalogue aux Éditions du Mucem. Il est construit autour d’une conversation entre Yvon Lambert et Marie-Charlotte Calafat qui se développe dans les réserves du Mucem, dans l’appartement parisien d’Yvon Lambert, dans les rues d’Avignon, dans la librairie Lambert à Paris et dans l’exposition au Mucem. Interventions de Stéphane Ibars et David Quéré. Échanges avec Daniel Dezeuze, Jean Charles Blais, Yves Rousguisto, Andres Serrano, Eve Lambert, Robert Combas, Daniel Buren et Niele Toroni. Les poèmes de Ryoko Sekiguchi qui émaillent le parcours de l’exposition sont reproduits dans l’ouvrage. La couverture reproduit une œuvre originale de Nathalie Du Pasquier.

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