Possédé·e·s au MO.CO. Panacée

Possédé·e·s – Déviance, Performance, Résistance : Regards sur l’exposition

Une fois passée la porte de l’exposition, on perçoit immédiatement un changement. Les ouvertures de la grande salle sur la gauche de la première coursive sont partiellement occultées. Une lumière étrange et irréelle où se mêlent des teintes froides et chaudes semblent exsuder des espaces étroits qui persistent entre les embrasures et panneaux ajoutés.
Une inquiétante litanie paraît sortir des tréfonds de l’ancien Collège Royal de médecine…
On a le sentiment de pénétrer dans un monde un peu envoûté, dans un conte, une mise en scène ou le merveilleux et l’effroi vont s’affronter et se télescoper…

Dominique White et Sedrick Chisom (Salle 1)

Possédé·e·s au MO.CO. Panacée - Vue de l'exposition - Photo En revenant de l'expo - Salle 1
Possédé·e·s au MO.CO. Panacée – Vue de l’exposition – Salle 1 – Photo En revenant de l’expo

Dès que l’on entre dans la première salle, le regard est immédiatement captivé par deux œuvres magistrales de Dominique White dont on avait découvert le travail à Art-O-Rama en 2019.

Dominique White - Ruttier for the Absent, 2019 - Possédé·e·s au MO.CO. Panacée
Dominique White – Ruttier for the Absent, 2019. Voile détruite, feuilles de palmier détruite, sisal, argile kaolin, raphia, corde usée, fer, résidus de la mer Méditerranée. Dimensions variables Courtesy de l’artiste et VEDA, Florence – Possédé·e·s au MO.CO. Panacée

Des cordes usées, des voiles déchirées, des coquillages et laisses de mer et divers matériaux sont liés par de fragiles morceaux de kaolin qui se délitent…


Ces images spectrales de dépouilles suspendues à des crochets en fer évoquent les esclaves jetés par-dessus bord… Corps inutiles, malades ou révoltés devenus fantômes qui hantent les côtes africaines.

Les installations sculpturales de Dominique White dialoguent avec deux toiles de Sedrick Chisom d’où émergent des figures fantomatiques qui font écho elles aussi à l’histoire du colonialisme et de l’esclavagisme.

Une troisième œuvre de Sedrick Chisom (Fragile Narcissus’ Expulsion and Regurgitation of White Bile into Echo of His Belated Self, 2018) fait le lien avec la salle suivante. Inspiré de célèbre tableau du Caravage, son Narcisse est devenu un spectre pitoyable et cauchemardesque qui vomit sa propre bile…

Sedrick Chisom - Fragile Narcissus’ Expulsion and Regurgitation of White Bile into Echo of His Belated Self - Possédé·e·s au MO.CO. Panacée
Sedrick Chisom – Fragile Narcissus’ Expulsion and Regurgitation of White Bile into Echo of His Belated Self, 2018. Acrylique sur feuilles de papier collées sur bandes de toile. 150 x 107 cm Collection de Dan Bernier – Possédé·e·s au MO.CO. Panacée

Dominique White (née en 1993 à Londres, Angleterre) vit et travaille à Londres. Elle est diplômée de l’École des Beaux-Arts Goldsmiths de Londres en 2015.
Son travail a été présenté à Art-O-Rama, Marseille (2019) ainsi que dans l’exposition collective Boundary + Gesture, Wysing Arts Centre, Cambridge (2019) et fera partie de l’exposition Ubuntu, a Lucid Dream au Palais de Tokyo, Paris en 2020.
https://blackdominique.com/

Sedrick Chisom. Né en 1989 à Philadelphie (USA). Vit et travaille à Richmond et New-York (USA).
Diplômé de la Mason Gross School of the Arts de l’université Rutgers en 2018, son travail a été montré dans de nombreuses expositions collectives : Great Force à l’Institut d’Art Contemporain, Richmond (2020) ; Beside Myself à la JTT Gallery, New York (2018); GDPR à Signal Gallery, Brooklyn (2018); et Leap Centurah au Centre d’art Abrons, New York (2018), ainsi que lors d’expositions personnelles comme Westward Shrinking Hours, à la galerie Matthew Brown, Los Angeles (2020). https://sedrickchisom.com/

Nils Alix-TabelingAntonio ObaLewis HammondKelly Akashi et Jean-Marie Appriou (Salle 2)

Possédé·e·s au MO.CO. Panacée – Vue de l’exposition – Photo © Marc Domage

Qualifiée de chambre du Sabbat par Vincent Honré, cette séquence s’organise autour d’une importante installation de Nils Alix-Tabeling, produite par le MO.CO. pour l’exposition.
Une table et trois chaises évoquent des pratiques occultes, des systèmes de divination et des cosmogonies…

Nils Alix-Tabeling - Table-eau alchimique ; Le royaume de Satan était habilement divisé… et 3 chaises sympathiques (Chat-Mite-Sphinx), 2020 - Possédé·e·s au MO.CO. Panacée
Nils Alix-Tabeling – Table-eau alchimique ; Le royaume de Satan était habilement divisé… et 3 chaises sympathiques (Chat-Mite-Sphinx), 2020. Bois, plexiglas, résine, monnaie du pape, côte de maille, métal, tissus, réaction chimique serpent du pharaon. Dimensions variables Œuvre produite par le MO.CO. Montpellier Contemporain Courtesy de l’artiste – Possédé·e·s au MO.CO. Panacée

La réaction chimique « serpent du pharaon » installé sur la table est observée avec attention par la sculpture en fonte d’aluminium de Jean-Marie Appriou (Stalagmite, 2018) et par le reptile de Lewis Hammond (Approaching Oblivion, 2020).

Les chaises vides indiquent-elles que les trois sorcières se sont absentées ? Ont-elles été condamnées et torturées ?

Sont-elles celles que Pauline Curnier Jardin nous montre à la fin du parcours ? Vincent Honoré souligne que le corps absent est très présent dans l’exposition…

Antonio Obá - Pomba-gira, da serie Ambiente com Espelhos, 2017 - Possédé·e·s au MO.CO. Panacée
Antonio Obá – Pomba-gira, da serie Ambiente com Espelhos, 2017 – Possédé·e·s au MO.CO. Panacée

En témoignent ici les toiles d’Antonio Oba (Pomba-gira, da serie Ambiente com Espelhos, 2017), de Lewis Hammond (Thoughts of late, 2020) et les sculptures de Kelly Akashi (Illuminated Life Form, 2020 et Life Forms [Candle Hand], 2018)

Lewis Hammond - Thoughts of late, 2020 et Tigersuit, 2020 - Possédé·e·s au MO.CO. Panacée
Lewis Hammond – Thoughts of late, 2020 et Tigersuit, 2020 – Possédé·e·s au MO.CO. Panacée

Parmi les cinq toiles de Lewis Hammond qui dialoguent dans cette salle avec l’installation de Nils Alix-Tabeling, trois ont été produites pour l’exposition par le MO.CO.

