Jusqu’au 12 octobre 2025, le musée Granet à Aix-en-Provence présente « Cezanne au Jas de Bouffan », une exposition d’envergure réunissant près de 130 peintures, dessins et aquarelles. Inscrit dans le cadre de Cezanne 2025, programme porté par la ville d’Aix-en-Provence, cet événement exceptionnel et incontournable accompagne l’ouverture au public de la bastide du Jas de Bouffan, demeure familiale du peintre, ainsi que la rénovation de son atelier des Lauves.
Pour les deux commissaires, Bruno Ely et Denis Coutagne, cette exposition ne pouvait se limiter à rassembler des œuvres uniquement parce qu’elles ont été réalisées au Jas de Bouffan.
Leur ambition est de proposer un accrochage qui ne considère pas la bastide familiale comme un lieu où Cezanne a vécu et peint, mais comme le laboratoire où il « expérimente son œuvre, la développe, la dépasse parfois, pour répondre à la question qu’il se posait dans une lettre à Émile Bernard : “Arriverai-je au but tant cherché et si longtemps poursuivi ?” ».

Avec une sélection exceptionnelle de près de 130 œuvres réalisées entre 1860 et 1906, l’exposition met en valeur l’œuvre de Cezanne et son lien profond avec le Jas de Bouffan, dans un accrochage où « chaque tableau s’impose à côté d’un autre comme une nécessité ».
Au-delà de ce lien avec la bastide familiale, l’exposition explore les grands thèmes cezanniens, tels que ses natures mortes, ses paysages au Jas de Bouffan mais aussi de l’Estaque à Bibemus en passant par Sainte-Victoire, ses baigneurs et baigneuses, ainsi que ses portraits et autoportraits.
Les prêts confèrent à cette exposition une dimension internationale exceptionnelle, avec des œuvres provenant de musées français, dont le musée d’Orsay, mais aussi de Bâle, Boston, Budapest, Chicago, Cambridge (Harvard), Hiroshima, Londres, Los Angeles, New York, Ottawa, Philadelphie, Tokyo, Washington, et Zurich.







Commissariat pour « Cezanne au Jas de Bouffan » :
Commissaire général : Bruno Ely, conservateur en chef, directeur du musée Granet.
Commissaire scientifique : Denis Coutagne, président de la Société Paul Cezanne, conservateur en chef du patrimoine, ancien directeur du musée Granet.
Scénographie très réussie Studio Matters (Joris Lipsch, Architecte-scénographe ; Floriane Lipsch-Pic et Claire Cambier, Graphistes).
Éclairage irréprochable de Luminœuvre – Miguel Ramos.
Ci-dessous, les nombreux regards photographiques sur « Cezanne au Jas de Bouffan » sont accompagnés des textes de salle et de commentaires de Bruno Ely enregistrés lors d’une visite de presse fin juin quelques jours avant le vernissage. Ils suivent les dix sections du parcours d’exposition :
– Une jeunesse aixoise
– Le grand salon du Jas de Bouffan
– Les Proches du Jas de Bouffan
– Le paysage
– Un laboratoire cezannien
– L’atelier du Jas de Bouffan
– Baigneurs, baigneuses
– Les intimes au Jas de Bouffan
– Le Peuple du Jas de Bouffan
– Au-delà du Jas de Bouffan
Catalogue édité par le Musée Granet et GrandPalais-Rmn Éditions. Sous la direction de Denis Coutagne, il réunit de nombreuses contributions de ce dernier et de Bruno Ely, conservateur en chef, directeur du musée Granet et commissaire général de l’exposition.

Les nombreux essais sont signés par :
Nina Athanassoglou-Kallmyer, Professeure émérite en histoire de l’art à l’université de Delaware ;
Michela Bassu, Docteure en histoire de l’art et collaboratrice des Archives Lionello Venturi à l’université La Sapienza, Rome ; Faya Causey, Ancienne responsable du département des programmes académiques à la National Gallery of Art, Washington ; Philippe Cezanne, Arrière-petit-fils de Paul Cesanne. commissaire d’exposition, membre fondateur et président d’honneur de la Société Paul Cezanne ; François Chédeville, Enseignant-chercheur, ancien élève de l’ENS en lettres modernes et vice-président de la Société Paul Cezanne ; Rossella Cillani, Historienne de l’art, attachée de conservation contractuelle au musée Granet, Aix-en-Provence ; Jean Colrat, Agrégé de philosophie et docteur en histoire de l’art, chargé de cours à l’université Paris-Sorbonne et membre fondateur du Centre Victor Basch ; André Dombrowski, Professeur en art du XIXe siècle au département d’histoire de l’art de l’université de Pennsylvanie ; John Elderfield, Conservateur en chef honoraire au Museum of Modern Art de New York et professeur à l’université de Princeton ; Megan Fontanella, Conservatrice au musée Salomon R. Guggenheim, New York ; Michel Fraisset, Directeur général de l’office du tourisme Aix-en-Provence ; Hadrien France-Lanord, Professeur agrégé de philosophie et écrivain ; Judit Geskó, Conservatrice en chef au musée des Beaux-Arts de Budapest ; Clara Granzotto, Scientifique associée en conservation et science de l’Art Institute of Chicago ; Cindy Kang, Conservatrice à la Fondation Barnes, Philadelphie ; David Kirchthaler, Chargé des monuments historiques, direction du patrimoine, Ville d’Aix en Provence ; Maria Kokkori, Ancienne scientifiquz associée en conservation et science Art Institute of Chicago ; Kathryn Kremnitzer, Vice-présidente, directrice, responsable de la vente des peintures européennes du XIXe siècle chez Sotheby’s, New York ; Nancy Locke, Professeure d’histone de l’art et directrice des études supérieures en histoire de l’art de l’université de Pennsylvanie ; Mary Morton, Conservatrice en chef, département des peintures françaises, National Gallery of Art, Washington ; Anne Robbins, Conservatrice au musée d’Orsay, Paris ; Fabienne Ruppen, Assistante de conservation au cabinet des arts graphiques. Kunstmuseum, Bâle ; Antoinette Sinigaglia, Conservatrice-restauratrice de peintures murales (société Sinopia) ; Paul Smith, Professeur d’histoire de l’art à l’université de Warwick ; Elizabeth Steele, Responsable de conservation, Phillips Collection, Washington ; Mary Tompkins Lewis, Professeure émérite d’histoire de l’art. Trinity College, Hartford ; Jayne Warman, Historienne de l’art et coautrice avec Walter Feüchenfsldt et David Nash du catalogue saisonné en ligne de Paul Cezanne ; Sarah Wilson, Historienne de l’art, commissaire expositions et professeure au Courtauld Institute of Art, Londres.
En parallèle de l’exposition, plusieurs sites emblématiques liés à Cezanne sont mis en valeur avec l’ouverture au public du Jas de Bouffan et de l’atelier des Lauves. Un parcours est également aménagé dans les Carrière de Bibemus à partir de sept motifs qui ont inspiré de nombreuses toiles.
D’autres expositions aixoises s’inscrivent également prévues dans le cadre du programme Cezanne 2025.
Jusqu’au 2 novembre, le Musée du Pavillon de Vendôme propose « L’expo des expos – Cezanne au Pavillon de Vendôme en 1956 et 1961 », sous le commissariat de Christel Pélissier-Roy. Les deux expositions historiques sont évoquées à travers des photographies du fonds Henry Ely, articles de presse, archives, courriers, affiches, et une reconstitution photographique de certaines salles. Une application en réalité virtuelle permet de découvrir la salle du second étage, aujourd’hui inaccessible, où étaient exposés des chefs-d’œuvre de Cezanne.
Au Musée du Vieil Aix, Milène Cuvillier propose « Cezanne vu d’Aix. Entre légende et mémoire collective ». Ce projet a l’ambition d’interroger le rapport de la cité d’Aix-en-Provence à cet artiste et de revenir sur une relation qui n’est pas toujours allée de soi. Peintures, photographies, documents d’archives et objets patrimoniaux permettent de comprendre l’évolution de la réception de l’artiste dans sa ville natale, du rejet jusqu’à sa glorification. L’histoire et la conservation de l’atelier des Lauves et la création de la Société Paul Cezanne sont également évoquées.
À lire, ci-dessous, la présentation des parcours proposés au Jas de Bouffan, à l’atelier des Lauves et dans les Carrières de Bibemus. Ces informations sont extraites du dossier de presse.
En savoir plus :
Sur le site Cezanne 2025
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Consulter le Catalogue raisonné
Sur le site de la Société Paul Cezanne
« Cezanne au Jas de Bouffan » : Regards sur le parcours de l’exposition
L’exposition « Cezanne au Jas de Bouffan » prend en compte une sélection d’œuvres réalisées par l’artiste entre 1860 et 1906, mettant en valeur l’œuvre de Cezanne et son rapport au Jas de Bouffan. Le parcours d’abord chronologique puis thématique illustre le rôle de laboratoire de cette demeure familiale depuis le moment où le jeune Cezanne découvre la bastide que son père vient d’acheter, jusqu’à celui où il se voit obligé de quitter la propriété.
Une jeunesse aixoise
La première section de l’exposition est consacrée aux débuts artistiques de Cezanne, avec ses toutes premières productions encore académiques.
Cezanne s’inscrit de 1857 à 1862 à l’école gratuite de dessin, située dans l’ancien palais de Malte, qui abrite également la collection d’œuvres d’art du musée d’Aix, devenu musée Granet en 1949.
C’est dans ces salles du rez-de-chaussée qu’il apprend les rudiments de la peinture et du dessin. Sa formation académique comprend des cours d’après le modèle vivant, l’exercice du dessin d’après l’antique et la pratique de la copie. Plusieurs témoignages Indiquent que Cezanne est un familier du musée d’Aix dont il reproduit certaines œuvres.

