« Cezanne au Jas de Bouffan » – Exposition événement cet été au musée Granet


Du 28 juin au 12 octobre 2025, le musée Granet à Aix-en-Provence présentera « Cezanne au Jas de Bouffan », une exposition d’envergure réunissant près de 130 peintures, dessins et aquarelles. Inscrite dans le cadre de Cezanne 2025, programme porté par la ville d’Aix-en-Provence, cette exposition accompagnera l’ouverture au public de la bastide du Jas de Bouffan, demeure familiale du peintre, ainsi que la rénovation de son atelier des Lauves.

Pour les deux commissaires, Bruno Ely et Denis Coutagne, cette exposition ne pouvait se limiter à rassembler des œuvres uniquement parce qu’elles ont été réalisées au Jas de Bouffan.
Leur ambition est de proposer un accrochage qui ne considère pas la bastide familiale comme un lieu où Cezanne a vécu et peint, mais comme le laboratoire où il « expérimente son œuvre, la développe, la dépasse parfois, pour répondre à la question qu’il se posait dans une lettre à Émile Bernard : “Arriverai-je au but tant cherché et si longtemps poursuivi ?” ».

Paul Cezanne, Bassin et lavoir du Jas de Bouffan, vers 1885–1886
Paul Cezanne, Bassin et lavoir du Jas de Bouffan, vers 1885–1886. Huile sur toile, 64.8 x 81 cm. États-Unis, New York (NY), The Metropolitan Museum of Art, Legs de Stephen C. Clark, 1960. © The Metropolitan Museum of Art, Dist. GrandPalaisRmn / image of the MMA – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Avec une sélection exceptionnelle de près de 130 œuvres réalisées entre 1860 et 1906, l’exposition mettra en valeur l’œuvre de Cezanne et son lien profond avec le Jas de Bouffan, dans un accrochage où « chaque tableau s’impose à côté d’un autre comme une nécessité ».

Au-delà de ce lien avec la bastide familiale, l’exposition explorera les grands thèmes cezanniens, tels que ses natures mortes, ses paysages au Jas de Bouffan mais aussi de l’Estaque à Bibemus en passant par Sainte-Victoire, ses baigneurs et baigneuses, ainsi que ses portraits et autoportraits.

Les prêts annoncés confèrent à cette exposition une dimension internationale exceptionnelle, avec des œuvres provenant de musées français, dont le musée d’Orsay, mais aussi de Bâle, Boston, Budapest, Chicago, Cambridge (Harvard), Hiroshima, Londres, Los Angeles, New York, Ottawa, Philadelphie, Tokyo, Washington, et Zurich.

En parallèle de l’exposition, plusieurs sites emblématiques liés à Cezanne seront mis en valeur avec l’ouverture au public du Jas de Bouffan et de l’atelier des Lauves. Un parcours sera également aménagé dans les Carrière de Bibemus à partir de sept motifs qui ont inspiré de nombreuses toiles.

D’autres expositions aixoises sont également prévues dans le cadre du programme Cezanne 2025.

Du 19 juin au 2 novembre, le Musée du Pavillon de Vendôme proposera « L’expo des expos – Cezanne au Pavillon de Vendôme en 1956 et 1961 », sous le commissariat de Christel Pélissier-Roy. Les deux expositions historiques seront évoquées à travers des photographies du fonds Henry Ely, articles de presse, archives, courriers, affiches, et une reconstitution photographique de certaines salles. Une application en réalité virtuelle permettra de découvrir la salle du second étage, aujourd’hui inaccessible, où étaient exposés des chefs-d’œuvre de Cezanne.

Au Musée du Vieil Aix, Milène Cuvillier proposera « Cezanne vu d’Aix. Entre légende et mémoire collective ». Ce projet a l’ambition d’interroger le rapport de la cité d’Aix-en-Provence à cet artiste et de revenir sur une relation qui n’est pas toujours allée de soi. Peintures, photographies, documents d’archives et objets patrimoniaux permettront de comprendre l’évolution de la réception de l’artiste dans sa ville natale, du rejet jusqu’à sa glorification. L’histoire et la conservation de l’atelier des Lauves et la création de la Société Paul Cezanne seront également évoquées.