Deux œuvres de Kelly Akashi dont une produite pour « Possédé.e.es » complètent la mise en scène. Les bougies fixées sur les mains de l’artiste devraient être allumées tous les soirs pendant l’exposition…

Kelly Akashi - Illuminated Life Form, 2020 - Possédé·e·s au MO.CO. Panacée
Kelly Akashi – Illuminated Life Form, 2020 – Possédé·e·s au MO.CO. Panacée

Nils Alix-Tabeling
Né en 1991 à Paris (France). Vit et travaille à Bruxelles (Belgique).
Diplômé de la Cambre à Bruxelles et du Royal College of Art de Londres, il a notamment participé aux expositions 100 artistes dans la ville, MO.CO. Montpellier Contemporain (2019) ; Futur, ancien, fugitif, Palais de Tokyo (2019); Florilège, Jupiter Woods, Londres (2019) et Somewhere in Between, BOZAR, Bruxelles (2019).
Nils Alix-Tabeling sur Instagram
Rencontre avec Nils Alix-Tabeling à La Panacée

Antonio Obá
Né en 1983 à Ceilândia (Brésil). Vit et travaille à Brasilia (Brésil). Son travail a été présenté dans les expositions ONDEANDAONDA, Museu Nacional da República, Brasilia (2015) ; My body is a cage, Galeria Luciana Caravello, Rio de Janeiro (2016) ; Pipa Prize, MAM-Rio, Rio de Janeiro (2017) ; Pele de Dentro, Mendes Wood DM, New York (2018) ; Histórias Afro-Atlânticas, MASP, São Paulo (2018). https://mendeswooddm.com/en/exhibition/antonio-oba

Kelly Akashi
Née en 1983 à Los Angeles (USA) où elle vit et travaille. Diplômée de l’University of Southern California en 2014, Kelly Akashi a participé à de nombreuses expositions personnelles et collectives y compris au Jewish Museum, New York (2016), au Musée d’art contemporain, Lyon (2017), François Ghebaly Gallery, Los Angeles (2019) et Tanya Bonakdar Gallery, New York (2020). En 2019 elle remporte le Carolyn Glasoe Bailey Foundation Art Prize et est sélectionnée pour les résidences d’ARCH Athens (Grèce) et du Headlands Center for the Arts à Sausalito en Californie. http://www.kellyakashi.com/

Lewis Hammond
Né en 1987 à Wolverhampton (Angleterre). Vit et travaille à Londres et Berlin.
Diplômé de la Royal Academy Schools à Londres en 2017, il y remporte le prix de peinture en 2016. Il participe à différentes expositions personnelles et collectives : Still life, à la galerie Lulu, Mexico (2020) ; The Keep, galerie Arcadia Missa, Londres (2019) ; A House is not a Home, Kunsthalle de Fribourg, Suisse (2019) ; My room, Antenna Space, Shangaï (2019).
Les œuvres Approaching Oblivion, Tigersuit et Breaching Melody (2020) sont produites pour le MO.CO. Montpellier Contemporain.
Site de l’artiste

Nicolas Aguirre et Myriam Mihindou (Salle 3)

Possédé·e·s au MO.CO. Panacée - Vue de l'exposition
Possédé·e·s au MO.CO. Panacée – Vue de l’exposition

La confrontation de l’installation Champ d’échange d’âme de Nicolas Aguirre et des photographies de Myriam Mihindou est un des moments les plus intenses du parcours de « Possédé.e.s ».

Nicolas Aguirre - Champ d’échange d’âme, 2020 - Photo © Marc Domage
Nicolas Aguirre – Champ d’échange d’âme, 2020. Kilim, néon, bureau, plaques de cuivre, objets divers. Dimensions variables. Œuvre produite par le MO.CO. Montpellier Contemporain, avec la participation de l’entreprise Dhoku. Courtesy de l’artiste – Photo © Marc Domage

Dans cet espace préalablement purifié par un rituel et notamment celui de faire brûler le Palo Santo, l’installation de Nicolas Aguirre et les performances qui l’accompagnent est le troisième acte de ce que Caroline Chabrand, co-commissaire de l’exposition, qualifie de grand opéra que « l’artiste est en train d’orchestrer, passant d’un médium à l’autre, poussant sa réflexion sur l’âme et sa “matérialisation” »…

Le premier acte, Poker d’âmes, a pris la forme d’une performance qui s’est déroulée en 2018 à la galerie chantiersBoîteNoire. Les joueurs étaient invités à parier leur âme… Le deuxième, Échange d’âmes, était un dispositif contractuel qui définissait une contrepartie d’âmes après que l’artiste ait divisé la sienne en 21 morceaux…

Nicolas Aguirre - Champ d’échange d’âme, 2020 - Possédé·e·s au MO.CO. Panacée
Nicolas Aguirre – Champ d’échange d’âme, 2020 – Possédé·e·s au MO.CO. Panacée

Les images de Myriam Mihindou font un écho troublant par leur forme, leur intention et leur caractère performatif avec ce Champ d’échange d’âme.

Myriam Mihindou - Johnnie Walker 1 sur 3, Série «Sculpture de chair», 1999-2000 - Possédé·e·s au MO.CO. Panacée
Myriam Mihindou – Johnnie Walker 1 sur 3, Série «Sculpture de chair», 1999-2000 – Possédé·e·s au MO.CO. Panacée

Le kaolin dont elle se recouvre les mains dans sa série Sculpture de chair rappelle les fragiles et fantomatiques sculptures de Dominique White qui ouvrent le parcours…

Possédé·e·s au MO.CO. Panacée - Vue de l'exposition
Possédé·e·s au MO.CO. Panacée – Vue de l’exposition

Nicolas Aguirre
Né en 1991 à Quito (Équateur). Vit et travaille à Montpellier.
Diplômé de l’École des Beaux-Arts de Montpellier en 2018, il est un des membres fondateurs du collectif In Extremis. Il a participé à l’exposition collective Chopped and Screwed atterrissage programmé, FRAC Occitanie Montpellier (2018), et à Pm-10, galerie Aperto, Montpellier (2018), ainsi qu’au programme de résidence internationale Saison 6 proposé par le MO.CO. ESBA en 2019. En 2020, il a sa première exposition personnelle à la galerie ChantiersBoîteNoire à Montpellier.
Site de l’artiste