A droite : Félix-Nicolas Frillié – Le Baiser de la Muse, 1857. Huile sur toile. France, Paris, Centre national des arts plastiques (Cnap), achat sur la liste civile, 1857, dépôt au musée Granet, Aix-en-Provence, 1857 – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence

Paul Cezanne, Académie d’homme, 1862. Graphite sur papier, 62,5 x 47,8 cm. France, Aix-en-Provence, musée Granet, fonds de l’École de dessin, 1862 © Claude ALMODOVAR / musée Granet, Ville d’Aix-en-Provence et Le Rêve du poète ; Le Baiser de la Muse d’après F.-N. Frillié, 1859-1860. Huile sur toile, 82 x 66 cm. France, Paris, musée d’Orsay, dépôt au musée Granet, Aix-en- Provence, 1984 © GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.



Paul Cezanne – Jeune fille en méditation, Vers 1860. Huile sur toile. France, Aix-en-Provence, musée Granet (FWN 566-TA) ; Fillette au perroquet, Vers 1860. Huile sur toile. Collection particulière (FWN 567) et Objets en cuivre et vase de fleurs, 1860-1862. Huile sur toile. Suisse, Martigny, Collection Fondation Pierre Gianadda (FWN 700) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence

Cette première salle de l’exposition présente également une chronologie, un extrait de l’acte de naissance de Louis-Auguste Cezanne sous le nom de Louis-Auguste Suzanne et cette explication sur l’utilisation de nom de Cezanne, sans accent dans l’ensemble des documents qui accompagnent l’exposition : « Paul Cezanne n’a jamais mis d’accent sur son nom, ce que confirme l’état civil d’Aix-en-Provence. Très tôt, les auteurs et critiques ont écrit «Cézanne» avec un accent, et nous devons le respecter lorsque nous les citons. Cependant, nous retenons aujourd’hui la graphie originale de Cezanne, sans accent, dont attestent les documents présentés ici ».
Le grand salon du Jas de Bouffan

Le grand salon est le premier atelier de Paul Cezanne.
La famille Cezanne ne s’installe véritablement qu’à partir de 1870 dans la bastide acquise en 1859. Dès 1860, âgé de 21 ans, le peintre s’approprie le grand salon en peignant directement à l’huile sur les murs en plâtre. À la recherche de son art, il s’essaie à une grande diversité de styles et de sujets.
Deux programmes décoratifs, typiques des bastides provençales, s’y déploient: Les Quatre Saisons dans l’alcôve, et un ensemble de paysages monumentaux sur les murs est et ouest.




Paul Cezanne, Les Quatre Saisons : L’Automne, vers 1860, peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile, 314 x 105 cm. L’Été, vers 1860, peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile, 314 x 109,5 cm. Le Printemps, vers 1860, peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile, 315 x 98 cm. L’Hiver, vers 1860, peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile, 314 x 104 cm. France, Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Don des héritiers d’Ambroise Vollard, 1950. © Grand Palais Rmn / Agence Bulloz – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence.
Puis en 1865, Cezanne opère une profonde rupture : c’est le début d’une phase expérimentale, au cours de laquelle il travaille de nouveaux thèmes et peint par-dessus ses premières créations.
Il peint Le jeu de cache-cache, d’après Lancret par-dessus d’une Entrée de port, il installe un Baigneur dans le panneau où apparaissent une Ferme et une Chute d’eau. Il recouvre l’Entrée de Château d’un Christ aux limbes associés à une Marie-Madeleine (La Douleur). Enfin il rajoute des portraits de petites dimensions, comme celui d’Achille Emperaire ou Contraste.

Après la vente du Jas, le destin de ces œuvres est mouvementé. Le nouveau propriétaire, Louis Granel, recouvre partiellement les murs de papier peint, ne laissant visibles que certaines peintures.
En 1907, Léonce Bénédite, directeur du musée du Luxembourg dédié alors aux artistes vivants, se rend au Jas de Bouffan et juge défavorablement ces peintures de jeunesse. Les panneaux sont alors déposés, découpés et transposés sur toile pour être vendus par Louis Granel et ses successeurs entre 1912 et 1960.
En 2023, un grand chantier de restauration a permis d’approfondir l’étude de ces panneaux, mais également d’en découvrir des nouveaux morceaux. Alors qu’on pensait que toutes les peintures avaient été enlevées des murs du « Grand Salon » du Jas, un ensemble de fragments de 5 à 6 m² a été retrouvé. Identifié par les spécialistes de la Société Paul Cezanne, cette composition a été nommée L’Entrée de port.

L’exposition présente une reconstitution du « Grand Salon », avec plusieurs œuvres initialement peintes sur les murs du salon originel : Les Quatre Saisons : Le Printemps, L’Été, L’Automne, L’Hiver, Le Baigneur au rocher (panneau reconstitué dans son intégralité), Le jeu de cache-cache d’après Lancret, ainsi que des fragments provenant du Paysage romantique au pêcheur, comme Le Pêcheur au rocher et du Paysage au Baigneur.

La reconstitution du grand salon et l’accrochage de plusieurs œuvres dispersées qui y retrouvent leur place est précédée par un vestibule.

En a peine plus de deux minutes, une remarquable animation numérique de Mehmet Aydogdu et du Studio Air Visual montre l’évolution du grand salon du Jas de Bouffan, depuis la création des premières œuvres par Paul Cezanne jusqu’à la découverte d’Entrée d’un port (FWN 382 [SPC]) en 2023.

Le texte de salle est accompagné par deux tirages photographiques des archives Venturi/Rewald prêtés par la bibliothèque de la National Gallery of Art de Washington. L’une illustre ce que fut le grand salon après la vente de la bastide, l’autre montre la dépose du Portrait de Louis-Auguste Cezanne, père de l’artiste.


Sur la gauche, l’exposition présente un paravent ayant appartenu à la famille Cezanne qui faisait vraisemblablement partie du mobilier du Jas de Bouffan et que l’on retrouve sur plusieurs toiles de Cezanne et notamment dans Paravent avec scènes champêtres et ornements (Vers 1859), en collection privée et dans Le Plat de pommes (Vers 1876-1877) conservé par le Metropolitan Museum of Art.