Commissariat pour « Cezanne au Jas de Bouffan » :
Commissaire général : Bruno Ely, conservateur en chef, directeur du musée Granet.
Commissaire scientifique : Denis Coutagne, président de la Société Paul Cezanne, conservateur en chef du patrimoine, ancien directeur du musée Granet.
Commissariat pour « L’expo des expos – Cezanne au Pavillon de Vendôme en 1956 et 1961 » : Christel Pélissier-Roy, directrice des musées d’Art et d’Histoire et responsable du musée du Pavillon de Vendôme.
Commissariat pour « Cezanne vu d’Aix. Entre légende et mémoire collective » : Milène Cuvillier, conservatrice et responsable du musée du Vieil Aix

À lire, ci-dessous, la présentation du parcours imaginé pour « Cezanne au Jas de Bouffan » et de ceux qui seront proposés au Jas de Bouffan, à l’atelier des Lauves et dans les Carrières de Bibemus. Ces informations sont extraites du dossier de presse.
Chroniques à suivre après les vernissages des expositions.

En savoir plus :
Sur le site Cezanne 2025
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« Cezanne au Jas de Bouffan » : Parcours de l’exposition

L’exposition « Cezanne au Jas de Bouffan » prend en compte une sélection d’œuvres réalisées par l’artiste entre 1860 et 1906, mettant en valeur l’œuvre de Cezanne et son rapport au Jas de Bouffan. Le parcours illustre le rôle de laboratoire de cette demeure familiale depuis le moment où le jeune Cezanne découvre la bastide que son père vient d’acheter, jusqu’à celui où il se voit obligé de quitter la propriété.

L’École de dessin

La première section de l’exposition est consacrée aux débuts artistiques de Cezanne, avec ses toutes premières productions encore académiques.

En octobre 1857, Paul Cezanne s’inscrit à l’école gratuite de dessin d’Aix, partie intégrante de ce qui est aujourd’hui le musée Granet. Ici, il suit des cours de modèle vivant ainsi que des cours de dessin d’après l’antique. Ses modèles sont des plâtres ou des marbres conservés dans le musée, qu’il visite régulièrement en support de ses cours. Ce contact avec les œuvres sera une pratique courante également lors de ses voyages à Paris, où il visite le musée du Louvre et réalise des copies d’après Puget ou Michel-Ange. Dans ses cahiers de croquis, il est encore possible de voir plusieurs fragments de ces dessins, fruit des longs moment d’étude et d’observation de l’artiste.

Paul Cezanne, Académie d’homme, 1862. Graphite sur papier, 62,5 x 47,8 cm. France, Aix-en-Provence, musée Granet, fonds de l’École de dessin, 1862 © Claude ALMODOVAR / musée Granet, Ville d’Aix-en-Provence et Le Rêve du poète ; Le Baiser de la Muse d’après F.-N. Frillié, 1859-1860. Huile sur toile, 82 x 66 cm. France, Paris, musée d’Orsay, dépôt au musée Granet, Aix-en- Provence, 1984 © GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Cependant, dans l’exposition, des œuvres de plus grand format montrent cette période précoce de l’artiste, comme Académie d’homme, Le Baiser de la Muse, d’après Frillié, ou encore Objets en cuivre et vase de fleurs, prêt de la Fondation Gianadda en Suisse.

La reconstitution du Grand Salon

Entre 1860 et 1870, Cezanne prend possession picturalement du Jas de Bouffan. Il peint tous les murs disponibles dans le « Grand Salon » à même le plâtre. Ces panneaux seront transposés sur toile après la mort du peintre.

Paul Cezanne, Les Quatre Saisons : L’Automne, vers 1860, peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile, 314 x 105 cm. L’Été, vers 1860, peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile, 314 x 109,5 cm. Le Printemps, vers 1860, peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile, 315 x 98 cm. L’Hiver, vers 1860, peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile, 314 x 104 cm. France, Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Don des héritiers d’Ambroise Vollard, 1950. © Grand Palais Rmn / Agence Bulloz – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Dans un premier temps (1859-1861), il couvre les murs de paysages, inspirés de Claude Lorrain ou Jacob van Ruisdael. Dans un deuxième temps (1862-1864), Cezanne peint Les Quatre Saisons (en les signant «Ingres»), au centre desquels il peint le portrait de son père. Dans un troisième temps (en 1864 et 1870), Cezanne se fait iconoclaste de ses propres panneaux : Il peint Le jeu de cache-cache, d’après Lancret par-dessus une Entrée de port, il installe un Baigneur dans le panneau où apparaissent une Ferme et une Chute d’eau. Il recouvre l’Entrée de Château d’un Christ aux limbes associés à une Marie-Madeleine, appelée autrement La Douleur. Enfin il rajoute des portraits de petites dimensions, comme celui d’Achille Emperaire ou Contraste.