Myriam Mihindou
Née en 1964 à Libreville (Gabon). Vit et travaille à Paris.
Elle est diplômée de l’École des Beaux-Arts de Bordeaux en 1993. Elle participe à de nombreuses expositions collectives, telles que Antinymphe au Centre de création contemporain Olivier Debré, Tours (2019) ; Afriques Capitales à La Villette, Paris (2017). Parmi ses expositions personnelles : Ivresse, Galerie Maïa Muller, Paris (2018) et Transmissions, Musée National Picasso, Vallauris (2018).
Sur le site de Aware
Dans l’Atelier A sur Arte.tv

Chloé Viton (Salle 4)

Possédé·e·s au MO.CO. Panacée - Vue de l'exposition - Photo En revenant de l'expo
Chloé Viton – Cosmic Soup, 2020. Installation. Bassin, céramiques, latex, textiles, résine, cheveux synthétiques, masque de soudure, haricot azuki, son. Dimensions variables. Œuvre produite par le MO.CO. Montpellier Contemporain. Courtesy de l’artiste – Possédé·e·s au MO.CO. Panacée – Vue de l’exposition – Photo En revenant de l’expo

Dans une lumière bleutée, envoûtée par les voix d’un funèbre Dies Irae, cette petite salle située à la fin de la première galerie de la Panacée est entièrement consacrée à Cosmic Soup, une installation immersive et troublante de Chloé Viton dont les éléments sont activés par une performance.

Chloé Viton - Cosmic Soup, 2020 - Photo © Marc Domage
Chloé Viton – Cosmic Soup, 2020 – Photo © Marc Domage

Dans ce projet construit en plusieurs chapitres qui se sont enchaînés les uns à la suite des autres, Chloé Viton prend comme base la théorie de « la soupe cosmique primitive ». Dans un texte de présentation sur son site internet, elle en rappelle ainsi le principe : « une théorie possible de l’évolution, qui met en avant le fait qu’au commencement il y aurait eu un grand bain aqueux, dans lequel évoluaient plusieurs éléments chimiques (le carbone, l’hydrogène, le potassium, l’azote, le magnésium, le phosphore). Ils se seraient assemblés de manière aléatoire ou par affinité afin de créer les premières cellules ».

Chloé Viton - Cosmic Soup, 2020 - Photo © Marc Domage
Chloé Viton – Cosmic Soup, 2020 – Photo © Marc Domage

Un peu plus loin, elle précise : « Chaque élément chimique est personnifié au moyen d’un costume , activé durant la performance, et possède sa mythologie propre. Ce projet est une tentative de connecter des signes et des images, des intuitions et des sons, des rites et des sciences, afin de dérouler une cosmogonie ».

Chloé Viton
Née en 1993 à Lyon, elle vit et travaille à Montpellier. Diplômée de l’École des Beaux-Arts de Montpellier en 2017, elle a participé à l’exposition Grasping Water, Sale Docks, Venise (2019), à la Biennale d’Istanbul (2019) et de Kochi (2018) dans le cadre du programme Saison 6 proposé par le MO.CO. ESBA et à l’exposition collective Chopped and screwed atterrissage programmé, FRAC Occitanie (2018), et a bénéficié d’une exposition personnelle à La galerie Musidora, Lunel (2020).

Site de l’artiste

Iain Forsyth & Jane Pollard (Couloir)

Iain Forsyth & Jane Pollard - Requiem for 114 Radios, 2016 - Possédé·e·s au MO.CO. Panacée
Iain Forsyth & Jane Pollard – Requiem for 114 Radios, 2016. Installation, 114 radios. Dimensions variables. Courtesy des artistes et Kate MacGarry, Londres – Possédé·e·s au MO.CO. Panacée

Arrivé à la fin de la première galerie de La Panacée, on comprend enfin l’origine de l’inquiétant chœur désincarné qui envahit l’espace sonore et qui paraissait jusqu’alors sourdre des caves de l’ancien Collège Royal de médecine. De part et d’autre du couloir qui longe le patio, une série de postes de radio FM diffusent un envoûtant Dies Irae, enregistré par Iain Forsyth & Jane Pollard (Requiem for 114 Radios, 2016).
Les voix individuelles sont diffusées sur ces appareils. Certains construisent le chœur, d’autres crépitent et s’interrompent…

Sur leur site, après avoir rappelé que le Dies Irae est un puissant présage de malheur, Iain Forsyth & Jane Pollard revendiquent clairement un clin d’œil à Stanely Kubrick dans Orange mécanique et Shining, mais aussi à l’Orphée de Jean Cocteau. Certains postes de radio de leur installation renvoient au CRM 114 Discriminator du Docteur Folamour

Pour Vincent Honoré, « l’œuvre de Iain Forsyth & Jane Pollard tisse le lien entre les technologies et l’occulte en tant qu’accès au monde caché, et les rapports particuliers entre les ondes et la possession ».
De leur côté, les deux artistes parlent eux d’un témoignage de la mort de la technologie analogique. Ils précisent également que ces « radios font appel à un univers complexe de messages mystérieux, de sifflements modulés, de voix mutilées et de mots incompréhensibles ».
Le livret de la visite n’hésite pas à aller un peu plus loin quand évoque « la tradition des messages subliminaux cachés dans des morceaux de musique. […] les pratiques de chasse aux fantômes grâce aux ondes électromagnétiques, où les voix des esprits pouvaient être enregistrées par accident entre des fréquences ».

Requiem for 114 Radios est sans aucun doute un des moments les plus puissants de « Possédé.e.s » qui marque profondément l’expérience de visite !

Pour enregistrer leur arrangement de l’hymne funéraire médiéval autour du jugement dernier, les deux artistes ont fait appel à des chanteurs de rock alternatif anglais : Matt Berninger (The National), Jehnny Beth (Savages), Casper Clausen (Efterklang/Liima), Jarvis Cocker, Jimi Goodwin (Doves), Rachel Goswell (Slowdive/Minor Victories), Blaine Harrison (Mystery Jets), Joe McAlinden (Linden, ex. Superstar/BMX Bandits), Aimée Nash (The Black Ryder), Beth Orton, Conrad Standish (Devastations), Jonnine Standish (HTRK), Elena Tonra (Daughter) and Rachel Zeffira (Cat’s Eyes).