Entrée de port

Reproductions : Entrée d’un port, Vers 1860. Peinture à l’huile sur mur en plâtre (fragment). 354 x 335 cm. Aix-en-Provence, Jas de Bouffan (FWN 382 [SPC]) et Portrait d’Achille Emperaire, 1867-1868. Peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile. 42 x 40 cm. Collection particulière (FWN 421) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Entrée du château

Reproductions : Le Christ aux limbes, copie d’après Sebastiano del Piombo, Vers 1869. Huile sur plâtre transposée sur toile. France, Paris, musée d’Orsay, dation 2005, RF 2005 3 (FWN 598) et La Madeleine, Vers 1869. Huile sur plâtre transposée sur toile 168 x 126,4 cm. France, Paris, musée d’Orsay, achat avec les fonds d’une donation anonyme canadienne (FWN 599) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Baigneur au rocher

Chute d’eau, 1862-1864. Peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile. Collection Larock (FWN 6) et Baigneur au rocher, 1867-1869, (peut-être plus tôt). Peinture à l’huile sur mur en plâtre, déposée et montée sur toile. États-Unis, Norfolk (VA), Chrysler Museum of Arts, don de Walter P. Chrysler, Jr., 2009.13 (FWN 900) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Paysage romantique aux pêcheurs

Reproduction : Paysage romantique aux pêcheurs
Reproduction d’après une photographie de Robert Doisneau publiée en 1955 dans le magazine «L’Œil» (15 février 1955, Paris) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Alcôve

Les Proches du Jas de Bouffan

Au Jas de Bouffan, Cezanne réalise les premiers portraits de sa famille et de ses amis.
Dans cette période qu’il nomme « couillarde », sa peinture se veut sombre et tourmentée, donnant aux visages une solidité puissante. Il ne craint pas de peindre au couteau à palette, laissant sur la toile des traces de couleur denses et épaisses. Il peint les portraits de son père et de son oncle Dominique, moins souvent ceux de sa mère et de ses sœurs.
Beaucoup de ses amis se rendent au Jas de Bouffan et livrent d’importants témoignages sur la vie du peintre : Baptistin Baille, Antoine-Fortuné Marion, Antony Valabrègue, Gustave Boyer, Achille Emperaire et Emile Zola. Certains deviennent des personnalités du monde intellectuel de l’époque, comme Marion qui est nommé directeur du Muséum d’histoire naturelle de Marseille, et Valabrègue qui devient un poète et critique d’art reconnu.
Zola devient l’un des plus grands romanciers de la littérature française, tandis que Baille connaît une brillante carrière scientifique. Avec Cezanne, ces derniers formaient le trio des « inséparables ».

Cezanne considère le Jas de Bouffan comme la maison de son père.
Après l’avoir fait figurer au cœur du grand salon, il peint cet autre grand portrait de celui qui tarde à le reconnaître comme artiste. Le représenter lisant « L’Événement » n’est pas un hasard : en 1866, Zola y publie une série d’articles sur le Salon officiel, défendant les artistes refusés. Cezanne choisit de placer une de ses natures mortes à l’arrière-plan, et rend ainsi un double hommage à son père et à son ami, tout en affirmant son statut de peintre.






Paul Cezanne – Portrait de Louis-Auguste Cezanne, père de l’artiste, 1868-1873. Fusain sur papier. Etats-Unis, Dallas (TX), Dallas Museum of Art, Collection Wendy et Emery Reves. 1985.R.13 (FWN 1725) ; Le Père de l’artiste (verso), Vers 1865-1870. Graphite sur papier vélin. États-Unis, Washington, D.C., National Gallery of Art, Collection Armand Hammer, 1991. 1991.217.26.b (FWN 2312) ; Portrait de Louis-Auguste Cezanne, père de l’artiste (recto), 1879-1882. Graphite sur papier vélin. Suisse, Bâle, Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett – Cabinet des estampes, donation Martha et Robert von Hirsch, 1977. 1977.161 (FWN 3007-44a) ; Feuille d’études avec têtes de madame Cezanne et de Louis-Auguste Cezanne (recto), Vers 1877-1881. Graphite sur papier vélin crème. États-Unis, Cambridge (MA), Harvard Art Museums / Fogg Museum, legs Marian H. Phinney. 1962.24 (FWN 3008-41b) et Feuille d’études dont une pendule (verso), 1877-1881. Graphite sur papier vélin. États-Unis, Washington, D.C., National Gallery of Art, Collection de M. et Mme Paul Mellon, 1985. 1985.64.85.b (FWN 3008-40b)- « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence




Paul Cezanne – Étude pour le Portrait du peintre Achille, 1867-1870. Fusain sur papier vergé gris. Suisse, Bâle, Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett – Cabinet des estampes, achat 1934. 1934.193 (FWN 1703) ; Feuille d’études dont une d’Achille Emperaire (verso), 1867-1870. Graphite et encre sur papier (fragment). France, Aix-en-Provence, atelier des Lauves, don de Lucien Blanc, 1954, dépôt au musée Granet, 1996, Aix-en-Provence. 999.0.1362 (FWN 3004-21b) et Portrait d’Achille Emperaire (recto), 1870. Fusain avec quelques reprises à la mine de plomb sur papier chamois collé en plein. France, Paris, musée d’Orsay, conservé au cabinet des arts graphiques du musée du Louvre, don de M. Adrien Chappuis, 1967. RF 31778 (FWN 1705) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence


Paul Cezanne – Portrait de la mère de l’artiste et Portrait de Marie Cezanne, sœur de l’artiste, 1866-1867. Huile sur toile recto verso. États-Unis, Saint Louis (MO), Saint Louis Art Museum, achat du musée. 34:1934 (FWN 418, FWN 426) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Cette œuvre recto verso est mentionnée pour la première fois par Georges Rivière en 1923.
Par la suite, ses deux faces sont évoquées séparément par les historiens. Lors d’une restauration en 1962, le portrait de la mère réapparaît, dégagé d’une épaisse couche de peinture noire qui le recouvrait. La touche picturale des deux œuvres laisse penser qu’elles ont bien été peintes en même temps, Cezanne ayant simplement retourné la toile.


« J’ai fait un rêve, l’autre jour. J’avais écrit un beau livre, un livre sublime que tu avais illustré de belles, de sublimes gravures. Nos deux noms en lettres d’or brillaient, unis sur le premier feuillet, et, dans cette fraternité du génie, passaient inséparables à la postérité. Ce n’est encore qu’un rêve malheureusement ». Lettre d’Émile Zola à Paul Cezanne, 25 mars 1860


La présence de ce portrait ici est exceptionnelle.
Gustave Boyer fait partie des amis peu connus de Cezanne. Il peint trois fois ce notaire aixois rencontré probablement au collège Bourbon. Ces portraits sont souvent confondus avec des autoportraits de Cezanne, les deux amis se ressemblant beaucoup.
Ce tableau, dont la localisation est demeurée inconnue pendant près de soixante ans, retrouve aujourd’hui son public à la faveur de cette exposition.


Paul Cezanne – Portrait d’Antony Valabrègue, 1870. Huile sur toile. États-Unis, Los Angeles (CA), The J. Paul Getty Museum 85.PA.45 (FWN 425) et Portrait d’Antoine-Fortuné Marion, Vers 1871. Huile sur toile. Suisse, Bâle, Kunstmuseum Basel, acquis grâce à un prêt spécial du Grand Conseil de Bâle, 1978. G 1978.69 (FWN 424) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence



Paul Cezanne – Deux têtes de profil (Valabrègue?), deux études de figures (Marion?) (verso), Vers 1866. Crayon noir et encre de Chine sur papier vélin. Suisse, Bâle, Kunstmuseum Basel, Kuplerstichkabinett – Cabinet des estampes, achat 1934. 1934 161 (FWN 3017-1961) ; Études pour Marion et Valabrègue partant pour le motif, 1866. Graphite sur papier. Suisse, Bâle, Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett – Cabinet des estampes, achat 1934. 1934.200 (FWN 2216) et Portrait de Fortuné Marion et étude d’après L’Écorché (verso), 1869-1873. Graphite et encre sur papier vélin. Suisse, Bâle, Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett – Cabinet des estampes, achat 1934. 1934.176 (FWN 3017-29b) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Les autoportraits ont une place particulière dans l’exposition : comme pour guider les visiteurs, ils sont placés par ordre chronologique dans chaque salle, et montrent le regard que l’artiste porte sur lui-même en se regardant devenir peintre



Le paysage
Une reproduction agrandie en papier peint des Marronniers au jas de Bouffan (vers 1885-1886) couvre les murs de la cage d’escalier. Cette œuvre importante, conservée par l’nstitute of Arts de Minneapolis n’a malheureusement pas pu être empruntée.