Paul Cezanne - Le Jeu de cache-cache, d’après Lancret, 1862-64 - Photo Musée Nakata, Onomichi (Hiroshima)
Paul Cezanne – Le Jeu de cache-cache, d’après Lancret, 1862-64 – Photo Musée Nakata, Onomichi (Hiroshima) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

C’est ainsi que Cezanne commence la recherche de son style : parfois il ne se contentera pas de peindre les murs dans un esprit naturaliste, mais il intervient sur ses propres peintures de manière « couillarde », une technique plus maçonnée et violente acquise à Paris après 1863.

En 2023, un grand chantier de restauration a permis d’approfondir l’étude de ces panneaux, mais également d’en découvrir des nouveaux morceaux. Alors qu’on pensait que toutes les peintures avaient été enlevées des murs du « Grand Salon » du Jas, un ensemble de fragments de 5 à 6 m² a été retrouvé. Identifié par les spécialistes de la Société Paul Cezanne, cette composition a été nommée L’Entrée de port.

Bastide du Jas de Bouffan, vue de L’Entrée de port, première oeuvre peinte par Cezanne dans le « Grand Salon », découverte en 2023
Bastide du Jas de Bouffan, vue de L’Entrée de port, première oeuvre peinte par Cezanne dans le « Grand Salon », découverte en 2023 – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

L’exposition présentera dans une de ses salles une reconstitution du « Grand Salon », avec plusieurs œuvres initialement peintes sur les murs du salon originel : Les Quatre Saisons : Le Printemps, L’Été, L’Automne, L’Hiver, Le Baigneur au rocher (panneau reconstitué dans son intégralité), Le jeu de cache-cache d’après Lancret, ainsi que des fragments provenant du Paysage romantique au pêcheur, comme Le Pêcheur au rocher et du Paysage au Baigneur.

Paul Cezanne, Baigneur au rocher, vers 1867-1869
Paul Cezanne, Baigneur au rocher, vers 1867-1869. Peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile, 167,6 x 105,4 cm. États-Unis, Norfolk (VA), Chrysler Museum of Art ; Don de Walter P. Chrysler, Jr., 2009.13. © Chrysler Museum of Art – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Les Proches du Jas de Bouffan

Dans les mêmes années, Cezanne s’exerce au portrait : la National Gallery of Art de Washington prête pour l’exposition l’immense portrait de Louis-Auguste Cezanne, père de l’artiste, lisant L’Événement (1866), en corrélation avec une nature morte Sucrier, poires et tasse bleue, qui sera aussi exposée.

Paul Cezanne, Louis-Auguste Cezanne, père de l’artiste, lisant «L’Événement», 1866
Paul Cezanne, Louis-Auguste Cezanne, père de l’artiste, lisant «L’Événement», 1866. Huile sur toile, 198,5 x 119,3 cm. États-Unis, Washington, D.C., National Gallery of Art, Collection de M. et Mme Paul Mellon. Courtesy National Gallery of Art, Washington – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.
Paul Cezanne - Nature morte, sucrier, poires et tasse bleue, vers 1865. Huile sur toile, 25,8 x 20,8 cm - Musée Granet, Aix-en-Provence
Paul Cezanne – Nature morte, sucrier, poires et tasse bleue, vers 1865. Huile sur toile, 25,8 x 20,8 cm – Musée Granet, Aix-en-Provence – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

C’est également un temps où Cezanne honore ses amis : Achille Emperaire (c. 1867-1870), Anthony Valabrègue (c. 1869–1871) ou encore Fortuné Marion (c. 1871).

Le portrait le plus étonnant présenté dans l’exposition sera celui de Gustave Boyer (c. 1870), qui, après 70 ans d’absence, a été récemment redécouvert à Bâle, discrètement accroché dans une montée d’escalier. À ces portraits de jeunesse s’en ajouteront d’autres de la maturité, quand Cezanne peint coup sur coup le Portrait d’Henri Gasquet (c. 1896-1897), et celui de son fils Joachim Gasquet (1896-1897). Madame Cezanne ne vint pas très souvent au Jas de Bouffan, mais elle sera une autre présence importante dans l’exposition, grâce à un délicat Portrait de madame Cezanne (1883-1885), prêt du Philadelphia Museum of Art, sans oublier celui du musée d’Orsay, en dépôt au musée Granet.