Iain Forsyth & Jane Pollard

Iain Forsyth (né en 1973 à Manchester, Angleterre) et Jane Pollard (née en 1972 à Newcastle, Angleterre) vivent et travaillent à Londres.
Diplômés du Goldsmiths College en 1995 puis en 2004, leur premier long-métrage, 20 000 Days on Earth, mettant en scène Nick Cave, a été nominé par le BAFTA (2015) et a remporté le prix du festival du film de Sundance (2014) et celui du British Independent Film Awards (2014). Leurs œuvres sont acquises par des institutions du monde entier, notamment par la Tate Britain à Londres.

Site des artistes

Jean-Marie Appriou et Joachim Koester (Salle 5)

Joachim Koester - Tarantism, 2007 - Possédé·e·s au MO.CO
Joachim Koester – Tarantism, 2007. Film en noir et blanc, muet. 6’30. Courtesy Gallery Jan Mot – Possédé·e·s au MO.CO

Dans cette petite salle dont les murs sont légèrement de guingois, le film muet de Joachim Koester (Tarantism, 2007) est retro-projeté et non vidéo-projeté ce qui évite habilement tout risque d’ombre portée sur l’écran. C’est à ce genre de détail discret que l’on peut apprécier, entre autres, la qualité et la précision de la scénographie.
Tarantism montre des danseurs qui exécutent des mouvements saccadés. Proche d’une forme de transe, cette chorégraphie s’inspire des « tarentelles », danses traditionnelles du sud de l’Italie qui au 9e siècle soignaient principalement des femmes, mordues par une araignée…

Pour accompagner ces mouvements erratiques de Tarantism, les commissaires ont choisi d’accrocher un très bel ensemble de sculpture en verre de Jean-Marie Appriou. Ses papillons de nuit et autres insectes nocturnes paraissent saisis dans leur vol chaotique, affolés par la lumière…

Jean-Marie Appriou - Papillon de nuit 6, 2018 - Possédé·e·s au MO.CO.
Jean-Marie Appriou – Papillon de nuit 6, 2018. Verre. 46 x 47 x 8 cm. Courtesy de l’artiste & C L E A R I N G New York, Bruxelles – Possédé·e·s au MO.CO.

L’éclairage délicat imaginé par Serge Damon crée une triple ombre colorée (grise, bleue et ocre) et vibrante autour de ces animaux démesurés et inquiétants.

Joachim Koester

Né en 1962 à Copenhague. Vit et travaille à Copenhague et New York.
Joachim Koester est diplômé de l’Académie royale des Beaux-Arts de Copenhague (1993). Son travail a été présenté à documenta X, Kassel (1997) ; à la 52ème Biennale de Venise (2007) ; aux biennales de Gwangju (1995), Sao Paolo (2010) et Taipei ; et lors d’expositions monographiques au Palais de Tokyo, Paris (2013) ; Statens Museum for Kunst, Copenhage (2018) ; Camden Art Centre, Londres (2017); Bergen Kunsthall, Bergen (2018).

Joachim Koester sur le site de la Galerie Nicolai Wallner
Tarantism sur Vimeo

Jean-Marie Appriou

Né en 1986 à Brest. Vit et travaille à Paris.
Diplômé de l’École des Beaux-Arts de Rennes en 2010, il a participé à de nombreuses expositions collectives et personnelles en France et à l’étranger. Parmi les plus récentes en 2019 : l’exposition monographique Seabed, Consortium, Dijon et l’exposition collective Les chemins du Sud, une théorie du mineur au MRAC, Sérignan.

Nandipha Mntambo et M. Mahdi Hamed Hassanzada (Salle 6)

Nandipha Mntambo - The shadows between us, 2013 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Nandipha Mntambo – The shadows between us, 2013. Peau de vache, résine. 125 x 134 x 29 cm et 147 x 152 x 27 cm. Courtesy Maria von Beetzen – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Suspendue dans le cyclorama mis en place par Serge Damon, l’installation The shadows between us (2013) de Nandipha Mntambo aimante littéralement le regard… Ces deux robes en peau de vache qui « flottent » dans l’espace, évoquent une danse macabre, fascinante et troublante.

Peau de vache, résine. 125 x 134 x 29 cm et 147 x 152 x 27 cm. Courtesy Maria von Beetzen
Nandipha Mntambo – The shadows between us, 2013. Peau de vache, résine. 125 x 134 x 29 cm et 147 x 152 x 27 cm. Courtesy Maria von Beetzen – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Vincent Honoré parle de la lévitation deux corps qui se sont absentées, les peaux de vache font référence à la dot où les femmes sont échangées et elles deviennent des animaux qui disparaissent… comme le corps des sorcières.

Nandipha Mntambo - First Breath, 2019 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Nandipha Mntambo – First Breath, 2019. Peau de vache et cornes. 210 x 150 cm. Courtesy de l’artiste et galerie Andréhn-Schiptjenko – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Un peu plus loin, First Breath (2019) rappelle, par la délicatesse de ses plis, la sculpture de la Grèce antique. Entre le visible et l’invisible, entre le plein et le vide, le corps toujours absent semble s’être envolé.

La peau de la vache a souvent été un de ses matériaux de prédilection de Nandipha Mntambo. À son propos elle déclarait : « La vache est un animal que je considère comme universel. Les êtres humains de pratiquement toutes les civilisations et toutes les parties du monde ont un lien avec cet animal. La vache est un bien, élevée à des fins alimentaires, dont les humains se servent pour le transport de marchandises, sa peau tannée est utilisée pour se vêtir, elle est aussi considérée comme une divinité et utilisée comme monnaie d’échange. Elle crée ainsi un lien invisible entre l’humanité ».

À une autre occasion, elle précisait : « Mon intention est d’explorer les propriétés physiques et tactiles de la peau et les éléments qui me permettent ou m’empêchent de manipuler ce matériau dans le contexte de représentation du corps féminin, dans l’art contemporain. J’ai utilisé la peau de vache comme moyen de subvertir les associations attendues avec la présence corporelle, la féminité, la sexualité et la vulnérabilité ».

M Mahdi Hamed Hassanzada - Possédé·e·s au MOCO Panacée
M Mahdi Hamed Hassanzada – Possédé·e·s au MOCO Panacée

En face, un superbe ensemble d’œuvres sur carton de M. Mahdi Hamed Hassanzada dont on avait découvert le travail à l’occasion de «  Kharmohra : l’Afghanistan au risque de l’art » au Mucem l’hiver dernier. On retrouve ici plusieurs représentations des Div, ces esprits maléfiques qui provoquer douleur et destruction et viennent parfois posséder les corps.