Sur le mu du palier, une chronologie des années 1871-1882 fait face à une cartographie qui montre combien la Provence de Cézanne est en réalité toute petite. De 1882 à 1888, il vit dans le midi et partage son temps entre le Jas de Bouffan, Gardanne entre 1885 et 1886 et l’Estaque où il va vivre par intermittence pendant une vingtaine d’années de 1864-65 jusqu’à 1885.

Une application « Les Paysages de Cezanne, parcours d’un peintre en Provence » permet de découvrir les sites qui ont marqué la vie et l’œuvre de Paul Cezanne. Dans l’exposition, elle est disponible grâce à un écran tactile et hors les murs, elle peut être télécharger sur un téléphone portable en scannant un QR code.
Les trois salle suivantes sont consacrées aux paysages peints au Jas de Bouffan.
À la poursuite du paysage au Jas de Bouffan

Cezanne peint ses premiers paysages dans le grand salon, et ce genre devient récurrent dans ses œuvres de maturité.
Avant les années 1870, ses paysages gardent l’esprit de sa peinture « couillarde », inspirée par sa découverte des œuvres de Gustave Courbet et d’Honoré Daumier. Lors de la guerre franco-prussienne, Cezanne fait de la Provence son refuge et s’isole de plus on plus dans la nature. Entre 1870 et 1880, lors de nombreux séjours en région parisienne avec Camille Pissarro, il apprend à travailler la lumière en plein air dans le style impressionniste.
Toutefois, la Provence et ses paysages demeurent sa source d’inspiration majeure. Il y développe un style plus personnel et structure ses compositions par des couleurs toujours plus chaudes et intenses. Ses coups de pinceaux sont réguliers, solides, à la fois fluides et denses. Avec le temps ces paysages, au crayon, à l’huile ou à l’aquarelle, prennent une place prépondérante dans son œuvre.

On peut voir l’évolution stylistique de Cezanne à travers ces deux œuvres.
Il représente le même paysage de manière significativement différente. La peinture de 1871 est encore sombre et épaisse, la composition simplifiée. La même vue plus tardive, aux couleurs claires et denses, porte une attention particulière à la lumière. Les coups de pinceaux, plus légers et nuancés, attestent de l’influence de Camille Pissarro (1830-1903) et de la leçon impressionniste révélée par l’exposition de 1874.


Paul Cezanne – Bosquet au Jas de Bouffan, Vers 1871. Huile sur carton. Japon, Hiroshima, Hiroshima Museum of Art, dépôt de KOYUKO CO., LTD. D038 (FWN 57) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence


Paul Cezanne – Bosquet au Jas de Bouffan, 1875-1876. Huile sur toile. États-Unis, Portland (ME), Portland Museum of Art, Collection Isabelle et Scott Black, en dépôt au Portland Museum of Art. 21.1998.1 (FWN 88) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence






Paul Cezanne – Une allée, 1865-1867. Gouache et aquarelle sur papier vergé contrecollé sur carton. Collection particulière. (FWN 1004) ; Arbre dépouillé au Jas de Bouffan, 1878-1880. Crayon, aquarelle et gouache sur papier. Collection particulière, avec l’aimable autorisation de la galerie JiII Newhouse, New York. (FWN 1046) ; Roseaux au Jas de Bouffan (recto), 1880-1882. Aquarelle et crayon graphite sur papier. États-Unis, New York (NY), The Museum of Modern Art, Collection William S. Paley. SPC7.1990 (FWN 1083) et La Montagne Sainte-Victoire vue par-delà le mur du Jas de Bouffan, Vers 1885-1888. Aquarelle et graphite sur papier vergé. États-Unis, Washington, D.C., National Gallery of Art, Collection de M. et Mme Paul Mellon, 1985. 1985.64.82 (FWN 1180) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence



Paul Cezanne – Vue prise du Jas de Bouffan. 1875-1876. Huile sur toile. France, Paris, musée d’Orsay, donation Philippe Meyer, 2000, dépôt au musée Granet, Aix-en-Provence. RF 2000 32 (FWN 94) et Le Jas de Bouffan, Vers 1878. Huile sur toile. Collection Marina Picasso. JK 3796 (FWN 117) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence


Cette seconde salle de la section consacrée au paysage constitue l’un des moments majeurs du parcours, tant par la qualité des œuvres présentées que par leur format et leurs provenances exceptionnelles (Prague, Buffalo, Winterthur, New York – The Metropolitan Museum of Art et Solomon R. Guggenheim Museum, Courtauld à Londres, Musée des Beaux-Arts du Canada à Ottawa, Kunstmuseum Bern).

L’accrochage respecte la topographie du Jas de Bouffan et de son parc. Sur la cimaise centrale, visible dès le palier, se trouve Maison et ferme du Jas de Bouffan (1885-1887), conservée à la National Gallery de Prague, une toile emblématique qui a été choisie comme visuel de communication pour l’événement Cezanne 2025.

Cette œuvre offre la plus majestueuse des vues de la bastide du Jas de Bouffan.
Celle-ci n’apparaît que rarement dans l’œuvre de Cezanne, contrairement à la ferme plus souvent représentée. La touche, énergique et précise, dépeint les deux bâtiments avec une géométrie rigoureuse. Le rouge du toit et le vert de l’herbe mettent en valeur l’ocre rayonnant des murs de la bastide. Le bleu des volets rappelle celui du ciel, créant une harmonie de couleurs propre à Cezanne.
Un plan du Jas de Bouffan, associé au texte de salle, permet au visiteur de situer les points de vue retenus par Cézanne.

Le Jas de Bouffan est un véritable atelier en plein air pour Cezanne.
Le domaine, aujourd’hui absorbé par la ville, appartient à l’époque encore à la campagne. Après des années à expérimenter sa peinture à l’intérieur de la bastide, l’artiste explore le parc et traite ce lieu comme un thème pictural à part entière. Ces motifs se répètent dans plus de soixante de ses œuvres.
Les peintures présentées dans cette salle révèlent la géographie du Jas de Bouffan :
– la longue allée de marronniers, au sud, conduit à la grande bastide rayonnante de couleur ocre, typiquement provençale;
– le bassin, à l’ouest, bordé des statues d’un dauphin et de lions, permet à l’artiste de jouer avec la lumière des reflets sur l’eau;
– la ferme, à l’est, est probablement le lieu où il rencontre les paysans qu’il choisit pour modèles.
Plus loin vers l’est, il aperçoit la montagne Sainte-Victoire, aujourd’hui cachée par des bâtiments modernes. Au cœur du parc, Cezanne est ici dans son art, à l’abri du monde. (Texte de salle)

En partant sur la gauche de Maison et ferme du Jas de Bouffan (1885-1887), on découvre successivement :





La montagne Sainte-Victoire est l’emblème d’Aix-en-Provence. Après François Marius Granet (1775-1849) et Jean-Antoine Constantin (1756-1844), Cezanne en fait un motif récurrent et transcende la tradition de l’école provençale du paysage du xixe siècle. Il la peint depuis différents points de vue : Bellevue, le Jardin des peintres, ou encore le plateau ocré de Bibémus, visible ici dans l’œuvre du Kunstmuseum de Berne. Par son regard et sa peinture, Cezanne fait de Sainte-Victoire une montagne universelle.


