Pour le deuxième anniversaire de la Double V Gallery, Nicolas Veidig-Favarel présente avec La Saga II une exposition collective plus resserrée que les 25 artistes qu’il avait rassemblés pour sa première Saga, en 2017.
Jusqu’au 1er mars 2019, il invite des artistes reconnus ou qui se sont récemment affirmés comme None Futbol Club, Mimosa Échard, Mara Fortunatovic ou encore Sylvain Couzinet Jacques… Mais il accorde également une place essentielle à des acteurs de la scène locale et régionale qui se sont imposés ces derniers mois : Gilles Pourtier, Gethan & Myles, Alice Guittard…
Si Nicolas Veidig-Favarel confie que cette proposition est un « regard en avant, qui distille quelques indices sur la programmation 2019 », son exposition montre aussi l’évidente cohérence de ses choix.
Avec acuité et retenue, les œuvres sélectionnées font écho à un effritement social qui finit par s’imposer avec violence. La trace, le rebut, le débris et les inquiétudes d’une certaine forme d’archéologie contemporaine traversent en partie les projets artistiques rassemblés où le matériau photographique est souvent présent. Sans doute, ces éléments contribuent aussi à définir une part de l’identité de la galerie.
Une fois encore, on est stupéfait de constater la maîtrise et l’étonnant sens de l’accrochage de Nicolas Veidig-Favarel. Il joue parfaitement avec les contraintes et les atouts de sa galerie qu’il sait métamorphoser à chaque exposition.
Pour La Saga II, il propose une mise en espace sobre, dense et légère, où chaque œuvre semble être à sa juste place. Aucune friction, compétition ou concurrence, les conversations et correspondances se multiplient, toujours pertinentes, inventives et souvent chuchotées.
L’accueil est simple, direct et chaleureux. Le galeriste défend les artistes qu’il expose avec un engagement résolu et passionné, une érudition jamais pédante. Il reste toujours attentif aux réactions de son interlocuteur.
Naturellement, un passage par la Double V Gallery s’impose avant la fin février. L’accrochage devrait évoluer au fil de l’exposition avec l’ajout d’œuvres de Gerard Traquandi, Côme Clérino, Brian De Graft, ou encore Alexandre Benjamin Navet…
La Saga II : Regards sur l’exposition
Dans la vitrine de la galerie, on retrouve avec intérêt un des surgissements accidentels mêlant peinture et papier froissé du projet Serendipity (Serendipity PFC-NB/HS, 2018), « images-empreintes » ou « images-spectrales » de Benjamin Ottoz que la Double V Gallery avait montrées lors de la dernière édition de Paréidolie.
Au revers de cette cimaise, Gilles Pourtier semble allumer la mèche avec une épreuve Sans titre, 2018 de sa série « Si mes larmes coulaient dans tes yeux »…
Sur la droite, un grand dessin en bois brûlé sur papier de None Futbol Club (Work no144 : Hot wheels, 2017 de la série Wheeling and dealing) pourrait être le résultat des intentions de Gilles Pourtier, s’il n’était un des multiples résultats d’une performance commencée il y a plusieurs années et reproduite en 2017 dans la Meuse à l’initiative de Vent des Forêts, un espace rural d’art contemporain animé par six villages agricoles et forestiers.
Ce dessin introduit avec intuition l’accrochage en lui donnant une tonalité et une résonance singulière avec les fracas qui proviennent de la rue en ce mois de décembre…
L’œuvre de None Futbol Club conduit naturellement le regard vers une installation d’Alice Guittard qui présente une sélection de pièces où elle poursuit son alliance étrange entre émulsions photosensibles et des fragments de « ruines contemporaines », ici des morceaux de pierre, de marbres funéraires, des débris d’accidents de voiture, de carrelage ou de polystyrène.
On se souvient de la participation d’Alice Guittard au Show Room d’Art-O-Rama et au premier épisode d’« Inventeurs d’aventures » sous le commissariat de Gaël Charbau à la rentrée 2017.
Un peu plus loin, on retrouve toujours avec autant d’émotion trois diptyques de Gethan & Myles qui prolongent la série « Lazare / The Space Between How Things Are And How We Want Them To Be Cyanotypes » créée pour l’exposition « OR » au Mucem.
Les bijoux rachetés au Crédit Municipal ont été restitués à leurs anciens propriétaires. Il n’en reste ici que l’histoire et la trace sur le cyanotype. Toujours aussi généreux, les deux artistes s’engagent à reverser un tiers de leur part aux personnes qui ont apporté ces bijoux au Mont-de-piété que la Double V Gallery complétera avec 10 % de la sienne.
Au fond de la galerie, sous la mezzanine, La Saga II accorde une place particulière à Sylvain Couzinet-Jacques.
Certains se souviennent probablement de sa participation à « Inventeurs d’aventures » à La Friche à la rentrée 2017 avec la présentation de son projet « Eden » et la découverte de son étonnant ouvrage reproduisant intégralement la maison avec un scanner à documents et de ses surprenants et mystérieux tirages photographiques sous verres teintés.
D’autres auront certainement remarqué ses images réalisées lors de sa résidence à la Casa de Velázquez pour son projet « Sub rosa » dont certaines étaient exposées dans la trop brève exposition « Viva Villa ! » à la Villa Méditerranée, en septembre dernier.
Nicolas Veidig-Favarel évoque ici l’important projet « Eden » de Sylvain Couzinet-Jacques avec un néon accroché sous la mezzanine (Foundations are bricks ands some boulders (Eden), 2016), un exemplaire du livre d’artiste réalisé en collaboration avec Fred Cave et édité par Aperture ainsi que deux tirages jet d’encre recouvert par un verre teinté (Eden Trees (blue) et Eden plants (yellow), 2016).
Du projet « Sub rosa », la galerie a montré récemment l’installation vidéo à l’occasion du salon Camera Camera à Nice.
https://vimeo.com/298888211
Pour l’occasion, Sylvain Couzinet-Jacques était associé à Ugo Schiavi qui avait été invité à visiter Eden et dont on garde le souvenir mémorable de son « Rudus, Ruderis » présenté à la Double V Gallery et bien entendu de sa participation à la dernière Nuit Blanche.
Pour La Saga II, Nicolas Veidig-Favarel expose un grand tirage sous verre teinté (The waiting (Sub Rosa), 2018), une des trois photographies montrées pour « Viva Villa ! ». Cette image mystérieuse et dérangeante mérite quelques explications que le jeune galeriste apporte avec tact, passion et érudition… Tout laisse penser que la collaboration entre les deux hommes devrait se poursuivre.
Le dernier mur de la galerie propose un accrochage sobre et élégant. Entre des Serendipity de Benjamin Ottoz, il conjugue avec adresse et sur un seul registre deux images de Sylvain Couzinet-Jacques (Eden Trees (blue) et Eden plants (yellow), 2016), une pièce de Mara Fortunatovic (Undula, 2018), un tirage pigmentaire de Tealia Ellis Ritter (Lavender Spray, 2015) qu’Emanuelle Oddo avait montré pour Été Indien (s) chez La Marchande des 4 Saisons à Arles et que la galerie avait présenté à Swab Art Fair 2018 à Barcelone.
Au centre de l’espace, Mimosa Échard expose trois moulages de bidons qui renferment une étrange et fascinante cuisine de sorcière. Y sont cristallisés dans la résine une pharmacopée bizarre composée de végétaux, de résidus, de débris ou de fossiles d’une archéologie incertaine…
En savoir plus :
Sur le site de la Double V Gallery
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