Paul Cezanne, Portrait de madame Cezanne, 1883-1885
Paul Cezanne, Portrait de madame Cezanne, 1883-1885. Huile sur toile, 46 x 38.3 cm. États-Unis, Philadelphie (PA), Philadelphia Museum of Art, collection Louis E. Stern. © The Philadelphia Museum of Art, Dist. GrandPalaisRmn / image Philadelphia Museum of Art – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Les autoportraits

Les autoportraits auront une place particulière dans l’exposition : comme pour guider les visiteurs, ils seront placés par ordre chronologique dans chaque salle, et montreront le regard que l’artiste porte sur lui-même en se regardant devenir peintre : Portrait de l’artiste au fond rose, réalisé vers 1875 et actuellement au musée d’Orsay, Autoportrait au chapeau de paille (1878-1879), du Museum of Modern Art de New York, ou encore d’autres autoportraits appartenant à d‘importantes collections internationales, comme la Phillips Collection de Washington et la Basil & Elise Goulandris Foundation d’Athènes.

Paul Cezanne, Portrait de l’artiste au fond rose, vers 1875. Huile sur toile, 66 x 55,2 cm. France, Paris, musée d’Orsay, don de M. Philippe Meyer, 2000. © GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Adrien Didierjean et Autoportrait au chapeau de paille, 1878–1879. Huile sur toile, 34.9 x 28.9 cm. États-Unis, New York (NY), The Museum of Modern Art, collection William S. Paley. © 2023. Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Le paysage

Le Jas de Bouffan, c’est aussi l’apprentissage sur les motifs du paysage aixois. Il faudra attendre l’expérience impressionniste auprès de Pissarro vers 1872-1874, pour que Cezanne mette en œuvre cette pratique. Il apprend alors à décomposer et recomposer la lumière par touches colorées. Mais Cezanne reste Cezanne, il veut maintenir la force de construction qu’imposent une maison, une ferme, un arbre, un terroir, un paysage. Le Jas de Bouffan devient entre 1876 et 1890 le lieu par excellence de cette quête.
Dans un premier temps, Cezanne n’a pas besoin de sortir du parc. Le mur d’enceinte est comme une protection… Il peint la ferme du Jas de Bouffan, avec l’organisation complexe de ses bâtiments ; L’Allée des marronniers avec l’ordre solide des troncs d’arbres.

Paul Cezanne, Maison et ferme du Jas de Bouffan, 1885-1887 Huile sur toile, 60,8 x 73,8 cm République Tchèque, Prague, National Gallery Prague © National Gallery Prague 2023
Paul Cezanne, Maison et ferme du Jas de Bouffan, 1885-1887. Huile sur toile, 60,8 x 73,8 cm. République Tchèque, Prague, National Gallery Prague © National Gallery Prague 2023 – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Le tableau essentiel, voire unique de cette recherche, est celui de la National Gallery à Prague, Maison et ferme du Jas de Bouffan (1885- 1887). Dans cette œuvre, la bastide s’impose dans son éclat rayonnant avec un toit rouge et un pré d’un vert intense.

Paul Cezanne, Prairie et ferme du Jas de Bouffan, vers 1885-1887
Paul Cezanne, Prairie et ferme du Jas de Bouffan, vers 1885-1887. Huile sur toile, 66 x 81,5 cm. Canada, Ottawa, musée des Beaux-Arts du Canada, acheté en 1954. Photo : MBAC – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Après l’avoir peinte une fois dans son éclat presque fauve, Cezanne n’a plus besoin de revenir vers ce motif. Dans des œuvres réalisées successivement, la bastide se cache derrière les arbres, comme dans Prairie et ferme au Jas de Bouffan, daté de 1885- 1887, conservé à la National Gallery of Canada, à Ottawa. Dans les années 1890-1895, Cezanne se retire au Jas loin de l’agitation parisienne.

La nature morte

Il est fondamental de montrer des natures mortes dans une exposition sur l’œuvre de Cezanne au Jas de Bouffan : c’est à partir de ces compositions qu’il commence ses recherches sur l’équilibre des formes, de l’espace et des couleurs.
Ce sont ces recherches qui l’ont fait devenir le père de l’art moderne…
De plus, le thème de la « nature morte » est transversal : à Paris comme en Provence, des compositions avec pommes, cruches, pot de gingembre, ou encore le célèbre amour en plâtre, se répètent.