Collection Buffalo AKG Art Museum, Fellows for Life Fund, 1927. 1927:17 (FWN 116) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
On revient alors à une autre vue de la bastide.

Un autoportrait de l’artiste conduit les visiteurs vers la troisième salle de la séquence consacrée au paysage.


La troisième salle dédiée au paysage réunit, entre deux autoportraits, un ensemble d’œuvres sur papier. Les aquarelles y occupent une place centrale : elles montrent comment Cézanne affirme un style et un langage propres, en travaillant d’abord les formes avant de confier à la couleur le soin de structurer l’image de façon plus libre et parfois presque abstraite. L’usage de la réserve et du « non fini » apparaît également dans ses peintures à l’huile, où inachèvement et précision coexistent dans un équilibre singulier. Placée au centre de l’accrochage, Le Bassin du Jas de Bouffan aux arbres dénudés (1881-1883) en offre une illustration particulièrement éloquente.

La ferme et le mur du Jas de Bouffan sont vus ici depuis le bassin, dessiné au premier plan et laissé en réserve dans le fond blanc du papier. Cet usage de la réserve, du « non fini », se retrouve aussi dans les peintures à l’huile de l’artiste. L’aquarelle, pour laquelle Cezanne développe un style et un langage propre, a toute son importance dans l’œuvre de l’artiste. Jusqu’en 1890, il se concentre sur la traduction des formes, avant de laisser la couleur déterminer les objets de façon plus abstraite.



Paul Cezanne – Maison entre les arbres, Vers 1900. Aquarelle et crayon graphite sur papier. États-Unis, New York (NY), The Museum of Modern Art, Collection Lillie P. Bliss, 1934. 15.1934 (FWN 1426) ; Jas de Bouffan, Vers 1890. Graphite et aquarelle sur papier vergé. Collection particulière. (FWN 1301) et La Barrière ou Entrée de ferme, 1890. Graphite et aquarelle sur papier vélin. Danemark, Copenhague, Statens Museum for Kunst, National Gallery of Denmark. DEP349 (FWN 1262) « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence


Paul Cezanne – Autoportrait (recto), Vers 1880. Graphite sur papier. Hongrie, Budapest, Szépművészeti Múzeum, Musée des Beaux-Arts. 1935-2679 (FWN 1732) et Autoportrait au chapeau de paille, 1878-1879. Huile sur toile. Etats-Unis, New York (NY), The Museum of Modern Art, Collection William S. Paley. SPC5.1990 (FWN 446) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Huiles, aquarelles ou dessins, de nombreux autoportraits de Cezanne sont aujourd’hui connus.
Dans cet exercice, l’artiste se prend comme modèle : le regard qu’il pose sur lui-même est toujours brutal dans sa neutralité, aucune émotion ne semble jamais apparaître. Cezanne se représente ici avec un chapeau, accessoire indispensable à la peinture en plein air « sur le motif », devant un fond paradoxalement décoratif, peut-être inspiré d’un papier peint de la bastide.
Le Jas de Bouffan, un laboratoire cézannien

Cette section intermédiaire propose une consultation du Catalogue Raisonné des œuvres de Paul Cezanne qui comprend plus de 4 000 entrées. Aujourd’hui disponible en ligne gratuitement, il est sous la direction de la Société Paul Cezanne.
En 1936, l’historien de l’art Lionello Venturi est le premier à publier un catalogue raisonné des peintures de Cezanne. Les dessins font l’objet d’une publication en 1973 par Adrien Chappuis. L’historien de l’art américain John Rewald reprend ce travail et livre un nouveau catalogue raisonné dédié aux aquarelles en 1984, puis aux peintures en 1996. À sa suite, Walter Feilchenfeldt, Jayne Warman et David Nash créent le catalogue en format digital avec une nouvelle numérotation commençant par FWN. Il est confié à la Société Paul Cezanne depuis juin 2023.


Le catalogue est divisé en trois sections : Peintures, Aquarelles et dessins, et Carnets de croquis. Les deux premières sections sont subdivisées en groupes ou thèmes ; les carnets de croquis sont traités séparément, chacun avec son propre numéro principal et des feuilles individuelles qui y sont liées.
La section Peintures commence par FWN 1, la section Aquarelles et dessins commence par FWN 1000 et la section Carnets de croquis par FWN 3000.
L’ensemble du catalogue peut être trié par numéro FWN, date ou taille. Le tri de l’ensemble du catalogue par date permet d’intégrer les œuvres par ordre chronologique, mais les numéros ne seront pas consécutifs. Les filtres offrent la possibilité de regrouper un ensemble d’œuvres et d’exclure celles qui ne sont pas pertinentes.
Ce document est accompagné par une sélection de photographies historiques de John Rewald et Lionello Venturi du Jas de Bouffan ainsi que quelques tirages de Robert Doisneau réalisés pour illustré un article de Douglas Cooper publié par la revue L’Œil en 1955.

À la mort de Paul Cezanne en 1906, les sites dits cézanniens aujourd’hui ne font l’objet d’aucune attention spécifique. Seul l’atelier des Lauves, acheté par l’érudit aixois Marcel Provence (1892-1951) en 1921, est aménagé pour accueillir les amateurs de l’artiste. Le Jas de Bouffan devient un lieu de pèlerinage et d’étude pour quelques connaisseurs qui le documentent, à la recherche des endroits précis où le peintre a planté son chevalet.
L’artiste américain Erle Loran (1905-1999) est le premier à faire des photographies des carrières de Bibémus et de l’atelier des Lauves, entre 1928 et 1930. A partir de 1932, l’historien de l’art John Rewald (1912-1994) se rend à plusieurs reprises au Jas de Bouffan et photographie des motifs selon les cadrages de l’artiste. Le peintre allemand Léo Marchutz (1903-1976), installé au Tholonet, l’y accompagne souvent. Enfin, l’historien de l’art italien Lionello Venturi (1885-1961) explore le site en 1935 dans le cadre de son travail sur le catalogue raisonné de l’artiste.

Le 15 février 1955, la revue L’Œil publie pour la première fois un article entièrement dédié au Jas de Bouffan.
Écrit par l’historien de l’art Douglas Cooper (1911-1984), il est illustré par le célèbre photographe Robert Doisneau (1912-1994). Ce dernier capture la bastide, et son parc, habitée par la famille Granel-Corsy, et de rares images des peintures murales du grand salon encore en place.
L’atelier du Jas de Bouffan

Cette séquence, entièrement dédiée aux natures mortes peintes par Cézanne au Jas de Bouffan, compte parmi les plus remarquables de l’exposition. À travers ces compositions, l’artiste engage ses recherches sur l’équilibre des formes, de l’espace et des couleurs. C’est dans l’atelier installé au dernier étage du Jas qu’il approfondit ce travail, animé par le désir de construire des compositions formelles élaborées.
Dans les années 1870 et 1880, Cézanne partage son temps entre la Provence et le nord de la France, ce qui rend parfois difficile l’identification précise du lieu de création de certaines œuvres. La présence récurrente d’objets familiers dans ses toiles fournit toutefois des indices permettant de rattacher certains tableaux au Jas de Bouffan.

Louis-Auguste Cezanne fait construire le premier véritable atelier de son fils sous les combles du Jas de Bouffan, au début des années 1880.
C’est ici que l’artiste se consacre à ses recherches sur les natures mortes, et s’éloigne des représentations traditionnelles de ce genre. Dans ses œuvres de la fin des années 1880, Cezanne dispose nappes, poteries, cruches, fruits et sucriers dans un équilibre apparemment instable. Les dimensions sont bouleversées, les points de fuite inattendus, et l’artiste réinvente l’incidence de la lumière sur les objets. La matière et la forme se révèlent à nos yeux dans des compositions nées d’une longue méditation, et dans une harmonie toute cézannienne. Ces principes deviennent par la suite les références majeures du cubisme.
Certains objets fréquemment représentés dans les natures mortes de Cezanne sont encore visibles dans l’atelier des Lauves à Aix-en-Provence, le dernier atelier de l’artiste. (Texte de salel)
Au centre de la cimaise, La Table de cuisine (1888-1890) prêtée par le Musée d’Orsay illustre parfaitement les recherches conduite alors par Cezanne.