Présentes dans les miniatures, la littérature et les contes traditionnels en Iran, Afghanistan et Asie centrale, ces figures sont obsessionnelles chez l’artiste qui exprime aussi le désir, la liberté des corps et la sensualité, mais souvent empêché par la solitude et la souffrance.

M Mahdi Hamed Hassanzada - Les amants, L’étreinte et The Lovers, me, 2017 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
M Mahdi Hamed Hassanzada – Les amants, L’étreinte et The Lovers, me, 2017 – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Ses div, comme les corps des amants apparaissent sur un fond où sont imprimées des pages de vers qui chantent l’exode et la passion du martyr Hussain.

Nandipha Mntambo

Née en 1982 à Mbabane. Vit et travaille à Johannesburg.
Elle est diplômée en 2007 de l’École des Beaux-Arts Michaelis, Cape Town. Elle a participé à de nombreuses expositions collectives : Regarding Africa : Contemporary Art and Afro-Futurism, Tel Aviv Museum of Art (2017) ; IncarNations : African Art as Philosophy, BOZAR, Bruxelles (2019) ; Made Visible : Contemporary South African Fashion and Identity, Musée des Beaux-Arts, Boston (2019).

M. Mahdi Hamed Hassanzada

Né en 1978 à Kaboul. Vit et travaille à Chicago.
En 2011, il suit une formation en photographie et participe l’année suivante aux ateliers de création de vidéos expérimentales (dOCUMENTA 13). En 2020, l’artiste participe à l’exposition Kharmohra : l’Afghanistan au risque de l’art, au MUCEM à Marseille.

Raphaël BarontiniPaul MahekePierre MolinierJean-Baptiste JanissetJean-Marie AppriouJimmy RicherApolonia Sokol et Anna Hulačová (Salle 7)

Du couloir, la vue vers la grande salle à droite du patio est occultée par une bannière de Raphaël Barontini (Dutty Boukman, 2020).

Raphaël Barontini - Dutty Boukman, 2020 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Raphaël Barontini – Dutty Boukman, 2020. Œuvre textile, sérigraphie, impression numérique et objets. 230 x 170 cm
Œuvre produite par le MO.CO. Montpellier Contemporain. Courtesy de l’artiste, Mariane Ibrahim et T H E P I L L – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Produite par le MO.CO. pour l’exposition, cette œuvre joue avec les images dans une pratique de collage qui renvoie à l’idée de « créolisation » chère à Édouard Glissant. Avec inspiration et virtuosité, Raphaël Barontini multiplie les assemblages de matériaux (acrylique, encre, tissu, objets…) et les techniques (sérigraphie, peinture, impression numérique, couture…).
Dutty Boukman fait écho aux drapeaux et aux capes de cérémonie vaudou dans la culture haïtienne. Raphaël Barontini définit cette pièce comme une sorte d’hommage à la religion vaudou en tant qu’élément fondateur de l’état et pour sa composante insurrectionnelle.

Raphaël Barontini - Dutty Boukman, 2020 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Raphaël Barontini – Dutty Boukman, 2020 – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Il s’intéresse plus particulièrement à la figure de Dutty Boukman, esclave et prêtre vaudou qui a participé à la cérémonie du Bois-Caïman, point de départ de la révolution et de la guerre d’indépendance. L’envers de la bannière est une évocation de cette cérémonie avec deux vévé, symboles de saintetés, dont celui d’Ogou Feray sur la droite…

La scénographie de Mr&Mr et l’éclairage de Serge Damon transfigurent complètement cette grande salle souvent très compliquée à utiliser.

Possédé·e·s au MOCO Panacée
Possédé·e·s au MOCO Panacée

Les « monolithes » qui ferment presque entièrement les ouvertures vers la galerie et donc vers de patio éliminent les contre-jours difficiles à maîtriser. L’espace est ainsi plongé dans une pénombre mystérieuse qui évoque un peu l’intérieur d’un édifice religieux. La mise en lumière construit habilement des séquences qui valorisent parfaitement les pièces exposées. Les perspectives laissent au visiteur la liberté de sa déambulation et l’initiative d’imaginer ses propres narrations…

L’accrochage s’organise autour d’une imposante installation de Jean-Baptiste Janisset (Sourire aux anges, 2020) qui occupe le centre de la salle, agissant comme un centre de gravité.

Jean-Baptiste Janisset - Sourire aux anges, 2020 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Jean-Baptiste Janisset – Sourire aux anges, 2020 – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Artiste voyageur, Jean-Baptiste Janisset collecte des empreintes d’éléments symboliques et religieux. Pour cette œuvre produite par le MO.CO., il combine cette pratique à des souvenirs d’enfance. Sur une moquette octogonale, il assemble plusieurs cabanes en plastique qu’il couvre de plaques de plomb « empreintées » aux croyances et religions croisées lors de ses pérégrinations.

Jean-Baptiste Janisset - Sourire aux anges, 2020 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Jean-Baptiste Janisset – Sourire aux anges, 2020. Matériaux divers. Dimensions variables. Œuvre produite par le MO.CO. Montpellier Contemporain en collaboration avec l’Atelier Chiffonnier, l’institut Fresnel, Vent des Fôrets, Southway Studio et avec le soutien du Fonds de dotation Katapult. Courtesy de l’artiste. – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Jean-Baptiste Janisset construit ainsi un édifice baroque et mystérieux qui dioalogue avec ce que l’artiste appelle « l’arrière monde » et d’où s’échappent d’étranges lueurs verdâtres… Cette maison évoque une sorte de syncrétisme, mais elle renvoie aussi aux contes et notamment à celui d’Hansel et Gretel où les deux enfants prisonniers sont gavés de sucreries par une sorcière anthropophage…

Sur la gauche, en jouant sur les contrastes entre ombres et lumières, un éclairage cadré attire subtilement l’attention sur les tirages photographiques de Pierre Molinier (La Pantomime céleste, Méditation vampirique et Introit, 1967) qui paraissent « rayonner » depuis les murs sombres.

Héritier surréaliste du photomontage, admiré un temps par Breton, Pierre Molinier met en scène son corps travesti dans des postures érotiques et théâtrales où s’entremêlent exhibitionnisme, fétichisme, nécrophilie ou vampirisme… Une œuvre qui, à lire le livret de visite, «  marquera profondément des générations d’artistes s’intéressant au body art et au transgenre ».