Paul Cezanne, Nature morte au plat de cerises et aux pêches, 1885-1887
Paul Cezanne, Nature morte au plat de cerises et aux pêches, 1885-1887. Huile sur toile, 50,17 x 60,96 cm. États-Unis, Los Angeles (CA), Los Angeles County Museum of Art, Don d’Adele R. Levy Fund, Inc., et M. et Mme Armand S.Deutsch
© 2024 Museum Associates / LACMA. Licenciée par Dist. GrandPalaisRmn / image LACMA – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Si déjà autour des années 1860 Cezanne réalise ses premières natures mortes, c’est en 1882 qu’il disposera d’un atelier au dernier étage du Jas de Bouffan pour développer ses recherches sur ce thème, dans le souci de réaliser des compositions formelles savantes.

Dans ces compositions, il est toujours difficile de cerner ce qui est réel de ce qui est modifié par l’imagination de l’artiste : « Dans le peintre il y a deux choses : l’œil et le cerveau, tous deux doivent s’entraider ; il faut travailler à leur développement mutuel ; à l’oeil par sa vision de la nature ; au cerveau par la logique des sensations organisées […] L’oeil doit concentrer, englober, le cerveau formulera ».4

Il est également complexe de pouvoir affirmer le lieu de création de certaines œuvres. Autour des années 1870 et 1880, Cezanne voyage souvent entre la Provence et le nord de la France. Toutefois, la présence récurrente de certains objets constitue un indice qui peut nous révéler si certains tableaux ont été réalisés au Jas de Bouffan.

Paul Cezanne, Pot de gingembre, 1890-1893
Paul Cezanne, Pot de gingembre, 1890-1893. Huile sur toile, 46,4 x 55,6 cm. États-Unis, Washington, D.C., The Phillips Collection, Don de Gifford Phillips à la mémoire de son père, James Laughlin Phillips, 1939 © Washington, The Phillips Collection – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

L’exposition du musée Granet permettra d’enquêter sur l’histoire de ces œuvres. Il sera possible de voir, entre autres, l’une des premières et l’une des dernières natures mortes faites au Jas de Bouffan : Sucrier, poires et tasse bleue (1865-1866) en dépôt du musée d’Orsay au musée Granet d’Aix-en-Provence, et Pot de gingembre (1890–1893) de la Phillips Collection à Washington.

Baigneurs, baigneuses

Une autre section de l’exposition sera réservée aux Baigneurs et Baigneuses. Entre dessins, peintures et aquarelles, ce thème met en lumière les recherches sur la figure humaine dans l’œuvre de Cezanne. Nous y retrouvons à la fois l’inspiration liée au thème classique des bacchanales, ainsi que les recherches plus modernes sur les volumes. Dans ces compositions, l‘expression érotique s’intègre à la volonté du peintre d’exprimer des recherches purement plastiques. Les corps des baigneurs et des baigneuses ont des formes anatomiques irrégulières, qui s’intègrent dans le paysage environnant, sans jamais perdre leur caractère charnel.

Paul Cezanne, Baigneurs au repos, vers 1875-1876
Paul Cezanne, Baigneurs au repos, vers 1875-1876. Huile sur toile, 35,2 x 46 cm. Suisse, Ville de Genève, musée d’Art et d’Histoire, dépôt de la Fondation Jean-Louis Prevost, 1985. © Musée d’art et d’histoire, Ville de Genève, photographe : Bettina Jacot-Descombes – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Nous savons que ce thème a hanté Cezanne durant toute sa vie : il réalise autour de 200 compositions de baigneurs et baigneuses, parfois les laissant inachevées. Il est certain qu’il a élaboré ces compositions lentement, jusqu’à aboutir aux tableaux des Grandes Baigneuses. Certainement, il a commencé cette entreprise au Jas de Bouffan pour la poursuivre, sans jamais l’achever, à l’atelier des Lauves pendant les dernières années de sa vie.