Cezanne peint très certainement cette œuvre dans son atelier du Jas de Bouffan, comme en atteste la bordure du paravent visible dans l’angle supérieur gauche de la toile.
L’artiste étudie avec soin la disposition des objets qu’il observe depuis différents points de vue, utilisant même des pièces de monnaie pour incliner certains éléments et en modifier la perspective. Le panier tient à peine, les fruits s’apprêtent à rouler, le pot à gingembre, de forme sphérique, semble léviter.
Pourtant, la magie de sa composition donne l’impression d’un équilibre évident. (Texte du cartel)







Paul Cezanne – Nature morte au plat de cerises et aux pêches, 1885-1887. Huile sur toile. États-Unis, Los Angeles (CA), Los Angeles County Museum of Art, Don d’Adele R. Levy Fund, Inc., et M. et Mme Armand S.Deutsch ; Pot de gingembre, 1890-1893. Huile sur toile. États-Unis, Washington, D.C., The Phillips Collection, don de Gifford Phillips à la mémoire de son père, James Laughlin Phillips, 1939. 0284 (FWN 839) ; Nature morte aux pommes et melons, Vers 1895. Huile sur toile. Collection Famille Esther Grether. (FWN 862) ; Pichet de grès, 1893-1894. Huile sur toile. Suisse, Riehen / Basel, Fondation Beyeler, Collection Beyeler 99.7 (FWN 853) ; Fruits et pot de gingembre, 1890-1893. Huile sur toile. Collection particulière. (FWN 840) et Nature morte aux pommes, 1895-1898. Huile sur toile. États-Unis, New York (NY), The Museum of Modern Art, Collection Lillie P. Bliss, 1934. 22.1934 (FWN 869) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
En face de cet exceptionnel accrochage, un accent est mis sur une statuette d’un amour en plâtre que Cezanne utilise à de multiples reprises.

Cezanne reproduit souvent cette statuette d’un amour, dit «putto».
Il s’agit d’un moulage en plâtre d’après une sculpture initialement attribuée à Pierre Puget (1620-1694), qui serait plutôt l’œuvre de François Duquesnoy (1597-1643), sculpteur belge, fils de l’auteur du célèbre Manneken-Pis. Ce petit plâtre, encore visible à l’atelier des Lauves, est peint ici dans des dimensions monumentales. Cezanne se joue encore des perspectives, préfigurant ses recherches plus approfondies sur la figure humaine. (texte de salle)
Nus, baigneuses et baigneurs

Entre dessins, peintures et aquarelles, cette section consacrée aux Baigneurs et Baigneuses éclaire les recherches de Cézanne sur la figure humaine. On y perçoit à la fois l’inspiration liée au thème classique des bacchanales et une approche plus moderne du traitement des volumes. L’expression érotique s’y associe à une réflexion plastique, où les corps aux formes anatomiques irrégulières s’intègrent au paysage tout en conservant leur dimension charnelle.
Ce thème a hanté Cezanne durant toute sa vie. Il a réalisé près de deux cents compositions de baigneurs et baigneuses, souvent laissées inachevées, travaillées avec lenteur et reprises jusqu’à aboutir aux tableaux des Grandes Baigneuses. Cette recherche, amorcée sans doute au Jas de Bouffan, se poursuit à l’atelier des Lauves dans les dernières années de sa vie, sans jamais trouver son achèvement.
Les Grandes Baigneuses, aujourd’hui à la Barnes Foundation de Philadelphie, aurait été en partie élaboré au Jas de Bouffan, si l’on en croit le témoignage de son ami Joachim Gasquet qui rendait souvent visite à Cezanne au Jas. Le texte de salle en reproduit cet extrait :
« J’en ai vu jadis une réplique splendide, presque achevée, au haut de l’escalier du Jas de Bouffan. Elle resta là trois mois, puis Cézanne la retourna contre le mur, puis elle disparut. Il ne voulait pas qu’on lui en parlât, même lorsqu’elle rayonnait en plein soleil et qu’on était obligé de passer devant elle pour pénétrer dans son atelier, sous les mansardes. Qu’est-elle devenue? Le sujet qui le hantait ainsi, c’était un bain de femmes sous des arbres, dans un pré. Il en a fait une trentaine de petites ébauches, au moins, dont deux ou trois toiles très fines, très poussées, une multitude de dessins, des aquarelles, des albums de croquis qui ne quittaient pas le tiroir de sa commode, dans sa chambre, ou de sa table, dans son atelier. » Joachim Gasquet, Cézanne, Paris, Les Éditions Bernheim-Jeune, 1921, p. 35



Paul Cezanne – Femme au miroir, 1866-1867. Huile sur toile. France, Paris, musée d’Orsay, dation 1982, dépôt au musée Granet. RF 1982 43 (FWN 594) et Bethsabée, 1885-1890. Huile sur toile. France, Paris, musée d’Orsay, dation 1982, dépôt au musée Granet, Aix-en-Provence, 1984. RF 1982 45 (FWN 662) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Deux petites toiles en dépôt au musée Granet encadrent une Étude pour Léda (Vers 1882) de Philadelphie.


Paul Cezanne – Étude pour Léda, Vers 1882. Graphite, traces de peinture à l’huile, sur papier vélin. États-Unis, Philadelphie (PA), Philadelphia Museum of Art, don de M. et Mme Walter H. Annenberg. 1987-53-5a (FWN 3002-06a) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Dans la mythologie grecque, Léda est la reine de Sparte, séduite par Zeus qui a pris la forme d’un cygne.
Le thème est largement représenté dans l’histoire de l’art et Cezanne en fait plusieurs versions. L’artiste se souvient d’un bas-relief du XVIIIe siècle présent dans une pièce située au premier étage du Jas de Bouffan. Dans ce dessin il remplace le cygne par une coupe de champagne, en référence à l’étiquette d’une nouvelle marque alcoolisée, « Champagne Nana», lancée en 1880, au moment de la publication du roman éponyme d’Émile Zola, Nana. (texte du cartel)

Suivent quatre œuvres graphiques autour du thème des Baigneurs, dont une lithographie des Grands Baigneurs (Vers 1898) conservée par la Tate.

Ces œuvres sur papier précèdent un ensemble de cinq tableaux qui illustrent les recherches de Cezanne sur ce thème.





Paul Cezanne – Baigneurs au repos, Vers 1875-1876. Huile sur toile. Suisse, Ville de Genève, MAH Musée d’Art et d’Histoire, dépôt de la Fondation Jean-Louis Prevost, 1985. 1985-0017 (FWN 924) ; Quatre baigneuses, 1877-1878. Huile sur toile. Japon, Hakone, Pola Museum of Art. 002-0019 (FWN 938) ; Baigneuses, Vers 1895. Huile sur toile. Danemark, Copenhague, Ordrupgaard. 234 WH (FWN 960) ; Baigneuses et baigneurs, 1899-1904. Huile sur toile. États-Unis, Chicago (IL), The Art Institute of Chicago, Collection Amy McCormick Memorial. 1942.457 (FWN 976) et Baigneuses, Vers 1895. Huile sur toile. France, Paris, musée d’Orsay, dation 1982, dépôt au musée Granet, Aix-en-Provence, 1984. RF 1982 39 (FWN 958) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Le cartel des Quatre baigneuses, 1877-1878 du Pola Museum of Art est enrichi par un texte qui pourrait s’appliquer à l’ensemble de ces toiles :
Parfois, les baigneuses et baigneurs peuvent être de lointaines réminiscences de sujets mythologiques et bibliques, très différentes des figures sensuelles de Renoir ou impudiques de Gauguin. Cezanne impose sa vision distanciée du nu dans sa peinture, une mise à distance jouant sur une dominante bleutée, couleur froide, et des représentations du corps hors normes, loin des canons de la beauté classique. Il définit de nouvelles modalités de figuration du corps en peinture, dont s’inspireront les artistes du XXe siècle.
Les intimes au Jas de Bouffan