Dans cette première partie de l’espace, la lumière se fait moins directe, un peu plus douce pour baigner de mystère l’installation de Paul Maheke (Du ciel, à travers le monde, jusqu’aux enfers, 2020).

Paul Maheke - Du ciel, à travers le monde, jusqu’aux enfers, 2020 - Possédé.e.es au MOCO Panacée - Photo Marc Domage
Paul Maheke – Du ciel, à travers le monde, jusqu’aux enfers, 2020 – Possédé.e.es au MOCO Panacée – Photo Marc Domage

Au sol, des rideaux de velours sont posés à angle droit. On y distingue des dessins tracés à l’eau de javel. Deux plaques de cuivre et de laiton, partiellement rongées par des résidus de soufre, sont placées avec précision sur ces tissus. D’autres sont assemblées pour construire deux socles. Sur l’un d’eux, on remarque un cube de cristal dans lequel un portrait a été gravé en 3D avec un laser. Au milieu, un pendule de divination, suspendu au plafond, arrive à une dizaine de centimètres au-dessus du sol, au bord d’une tenture.

Au mur, l’installation se poursuit avec un triptyque. Avec une précision aussi diabolique, Paul Maheke assemble trois socles de cuivre sur lesquels reposent des blocs de verre qui referment, une figure fantomatique, un avant-bras dont la main semble s’arracher à la matière et la silhouette évanescente d’une effraie. Au centre, trois dessins énigmatiques se chevauchent derrière le croquis d’une chouette…

On perçoit immédiatement que rien dans cette installation n’est laissé au hasard, ni les matériaux choisis, ni leur mise en place méticuleuse… Il y a quelque chose de troublant, de magnétique et d’envoûtant dans cet ensemble. Après avoir rappelé que Paul Maheke entretient en vrai rapport à l’occulte et que son père est médium, Vincent Honoré précise que pour l’artiste « il y a une forte résonance en termes d’ondes entre les éléments de Du ciel, à travers le monde, jusqu’aux enfers et que cette pièce est très performative par les énergies qui l’activent »… Dans la conversation reproduite par le catalogue, on peut lire ces propos de Maheke: « Ma pièce, une sculpture statique, intègre cette notion d’un matériau habité et chargé d’autre chose que ses seules propriétés physiques ».

Sur la gauche, depuis la galerie de l’ancien cloître, un halo de lumières rouges et vertes laissent deviner d’autres chose… Entre les meurtrières flamboyantes qui encadrent les « monolithes » ajoutés, une inquiétante mite de verre de Jean-Marie Appriou (Moth 11, 2017) paraît s’extraire avec difficulté du mur de la Panacée…

Jean-Marie Appriou - Moth 11, 2017 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Jean-Marie Appriou – Moth 11, 2017 – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Une lumière bleutée et irréelle irradie depuis le fond de cette grande salle comme si elle émanait d’une sorte de table liturgique où sont alignés les sculptures angoissantes d’Anna Hulačová.

Anna Hulacova - Possédé·e·s au MOCO Panacée - Photo  Marc Domage
Anna Hulačová – Possédé·e·s au MOCO Panacée – Photo Marc Domage

Combinant matériaux naturels (bois, argile) et industriels (béton, aluminium et impression numérique), ses figures évoquent des mythes anciens où s’entremêlent le symbolisme chrétien et les traditions populaires tchèques que l’idéologie soviétique a tenté d’éradiquer…

De chaque côté de cet autel, les œuvres d’Apolonia Sokol et de Jimmy Richer éclairées avec brio semblent flotter à quelques centimètres devant le mur où elles sont accrochées.

À gauche, Jimmy Richer présente avec Tarot du rameau d’or (2020) dix matrices en bois et laiton d’un jeu de cartes inspiré du tarot divinatoire de Marseille.
Cette œuvre produite par le MO.CO. pour l’exposition fait suite à une série de travaux de Jimmy Richer dont plusieurs sont notamment rassemblés dans son Traité de magie ordinaire.

Jimmy Richer - Tarot du rameau d’or, 2020 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Jimmy Richer – Tarot du rameau d’or, 2020. Matrices en bois, laiton et jeu de tarot. Dimensions variables. Œuvre produite par le MO.CO. Montpellier Contemporain. Courtesy de l’artiste. – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Ici, il revendique clairement une référence au Rameau d’or, une étude comparative de la mythologie et de la religion de l’ethnologue James George Frazer qui débute par un récit légendaire de la Rome archaïque. Sur le bord du lac Nemi, près de Rome, vivait un prêtre-roi (Rex Nemorensis) dévolu à la déesse Diane. Lorsqu’il commençait à vieillir, il devait être remplacé selon un rituel étrange et violent : un esclave fugitif, prétendant à sa fonction, devait l’assassiner. Mais ce dernier ne pouvait commettre son crime qu’après avoir dérobé une branche de l’arbre sacré auprès duquel vivait Rex Nemorensis…

Pour Frazer, ce motif de mort et de renaissance est le fondement de presque toutes les religions et mythologies du monde.
Pour Jimmy Richer, à partir de cette histoire, il s’agit d’activer le jeu de tarot divinatoire qu’il a imaginé pour connaître sa propre mort… Mais dit-il « l’idée est savoir si on croit à cette histoire ou si c’est uniquement un dessin d’artiste… »

Apolonia Sokol - Le Printemps, 2020 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Apolonia Sokol – Le Printemps, 2020. Linda, Nicolas, Raya, Dustin, Simone, Nirina, Claude, Bella, Dourane
Huile sur toile. 400 x 200 x 15 cm. Œuvre produite par le MO.CO. Montpellier Contemporain Courtesy de l’artiste et T H E P I L L – Possédé·e·s au MOCO Panacée

À droite, les commissaires ont choisi d’accrocher un tableau imposant d’Apolonia Sokol. Elle reprend la célèbre composition du Printemps de Sandro Boticelli pour en proposer une version trans. Le livret de visite suggère d’y voir comme l’œuvre de la Renaissance, une glorification de « la féminité tout en y intégrant une réflexion liée aux luttes “queer” et féministes du 21e siècle »… Pour l’artiste, il ne s’agit pas de montrer ici « un corps charnel et érotique, mais de représenter un corps politique »…