Toutefois, nous savons que le fameux grand tableau des Grandes Baigneuses, aujourd’hui à la Barnes Foundation de Philadelphie, a été travaillé pendant un moment au Jas de Bouffan. Nous en avons la certitude grâce au témoignage de son ami Joachim Gasquet, qui rendait souvent visite à Cezanne au Jas : « Constamment il travaille à une immense toile, vingt fois lâchée, vingt fois reprise, lacérée, brûlée, détruite, recommencée, et dont le dernier état appartient à la collection Pellerin (Gasquet fait ici une confusion entre les deux versions des Grandes Baigneuses, celle de la Barnes et celle du Philadelphia Museum of Art). J’en ai vu une réplique splendide, presque achevée, en haut de l’escalier du Jas de Bouffan. Elle resta là trois mois […] le sujet qui le hantait ainsi, c’était un bain de femmes sous des arbres, dans un pré. Il en a fait de petits ébauches. »

Ainsi, nous trouverons plusieurs œuvres sur ce thème avec Les Baigneurs au repos du musée d’art et d’histoire de la ville de Genève, (1875 – 1876), Baigneur descendant dans l’eau (vers 1885, collection particulière), ou encore le grand tableau Baigneuses et baigneurs (1899-1904) provenant de l’Art institute of Chicago (1899–1904).

Paul Cezanne, Baigneuses et baigneurs, 1899-1904
Paul Cezanne, Baigneuses et baigneurs, 1899-1904. Huile sur toile, 51,3 x 61,7 cm. États-Unis, Chicago (IL), The Art Institute of Chicago, Amy McCormick Memorial Collection © Art Institute of Chicago, Dist. GrandPalaisRmn / image The Art Institute of Chicago – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Les paysans du Jas de Bouffan

Ce qui caractérise le Jas de Bouffan dans la peinture de Cezanne c’est aussi les paysans qui l’habitent. Ces paysans se distinguent toujours des paysages, devenant un véritable témoignage de la vie quotidienne au Jas à travers ces figures emblématiques. Dans ce cadre, il réalise des portraits où de simples paysans sont magnifiés comme on en trouve dans la peinture classique, tel que Homme aux bras croisés (c.1899) du Salomon R. Guggenheim Museum de New York ou encore le Paysan assis du musée d’Orsay réalisé vers 1904.

Paul Cezanne, Homme aux bras croisés, vers 1899
Paul Cezanne, Homme aux bras croisés, vers 1899. Huile sur toile, 92 x 72,7 cm. États-Unis, New York (NY), Solomon R. Guggenheim Museum. © The Solomon R. Guggenheim Foundation / Art Resource, NY, Dist. GrandPalaisRmn / The Solomon R. Guggenheim. Foundation / Art Resource, NY – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

C’est également au Jas qu’il peint les célèbres tableaux des Joueurs de cartes, utilisant comme modèles des travailleurs de la ferme. Dans un silence absolu, pas une mouche ne vient troubler les joueurs attablés dans un face-à-face presque tragique. Ayant là encore trouvé la formule idéale pour dire en peinture ce que sont deux joueurs de cartes (loin de tout bavardage, de toute tricherie), il abandonnera ensuite le sujet. Ce tableau du musée d’Orsay apparaît comme la quintessence de sa recherche.

Paul Cezanne, Les Joueurs de cartes, 1893-1896
Paul Cezanne, Les Joueurs de cartes, 1893-1896. Huile sur toile, 47 x 56,5 cm. France, Paris, musée d’Orsay, legs Isaac de Camondo, 1911. © GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Au-delà du Jas de Bouffan

Cezanne s’arrêtait difficilement dans un endroit pendant longtemps. En plus des nombreux déplacements à Paris et ses alentours, en Provence, il essaie également de peindre les perspectives les plus différentes. Cependant, le Jas de Bouffan reste pour toujours son point de repère, le lieu où toujours revenir. C’est depuis le Jas qu’il part pour se rendre à l’Estaque, à Gardanne, Bellevue, Montbriand, ou encore aux carrières de Bibémus.

Paul Cezanne, La Mer à l’Estaque, 1878-1879
Paul Cezanne, La Mer à l’Estaque, 1878-1879. Huile sur toile, 72,8 x 92,8 cm. France, Paris, musée national Picasso-Paris, donation Picasso, 1978. Collection personnelle Pablo Picasso. © RMN – Grand Palais – Mathieu Rabeau – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

S’il y a un « au-delà du Jas » en terme géographique, il y a aussi un « au-delà du Jas » en terme temporel. Un temps de Cezanne au Jas, et un temps où cette demeure familiale devient un souvenir, pour laisser la place à son nouveau lieu de création, l’atelier des Lauves. Entre 1902 et 1906, Cezanne vit dans un appartement dans le centre ville d’Aix-en-Provence, rue Boulegon, et c’est depuis ce lieu qu’il part quasiment tous les jours pour se rendre à son nouvel atelier, sur la colline des Lauves. Ici, des grands chefs-d’œuvre voient le jour, certains commencés précédemment au Jas, comme les Grandes Baigneuses, aujourd’hui à la Barnes Foundation. Mais à l’atelier, il réalise également des œuvres plus intimistes, comme le portrait de son jardinier, monsieur Vallier, et un grand nombre de natures mortes.