Si Henri Gasquet et son fils Joachim sont des familiers du Jas de Bouffan, Hortense Fiquet en reste bien éloignée.
Henri Gasquet est l’un des plus anciens amis de Cezanne, à qui il présente son fils Joachim. Une amitié se noue entre le peintre et ce jeune poète aixois, fervent régionaliste. Témoin privilégié de son œuvre, il publie le livre Cézanne en 1921, à partir de souvenirs et conversations avec l’artiste. Son témoignage nous apprend que ces deux portraits sont peints au Jas de Bouffan, à quelques mois d’écart.
Hortense Fiquet rencontre Paul Cezanne en 1869, et apprend sur les indications de l’artiste à « poser comme une pomme». Modèle patient dans l’intimité, elle est la figure féminine principale de son œuvre. Leur couple reste un secret pour Louis-Auguste pendant longtemps, Cezanne craignant son père et la perte de sa pension. Après son mariage en 1886, Hortense vient enfin au Jas de Bouffan avec leur fils. La relation entre les deux époux demeure constante malgré l’éloignement. L’artiste, absorbé par son travail, s’enracine en Provence tandis qu’Hortense demeure à Paris avec leur fils Paul.


Paul Cezanne – Portrait de Joachim Gasquet, Vers 1896-1897. Huile sur toile. République tchèque, Prague, National Gallery. O 3202 (FWN 521) et Portrait d’Henri Gasquet, Vers 1896-1897. Huile sur toile. Etats-Unis, San Antonio (TX), Collection MeNay Art Museum, legs Marion Koogler McNay. 1950.22 (FWN 522) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
« Cézanne achevait le portrait de mon père. J’assistais aux séances. […] Cézanne travaillait debout… Des toiles, en tas, contre le soubassement, dans un coin. Une douce lumière égale et que bleutait le reflet des murs. […] Mon père fumait sa pipe. Nous causions. La plupart du temps, quoiqu’il eût ses brosses et sa palette en main, Cézanne regardait le visage de mon père, le scrutait. Il ne peignait pas. De loin en loin, un coup tremblotant de pinceau, une mince touche appuyée, un vif trait bleu qui cernait une expression, dégageait, affirmait un coin fugitif de caractère… C’était le lendemain que je retrouvais, sur la toile, le travail de pénétration accompli la veille. Ce jour-là, un après-midi de fin d’hiver, l’air sentait le printemps autour du Jas ».
Joachim Gasquet, Cézanne, 1921, Paris, Edmond Bernheim-Jeune, p. 113


Paul Cezanne – Portrait de madame Cezanne, 1883-1885. Huile sur toile. États-Unis, Philadelphie (PA), Philadelphia Museum of Art, Collection Louis E. Stern, 1963. 1963-181-6 (FWN 468) et Portrait de madame Cezanne, 1885-1886. Huile sur toile. France, Parts, musée d’Orsay, dation 1902, dépôt au musée Granet, Aix-en-Provence, 1984. JRF 1982 47 (FWN 482) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Le Peuple du Jas de Bouffan

Aux figures de la vie parisienne, Cezanne préfère les paysans provençaux du Jas de Bouffan.
Un fragment du paravent, une palette, une cafetière, des tapisseries et papiers peints évoquent ce lieu où l’artiste les fait poser comme des modèles d’atelier. Il ne s’attache pas à la psychologie des personnages, mais traduit les visages et les corps par une géométrisation à peine suggérée, en plans, masses et volumes. Parfois méditatifs, comme saisis dans un moment de repos, ou prenant la pose devant l’artiste, ces figures génériques deviennent monumentales et s’éloignent de leur réalité quotidienne. Entre réalisme et idéalisme, l’intensité picturale de Cezanne les révèle dans toute leur pesanteur et leur humanité.




Paul Cezanne – Portrait de l’artiste regardant par-dessus son épaule, 1883-1884. Huile sur toile. Grèce, Athènes, Basil & Elise Goulandris Foundation Collection (FWN 471) ; La Femme à la cafetière, Vers 1895. Huile sur toile. France, Paris, musée d’Orsay, don de M. et Mme Jean-Victor Pellerin, 1956. RF 1956 13 (FWN 514) ; Homme aux bras croisés, Vers 1899. Huile sur toile. Etats-Unis, New York (NY), Solomon R. Guggenheim Museum. 54.1387 (FWN 528) et Paysan assis, Vers 1900. Huile sur toile. France, Musée d’Orsay RF 2009 8 (FWN 535) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence

La présence du paravent du Jas de Bouffan visible à l’arrière-plan revêt ici une valeur particulière.
La figure du paysan au premier plan masque le jeune homme peint sur le paravent, semblant ainsi prendre sa place dans l’échange avec la jeune femme tenant une ombrelle.
Reconnaissable à sa blouse bleue, son foulard rouge et son chapeau, ce paysan provençal est identifié comme celui de L’Homme à la pipe ici exposé et dans les deux premières versions des Joueurs de cartes.

On retrouve ce personnage dans les deux premières versions des Joueurs de cartes. Celle de la Barnes Foundation est la plus proche du tableau de Mathieu Le Nain du musée Granet


C’est également au Jas qu’il peint les célèbres tableaux des Joueurs de cartes, utilisant comme modèles des travailleurs de la ferme. Dans un silence absolu, pas une mouche ne vient troubler les joueurs attablés dans un face-à-face presque tragique. Ayant là encore trouvé la formule idéale pour dire en peinture ce que sont deux joueurs de cartes (loin de tout bavardage, de toute tricherie), il abandonnera ensuite le sujet. Ce tableau du musée d’Orsay apparaît comme la quintessence de sa recherche.

Ce sujet, récurrent dans l’histoire de l’art, est fondamental pour Cezanne qui le peint cinq fois.
Il s’inspire certainement du tableau de Mathieu Le Nain qu’il a pu étudier au musée d’Aix. Les deux premières versions, plus narratives, mettent en scène plusieurs personnages.
Les suivantes sont simplifiées pour aboutir à l’essentiel : deux joueurs face à face, dans une tension silencieuse. Il est difficile d’identifier l’arrière-plan. Un soubassement brun-rouge, découvert dans le grand salon restauré et semblable au fond des trois dernières versions, pourrait les relier au décor de la bastide du Jas de Bouffan.


Paul Cezanne – L’Homme à la pipe, 1892-1896. Huile sur toile. Etats-Unis, Washington, D.C., National Gallery of Art, don de la Fondation W. Averell Harriman à la mémoire de Marie N. Harriman. 1972.9.3 (FWN 683) et Un homme qui fume, étude pour le tableau Les Joueurs de cartes, Vers 1890-1892. Graphite. Pays-Bas, Notterdam, Collection Museum Boijmans Van Beuningen, prêt de la Fondation du Museum Boijmans Van Beuningen (ancienne Collection Koenigs). FII 225 (PK) (FWN 1762) – « Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence
Au-delà du Jas de Bouffan

Cet au-delà est géographique, chronologique et profondément humain. Dans les dernières années de sa vie, Paul Cezanne s’éloigne du Jas de Bouffan. Son travail sur les crânes rappelle l’artiste à sa condition mortelle, tel un memento mori dans la lumière provençale, où le peintre s’isole de plus en plus au service de son art.

Son ultime touche picturale sera pour l’une des versions du jardinier Vallier, son dernier modèle. Cezanne reste cependant habité par le souvenir du domaine familial. Quelques jours avant sa mort, il esquisse encore à la fin d’une lettre qu’il adresse à son marchand de couleurs, le 19 octobre 1906, une vue du parc du Jas de Bouffan.