Apolonia Sokol devant Le Printemps, 2020 – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Dans la conversation avec Vincent Honoré, Nils Alix-Tabeling, Laura Gozlan et Paul Maheke que reproduit le catalogue sous le titre « La nuit de l’occulte », Apolonia Sokol évoque ainsi Le Printemps :
« Cette peinture de quatre mètres reprend Le Printemps de Botticelli avec des modèles trans. L’œuvre originale de Botticelli, qui traite de fertilité, est ésotérique : on y voit des femmes plus ou moins enceintes. En réponse au débat actuel, j’ai trouvé pertinent de peindre ce tableau avec des femmes qui ne sont pas fertiles. […]
En ce qui me concerne, peindre un tableau n’a jamais été aussi intéressant et pertinent.
Simone E., le modèle central du tableau intervient activement à la confection de l’œuvre. Elle a choisi les modèles qui l’entourent, leurs gestes et leurs symboliques, mais aussi le décor. L’idée de cette peinture a germé lors des premières manifestations TERF à Paris. Ce fut une telle déception douloureuse d’observer ce mouvement. Les déplorables TERF – Trans-Exclusionary Radical Feminists – sont des femmes qui se positionnent contre les femmes trans ; elles militent activement contre les droits des personnes trans sous prétexte que celles-ci ne sont pas des femmes biologiques. C’est terrible de voir des féministes attaquer ainsi d’autres femmes. Non seulement, elle, discriminent les femmes trans mais elles réduisent les femmes cis à des objets de reproduction, leur débat étant basé sur les menstruations. La toile a donc été réfléchie à plusieurs ; elle est habitée par les personnes qu’elle représente, tel un sabbat où se rassemblent des sorcières
 ».

Raphaël Barontini
Né en 1984 à Saint-Denis (France) où il vit et travaille.
Diplômé depuis 2008 du Hunter College of Art de New-York et de l’École des Beaux-Arts de Paris en 2009, Raphaël Barontini a bénéficié d’une exposition personnelle au SCAD Museum of Art à Savannah, États-Unis (2020) et vient de terminer la résidence artistique LVMH Métiers d’Art de 2020 à Singapour.

Paul Maheke
Né en 1985 à Brive-la-Gaillarde. Vit et travaille à Londres (Angleterre).
Paul Maheke est diplômé de l’École nationale supérieure d’arts de Cergy en 2011 et de Open School East, Londres en 2015. Son travail a été présenté dans des expositions monographiques et de groupes, y compris Acqua Alta, Galerie Sultana, Paris (2017), Manifesta 12, Palerme (2018) ; Letter to a Barn Owl, Kevin Space, Vienne (2018) ; Baltic Triennial 13 (2018) ; OOLOI, Triangle, Marseille (2019) ; la 58ème Biennale de Venise (2019) ; Diable Blanc, Galerie Sultana, Paris (2019).

Pierre Molinier
Né en 1900 à Agen. Mort en 1976 à Bordeaux.
Pierre Molinier a bénéficié de nombreuses expositions et rétrospectives de son travail en France et à l’étranger, dans des institutions telles que le Musée national d’art moderne Georges Pompidou ou le musée Guggenheim à New York.

Jean-Baptiste Janisset
Né en 1990 à Villeurbanne. Vit et travaille à Marseille.
Diplômé de l’École des Beaux-Arts de Dijon en 2016, il a participé aux expositions, Outside Our à la Villa Emerige (2018) ; Les Chemins du Sud, une théorie du mineur au MRAC, Sérignan (2019) ; À ma vie, Galerie Alain Gutharc, Paris (2019).

Apolonia Sokol
Née en 1988 à Paris où elle vit et travaille.
Diplômée de l’École des Beaux-Arts de Paris, elle a notamment participé à l’exposition En forme de vertiges à la Fondation Emerige (2017), à l’exposition collective Mademoiselle au CRAC, Sète (2018), Tainted Love, au Confort Moderne, Poitiers (2018). En 2020-2021, elle bénéficie d’une résidence à la Villa Médicis à Rome.

Jimmy Richer
Né en 1989 à Montpellier où il vit et travaille.
Diplômé en 2014 de l’École des Beaux-Arts de Montpellier, il participe au Salon du dessin Drawing Room, MO.CO. Panacée (2016), à l’exposition Horizons d’Eaux, au FRAC Occitanie Montpellier (2017) et aux Abattoirs à Toulouse (2017) ; Il bénéficie d’expositions personnelles : L’inventimité, galerie ChantiersBoîte Noire, Montpellier, (2017) ; CASA au FRAC Occitanie Montpellier (2020).

Anna Hulačová
Née en 1984 à Sušice. Vit et travaille à Klučov.
Anna Hulačová est diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Prague en 2012. Elle a participé à l’exposition Katalog und Monolog, galerie Meyer Riegger, Berlin (2017) ; à l’exposition collective Enfance, Palais de Tokyo, Paris (2018) ; au programme OPEN SPACE #3, Fondation Louis Vuitton (2018) ; à la Baltic Triennial 13 (2018).

Dans cet espace que l’on peut voir comme l’intérieur d’un édifice religieux, les deux petites salles aveugles qui ouvrent sur la gauche apparaissent comme des « chapelles » où officient des sorcières convoquées par Laura Gozlan et Pauline Curnier Jardin

Laura Gozlan (Salle 8)

Laura Gozlan - Youth Enhancement Systems® - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Laura Gozlan – Youth Enhancement Systems® – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Dans cette salle à le géométrie étrange, sur une épaisse moquette noire, Laura Gozlan présente une installation composée de trois vidéos et de sculptures qui appartiennent à un projet intitulé Youth Enhancement Systems® (Y.E.S) qui reprend le nom d’une gamme de cosmétiques américains aux effets « rajeunissants »…

Des bouts de corps épars dont les aspects cadavériques et décharnés évoquent des fragments de momie sont accompagnés par les morceaux métalliques qui semblent empruntés au matériel hospitalier… L’artiste a-t-elle pris l’empreinte de ses propres pieds, jambes et mains pour faire ses sculptures de cire, de plâtre et de résine ?
Leurs formes étranges exercent une fascination morbide et leurs titres, Juveniles #4 et Juveniles #5 (2019), provoquent un malaise évident…

Laura Gozlan - Y.E.S. III, Ptomaïne, 2019 - Possédé·e·s au MOCO Panacée
Laura Gozlan – Y.E.S. III, Ptomaïne, 2019 – Possédé·e·s au MOCO Panacée

Dans la conversation déjà citée et reproduite dans le catalogue, Laura Gozlan raconte ainsi les enjeux de ses trois vidéos Y.E.S. I, MUM please ; Y.E.S. II, I am a necromantic et Y.E.S. III, Ptomaïne (2019)

« Dans la trilogie Y.E.S., il est effectivement question de technologie ou de cure de prolongement de la jeunesse, de questions qui touchent au post-humanisme. Je me suis appuyée sur une pétition circulant sur internet qui proposait de boire du jus de momie, fraîchement excavée à Alexandrie, pour absorber sa puissance.
À cette époque, je me documentais sur “les zombie drugs”
(1), qui sont des drogues à fort pouvoir de dégradation physique. Je trouvais intéressant d’envisager, au contraire, une drogue qui rejoue des mécanismes de vampirisme ou de goule car, finalement, il s’agit de manger des cadavres pour incorporer leur puissance.
Au même moment, je travaillais avec des adolescents sur les questions du prolongement de la vie afin de voir comment les choses pouvaient se jouer depuis leur prisme : c’est une communauté qui, avec sa plasticité métamorphique, peut proposer un contre-point au projet posthumain d’obsolescence du devenir.