Cette histoire est racontée à travers des œuvres majeures présentées dans cette section, telles que La Mer à l’Estaque du musée Picasso, La Carrière de Bibémus du Museum Folkwang de Essen, Le Jardinier Vallier de la Tate Gallery de Londres, ou encore la Nature morte avec crâne et chandelier de la Staatsgalerie de Stuttgart.

Paul Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire, 1897
Paul Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire, 1897. Huile sur toile, 73 x 91,5 cm. Bern, Kunstmuseum Bern, Legs Cornelius Gurlitt, 2014 photo@kunstmuseumbern.ch – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.

Le tableau La Montagne Sainte-Victoire, retrouvé dans la collection Gurlitt et aujourd’hui conservé au Kunstmuseum de Berne, marquera l’exposition d’une des œuvres les plus étonnantes de Cezanne. Il s’agit d’une vue de la montagne Sainte-Victoire peinte depuis le carrières de Bibémus en 1897.

La bastide du Jas de Bouffan

Le Jas de Bouffan fut une propriété familiale des Cezanne de 1859 à 1899. C’est en 1859 que Louis-Auguste Cezanne, père de Paul et banquier à Aix-en-Provence, en fait l’acquisition. À cette époque, le domaine de quatorze hectares est principalement agricole, abritant des vignes ainsi que des amandiers, mûriers et oliviers.

Bastide du Jas de Bouffan, Aix-en-Provence © photo Michel Fraisset
Bastide du Jas de Bouffan, Aix-en-Provence © photo Michel Fraisset

Ce n’est qu’à partir de 1870 que la famille Cezanne semble s’y être installée de manière continue. Dans les années 1860, la bastide n’était occupée que durant les mois d’été, ce qui explique la réalisation du portrait de Louis-Auguste Cezanne, peint vers 1864 directement sur le mur du « Grand Salon ». Le domaine reste inchangé jusqu’au décès de Louis-Auguste, le 23 octobre 1886. Par la suite, Paul Cezanne hérite de la propriété en indivision avec ses deux sœurs, Marie et Rose. En 1897, à la mort de leur mère, Rose décide de récupérer sa part d’héritage, ce qui conduit à la vente du Jas en 1899. Paul Cezanne n’y remettra plus jamais les pieds.

Bien qu’il n’ait habité le Jas de Bouffan que par intermittence à l’âge adulte, ce lieu reste au cœur de sa vie. Partageant son temps entre Paris et la Provence, il séjourne régulièrement à l’Estaque, Gardanne, Château-Noir ou encore Bibémus, avant de s’installer définitivement à l’atelier des Lauves dans ses dernières années. Mais jusqu’en 1899, le Jas demeure son point d’ancrage, un repère essentiel auquel il revient sans cesse. L’exposition mettra en lumière cet attachement profond.

En 2017, la Ville d’Aix-en-Provence décide de faire de la bastide, du parc et de la ferme du Jas de Bouffan, un lieu cezannien majeur.

La bastide est rénovée entre 2024 et 2025 dans le respect de son histoire depuis le XVIIIe siècle. Elle a pour vocation d’être la « maison de Cezanne » avec essentiellement :

• la mise en valeur du « Grand Salon ».
• la restitution de la cuisine à l’ancienne et de la salle à manger.
• la restauration d’une chambre à décors de gypseries sur le thème de « Léda et le cygne ».
• la restauration du premier atelier du peintre au 2e étage.
• un parcours dans le parc à la découverte des motifs cezanniens.

La ferme adjacente est rénovée pour accueillir le Centre Cezannien de Recherche et de Documentation (CCRD) porté par la Société Paul Cezanne avec Philippe Cezanne, arrière-petit-fils du peintre, Président d’honneur et Denis Coutagne Président en exercice depuis 2008.
La Société Cezanne a pour mission, entre autres, d’assurer la gestion du catalogue raisonné Cezanne on line, élaboré par Walter Feilchenfeldt, Jayne Warman, David Nash, fondé sur le catalogue raisonné de John Rewald, publié en 1996.