Paul Cezanne – Trois crânes, Vers 1898. Huile sur toile. Etats-Unis, Detroit (MI), Detroit Institute of Arts legs Robert H. Tannahill. 70.163 (FWN 873) et Nature morte au crâne et chandelier, Vers 1900. Huile sur toile. Allemagne, Stuttgart, Staatsgalerie, acquisition, 1955. 2476 (FWN 872)« Cezanne au Jas de Bouffan » au musée Granet, Aix-en-Provence


Au-delà du Jas de Bouffan, Cezanne peint le bleu profond de la Méditerranée vue de l’Estaque.
À travers vingt-sept tableaux, l’artiste illustre la transformation de ce petit village de pêcheurs en paysage industriel. C’est pour retrouver ces mêmes touches rapides et colorées que Georges Braque (1882-1963) ou André Derain (1880-1954) se rendront à l’Estaque par la suite, sur les pas de Cezanne.


Le jardinier Vallier, dernier personnage dont Cezanne fait le portrait, apparaît presque comme le reflet du peintre lui-même.
Il pose sur la terrasse paisible de l’atelier des Lauves, entouré d’un jardin luxuriant offrant une vue dégagée sur la ville d’Aix-en-Provence. C’est ici que Cezanne peint ses ultimes chefs-d’œuvre, comme Les Grandes Baigneuses. La touche est à la fois légère et transparente, opaque et épaisse, allant jusqu’à l’épure du « non fini». La figure du jardinier semble elle-même habitée par cette tension.


La bastide du Jas de Bouffan
Le Jas de Bouffan fut une propriété familiale des Cezanne de 1859 à 1899. C’est en 1859 que Louis-Auguste Cezanne, père de Paul et banquier à Aix-en-Provence, en fait l’acquisition. À cette époque, le domaine de quatorze hectares est principalement agricole, abritant des vignes ainsi que des amandiers, mûriers et oliviers.

Ce n’est qu’à partir de 1870 que la famille Cezanne semble s’y être installée de manière continue. Dans les années 1860, la bastide n’était occupée que durant les mois d’été, ce qui explique la réalisation du portrait de Louis-Auguste Cezanne, peint vers 1864 directement sur le mur du « Grand Salon ». Le domaine reste inchangé jusqu’au décès de Louis-Auguste, le 23 octobre 1886. Par la suite, Paul Cezanne hérite de la propriété en indivision avec ses deux sœurs, Marie et Rose. En 1897, à la mort de leur mère, Rose décide de récupérer sa part d’héritage, ce qui conduit à la vente du Jas en 1899. Paul Cezanne n’y remettra plus jamais les pieds.
Bien qu’il n’ait habité le Jas de Bouffan que par intermittence à l’âge adulte, ce lieu reste au cœur de sa vie. Partageant son temps entre Paris et la Provence, il séjourne régulièrement à l’Estaque, Gardanne, Château-Noir ou encore Bibémus, avant de s’installer définitivement à l’atelier des Lauves dans ses dernières années. Mais jusqu’en 1899, le Jas demeure son point d’ancrage, un repère essentiel auquel il revient sans cesse. L’exposition mettra en lumière cet attachement profond.
En 2017, la Ville d’Aix-en-Provence décide de faire de la bastide, du parc et de la ferme du Jas de Bouffan, un lieu cezannien majeur.




La bastide est rénovée entre 2024 et 2025 dans le respect de son histoire depuis le XVIIIe siècle. Elle a pour vocation d’être la « maison de Cezanne » avec essentiellement :
• la mise en valeur du « Grand Salon ».
• la restitution de la cuisine à l’ancienne et de la salle à manger.
• la restauration d’une chambre à décors de gypseries sur le thème de « Léda et le cygne ».
• la restauration du premier atelier du peintre au 2e étage.
• un parcours dans le parc à la découverte des motifs cezanniens.
La ferme adjacente est rénovée pour accueillir le Centre Cezannien de Recherche et de Documentation (CCRD) porté par la Société Paul Cezanne avec Philippe Cezanne, arrière-petit-fils du peintre, Président d’honneur et Denis Coutagne Président en exercice depuis 2008.
La Société Cezanne a pour mission, entre autres, d’assurer la gestion du catalogue raisonné Cezanne on line, élaboré par Walter Feilchenfeldt, Jayne Warman, David Nash, fondé sur le catalogue raisonné de John Rewald, publié en 1996.
La ferme accueillera également des espaces pédagogiques dédiés aux publics scolaires. Des espaces d’accueil, d’atelier, de détente et de flânerie. Le grand hangar sera transformé progressivement en auditorium pour accueillir conférences, colloques, cours, séminaires…
L’orangerie sera aménagée en lieu de restauration.
Le parc avec allée des marronniers, bassins… sera entretenu pour correspondre au mieux à ce qu’il était au temps de Cezanne. Ce dernier a beaucoup peint dans ce parc, particulièrement des vues sur la bastide, la ferme, le bassin, les arbres ; parfois en regardant par-dessus le mur pour peindre La Sainte-Victoire.

Un nouveau bâtiment sera également prévu après 2025, pour tenir lieu d’accueil du public et de boutique. Son emplacement se situera sur l’avenue de l’Europe.
L’atelier des Lauves
Dernier atelier de Paul Cezanne, il a été construit en 1901 sur la colline des Lauves, au-dessus de la ville d’Aix-en-Provence. Le peintre en a dessiné lui-même les plans.
Racheté en 1954 par le Cezanne Mémorial Committee, sous l’impulsion de John Rewald et de James Lord, il est offert à l’université d’Aix-Marseille la même année. L’atelier des Lauves, dit « l’atelier de Cezanne », ouvre au public en tant que musée le 8 juillet 1954.

Après deux années de travaux minutieux, l’atelier des Lauves est restauré pour accueillir à nouveau le public. À partir de l’été 2025, ce lieu emblématique offrira progressivement une expérience immersive inédite au coeur de l’univers du maître provençal.
Grâce à un projet de réaménagement ambitieux, l’atelier des Lauves retrouvera son authenticité. Le jardin, soigné à l’image de ce qu’il était du temps de Cezanne, offrira désormais un cadre bucolique propice à la contemplation. Le pavillon se transformera en un espace entièrement dédié à la dernière période de création de l’artiste.
Grâce aux récits d’Émile Bernard, l’atelier sera reconstitué avec le plus grand soin. Chaque détail, chaque objet sera choisi pour restituer au plus près l’atmosphère de création de Cezanne.
Pièce maîtresse, la dernière palette de Cezanne, conservée jusqu’alors au musée Granet, sera présentée avec son grand chevalet.

Au-delà du pavillon et du jardin, le site de l’atelier des Lauves propose un parcours culturel complet grâce à l’acquisition par la ville d’Aix-en-Provence de la campagne Girard, qui sera reliée au reste du site par une passerelle. Ce nouvel espace sera le lieu d’accueil des publics, avec billetterie, boutique, buvette et ateliers pédagogiques.
Les carrières de Bibémus
Les carrières de Bibémus, situées à quelques kilomètres d’Aix-en- Provence, sont bien plus qu’un simple site naturel. Entre 1890 et 1904, Cezanne a trouvé dans ces carrières abandonnées un havre de paix et un terrain de jeu pour sa palette. Les couleurs chaudes et froides de la roche, la lumière changeante, la majesté de la montagne Sainte- Victoire ont nourri son œuvre et façonné son style unique.

Aujourd’hui, les carrières de Bibémus offrent un parcours à ciel ouvert qui invite à la découverte de l’œuvre de Cezanne. Sept motifs emblématiques, encore visibles sur le site, ont inspiré de nombreuses toiles aujourd’hui conservées dans les plus grands musées du monde :
• Le rocher rouge, célèbre toile conservée au musée de l’Orangerie à Paris ;
• Les trois Carrières de Bibémus, présentes dans des collections prestigieuses comme celles de la Fondation Barnes et de Stephen Hahn ;
• La carrière de Bibémus, conservée dans une collection particulière à Kansas City ;
• La montagne Sainte-Victoire vue de Bibémus, exposée au musée d’art de Baltimore ;
• Rochers et Caverne de la Fondation Beyeler à Bâle.