Toutes ces activités disparates se sont unifiées dans MUM, un personnage lié au féminin monstrueux de Barbara Creed (2), un peu grotesque et freak. Ce personnage fume des bangs extraits d’une tête momifiée qu’elle va revitaliser à l’intérieur d’une cuve. Ces bangs lui permettent à la fois d’être high et de prolonger sa jeunesse. Il fallait en tout cas créer un environnement qui ne soit pas du tout technologique mais qui rejoue quelque chose de l’ordre du boudoir. Évidemment, dans tous ces gestes, ces rituels à l’intérieur, il y a quelque chose de l’ordre du rite de passage où l’on pénètre dans une autre dimension, vers des états de conscience modifiés évidemment liés à ce que pourrait être un rituel occulte, même si c’est un mot-valise qui convoque énormément de cosmogonies appartenant à des géographies et des cultures différentes ».

(1) « Krokidil » ou désomorphine et « Flakka » ou alpha-PVP. Ces drogues sont appelées « Zombie drugs » du fait de leurs violents effets secondaires : paranoïa, délire de persécution et psychose, poussant parfois certains consommateurs à mordre les chairs des autres personnes.
(2) Barbara Creed, née en 1943, est professeur de cinéma à Melbourne. Elle set l’auteure de différents livres sur le genre, la théorie du cinéma et l’horreur. Elle a notamment rédigé The Monstrous-Feminine : Film, Feminism, Psychoanalysis, 1993.

Laura Gozlan
Née en 1979 à Beauvais. Vit et travaille à Paris.
Laura Gozlan est diplômée du Fresnoy, Studio national des Arts Contemporains en 2007. Ses œuvres font notamment partie des collections du FRAC Occitanie Montpellier et du FRAC Normandie Caen. Son travail a été présenté à l’occasion d’expositions personnelles et collectives à l’Institut français de Berlin (2014) ; aux Rencontres d’Arles (2016) ; au Palais de Tokyo (2017) ; à la Galerie Valeria Cetraro, Paris (2019) et à la Galerie Futura, Prague (2019).

Site de l’artiste
À lire cet article de Indira Béraud dans artpress et « Se défoncer à la momie : la cure de jouvence de Laura Gozlan » de Camille Bardin à propos de l’exposition Youth Enhancement Systems® à la Galerie Valeria Cetraro, en 2019.

Laura GozlanY.E.S. III, Ptomaïne, 2019. Vidéos 4’52’’

À suivre…

Possédé·e·s – Déviance, Performance, Résistance : Communiqué de presse (extraits)

Possédé·e·s est une exposition pluridisciplinaire rassemblant plus de 25 artistes internationaux. Elle explore le rapport entre les corps résistants ou exclus, et les ésotérismes : se réapproprier et performer les identités féministes, queers ou décoloniales.

Nécromancie et spiritisme, divination (astrologie, cartomancie, chiromancie), magie et alchimie (sortilèges, potions, élixirs) : autant de gestes et de rituels dont la force émane d’un corps en mouvement. L’occulte n’a de sens que performé. Ces actes, ce sont des corps bannis qui s’en emparent. L’occulte est la science des corps déviants. Il faut être exclu.e et en retour s’exclure des normes sociales, religieuses ou économiques pour devenir sorcière ou prêtre vaudou, pour parler aux esprits et se laisser emporter par eux. L’occulte s’érige alors comme résistance contre les dogmes, le patriarcat, les pouvoirs dominants, les religions, les savoirs admis : la majorité. Il est l’autre, le caché. Il est ce qui révèle.

Cette chaîne (déviance-performance-résistance) explique pourquoi et comment une nouvelle génération d’artistes internationaux s’empare de l’occulte : le corps de l’occulte est un corps genré, racisé, politisé.

L’exposition explore le féminisme, le queer, le décolonialisme, et la manière avec laquelle les artistes se réapproprient avec fierté certaines figures : la sorcière, le prêtre vaudou, le spirite qui deviennent les gardien·ne·s de visions du monde alternatives, mis·e·s à l’écart mais résistant·e·s dans la nuit de l’occulte.

Le corps racisé, soumis, est au coeur des installations monumentales de Dominique White dont les matériaux symboliques, ayant subis des altérations par la mer, le vent ou l’artiste elle-même, invoquent les histoires de l’esclavagisme et de la traversée de l’Atlantique : ce sont les fantômes des corps jetés à la mer qui réapparaissent. Dans les peintures fantasmagoriques de Sedrick Chisom, des images contemporaines de Black Lives Matter se confondent avec des figures provenant de la mythologie occidentale et une iconographie chrétienne médiévale pour parler de l’histoire des colonisations et de la mémoire de corps soumis.

Les autoportraits sculptés de Kelly Akashi, le bestiaire de Jean-Marie Appriou et le mobilier aux formes anthropomorphiques de Nils Alix-Tabeling ainsi que les sculptures d’Anna Hulačová, envoûtent par les transformations alchimiques que subissent les matières comme le verre, le bois ou le bronze. Figure par excellence de la sorcellerie, une des victimes majeures des chasses aux sorcières, la femme âgée, célibataire, ménopausée, se trouve au centre du film de Pauline Curnier Jardin, dans lequel l’artiste célèbre la sensualité et le droit du corps vieillissant au plaisir et au désir sexuel. La sorcière ressurgit dans les œuvres de Nandipha Mntambo et Laura Gozlan. Apolonia Sokol crée une nouvelle peinture et réinterprète Le Printemps de Botticelli avec des personnages trans. Le div, un esprit maléfique qui provoque douleur et destruction, hante les dessins de M. Mahdi Hamed Hâssanzada, artiste afghan exilé dont le travail renvoie à la lutte et à l’affirmation d’une identité queer interdite dans son pays.

Articles récents

Partagez
Tweetez
Enregistrer