La ferme accueillera également des espaces pédagogiques dédiés aux publics scolaires. Des espaces d’accueil, d’atelier, de détente et de flânerie. Le grand hangar sera transformé progressivement en auditorium pour accueillir conférences, colloques, cours, séminaires…
L’orangerie sera aménagée en lieu de restauration.
Le parc avec allée des marronniers, bassins… sera entretenu pour correspondre au mieux à ce qu’il était au temps de Cezanne. Ce dernier a beaucoup peint dans ce parc, particulièrement des vues sur la bastide, la ferme, le bassin, les arbres ; parfois en regardant par-dessus le mur pour peindre La Sainte-Victoire.

Bastide du Jas de Bouffan, Aix-en-Provence © photo Michel Fraisset
Bastide du Jas de Bouffan, Aix-en-Provence © photo Michel Fraisset

Un nouveau bâtiment sera également prévu après 2025, pour tenir lieu d’accueil du public et de boutique. Son emplacement se situera sur l’avenue de l’Europe.

L’atelier des Lauves

Dernier atelier de Paul Cezanne, il a été construit en 1901 sur la colline des Lauves, au-dessus de la ville d’Aix-en-Provence. Le peintre en a dessiné lui-même les plans.
Racheté en 1954 par le Cezanne Mémorial Committee, sous l’impulsion de John Rewald et de James Lord, il est offert à l’université d’Aix-Marseille la même année. L’atelier des Lauves, dit « l’atelier de Cezanne », ouvre au public en tant que musée le 8 juillet 1954.

Atelier des Lauves © Sophie Spiteri
Atelier des Lauves © Sophie Spiteri

Après deux années de travaux minutieux, l’atelier des Lauves est restauré pour accueillir à nouveau le public. À partir de l’été 2025, ce lieu emblématique offrira progressivement une expérience immersive inédite au coeur de l’univers du maître provençal.

Grâce à un projet de réaménagement ambitieux, l’atelier des Lauves retrouvera son authenticité. Le jardin, soigné à l’image de ce qu’il était du temps de Cezanne, offrira désormais un cadre bucolique propice à la contemplation. Le pavillon se transformera en un espace entièrement dédié à la dernière période de création de l’artiste.
Grâce aux récits d’Émile Bernard, l’atelier sera reconstitué avec le plus grand soin. Chaque détail, chaque objet sera choisi pour restituer au plus près l’atmosphère de création de Cezanne.
Pièce maîtresse, la dernière palette de Cezanne, conservée jusqu’alors au musée Granet, sera présentée avec son grand chevalet.

Atelier des Lauves © Thomas Luppo
Atelier des Lauves © Thomas Luppo

Au-delà du pavillon et du jardin, le site de l’atelier des Lauves propose un parcours culturel complet grâce à l’acquisition par la ville d’Aix-en-Provence de la campagne Girard, qui sera reliée au reste du site par une passerelle. Ce nouvel espace sera le lieu d’accueil des publics, avec billetterie, boutique, buvette et ateliers pédagogiques.

Les carrières de Bibémus

Les carrières de Bibémus, situées à quelques kilomètres d’Aix-en- Provence, sont bien plus qu’un simple site naturel. Entre 1890 et 1904, Cezanne a trouvé dans ces carrières abandonnées un havre de paix et un terrain de jeu pour sa palette. Les couleurs chaudes et froides de la roche, la lumière changeante, la majesté de la montagne Sainte- Victoire ont nourri son œuvre et façonné son style unique.

Carrières de Bibémus, Aix-en-Provence © photo M. Fraisset
Carrières de Bibémus, Aix-en-Provence © photo M. Fraisset

Aujourd’hui, les carrières de Bibémus offrent un parcours à ciel ouvert qui invite à la découverte de l’œuvre de Cezanne. Sept motifs emblématiques, encore visibles sur le site, ont inspiré de nombreuses toiles aujourd’hui conservées dans les plus grands musées du monde :

• Le rocher rouge, célèbre toile conservée au musée de l’Orangerie à Paris ;
• Les trois Carrières de Bibémus, présentes dans des collections prestigieuses comme celles de la Fondation Barnes et de Stephen Hahn ;
• La carrière de Bibémus, conservée dans une collection particulière à Kansas City ;
• La montagne Sainte-Victoire vue de Bibémus, exposée au musée d’art de Baltimore ;
• Rochers et Caverne de la Fondation Beyeler à Bâle.

Carrières de Bibémus, Aix-en-Provence © photo M. Fraisset
Carrières de Bibémus, Aix-en-Provence © photo M. Fraisset

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