« Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits » à la Galerie AL/MA – Montpellier


Jusqu’au 3 avril 2021, la Galerie AL/MA présente « Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits », un accrochage de la réserve sur une proposition de Yaël Chardet.

Étudiant en première année de Master Conservation, Gestion, Diffusion des Œuvres d’Art des XXe et XXIe siècles à l’université Paul Valéry Montpellier III, Yaël Chardet est stagiaire à la galerie depuis la rentrée 2020/2021. On commencera donc par saluer l’initiative de Marie-Caroline Allaire-Matte de confier à un jeune étudiant le commissariat d’une exposition. Il faut ensuite souligner la pertinence des choix que Yaël Chardet a su faire dans la réserve de la galerie et surtout la cohérence et l’élégance de l’accrochage qu’il propose. On reste un peu époustouflé devant une telle maturité.

Sans s’éloigner de l’esprit de la Galerie AL/MA, Yaël Chardet réussi à offrir une proposition originale et particulièrement généreuse. En effet, pas moins de 16 œuvres dont deux séries sont présentées pour « Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits ». Certaines ravivent des souvenirs d’expositions récentes, d’autres retrouvent les murs de la galerie après une assez longue absence, quelques-unes sont exposées pour la première fois.

La sélection est très représentative de la programmation de la galerie avec :

Tjeerd Alkema, Jean-Marc Andrieu, Georges Autard, Jean Azemard, Dominique De Beir, François Bouillon, Max Charvolen, Didier Demozay, Agnès Fornells, Patrick Des Gachons, Eve Gramatzki, Suzy Lelièvre, Moon-Pil Shim et Arnaud Vasseux.

On lira dans le texte de Yaël Chardet (reproduit ci-dessous) les raisons qui l’ont conduit à choisir le titre d’un morceau de David Bowie pour nommer cette exposition collective.

Inutile de chercher ici un quelconque discours curatorial, l’exposition repose avant tout sur « la multiplication de confrontations au sein d’un ensemble hétéroclite » et l’accrochage suggère « d’observer de quoi le fil qui les relie se compose »… La qualité de celui-ci mérite les quelques lignes qui suivent.

Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

À gauche, en entrant dans la galerie, l’accrochage début avec deux œuvres qui conversent librement et dont les auteurs cultivent des relations cordiales. XX Siècle de Jean-Marc Andrieu est un tirage photographique qui n’était pas présenté dans sa récente exposition à la galerie. Cet assemblage aléatoire de morceaux de gélatine colorée sur une table lumineuse contraste joyeusement avec un dessin de la série des « Sprays » d’Arnaud Vasseux que l’on avait vu lors de Drawing room 015 (Sans titre [Spray déplié], 2012).

Jean-Marc Andrieu - XX Siècle et Arnaud Vasseux - Sans titre (Spray déplié), 2012 - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Jean-Marc Andrieu – XX Siècle et Arnaud Vasseux – Sans titre (Spray déplié), 2012 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

Au sol, une sculpture en béton de Jean Azémard avait été exposée verticalement lors de l’importante rétrospective que Marie-Caroline Allaire-Matte avait présentée en coordination avec le Frac Occitanie Montpellier en 2014. On sait depuis sa récente exposition à la galerie, la proximité et le compagnonnage qui réunissaient Jean-Marc Andrieu et Jean Azémard dont il lui arrive de restaurer les œuvres…

Jean Azemard - Sans titre, sd - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Jean Azemard – Sans titre, sd – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

La lumière du jour qui vient jouer sur les formes de cette sculpture qui s’accorde délicatement avec les nuances de gris du dessin d’Arnaud Vasseux et avec les deux pièces en céramique d’Agnès Fornells.

Agnès Fornells - Victor & Nahomi, 2020 - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Agnès Fornells – Victor & Nahomi, 2020 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

Il faut lever les yeux pour remarquer la céramique d’Agnès Fornells (Victor & Nahomi, 2020) accrochée à hauteur d’une plaque de rue, au coin des deux murs…

Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA. Photo Galerie AL/MA

Graffitis superposés, photographiés dans les rue de Mexico, les deux noms qui recouvrent un « Fuck!» sont reproduits dans un panneau « commémoratif »… Une telle plaque « Pintura » était utilisée pour le carton d’invitation de son exposition à la galerie, en 2020.

Dans l’angle opposé, au niveau du sol, une pièce très récente de l’artiste (Baby Cagette, 2021) en grès chamotté intervient avec poésie et dérision comme un faux ready-made, dans la lignée de la serpillère (Sans titre, 2018-2020) installée dans une vitrine du centre-ville lors de l’exposition « Essentiel » organisée cet hiver par le MO.CO.

Agnès Fornells - Baby Cagette, 2021 - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Agnès Fornells – Baby Cagette, 2021 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

Sur le mur de gauche, l’accrochage se termine avec une série de François Bouillon (Série Noire, 2005). Apercus lors de Drawing room 018, ces huit dessins paraissent amorcer une histoire…

François Bouillon - Série Noire, 2005 - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
François Bouillon – Série Noire, 2005 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

Un peu plus loin, comme un écho au « dessus-dessous » de la plaque d’Agnès Fornells, quatre formes jaunes découpées et agrafées sur des photographies de Joseph Beuys, d’Otto Muehl et de Yves Klein rappellent la récente exposition de Georges Autard (La forme informe, 2019).

Georges Autard - La forme informe, 2019 (Beuys, Beuys, Otto Muehl et Klein) - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Georges Autard – La forme informe, 2019 (Beuys, Beuys, Otto Muehl et Klein) – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

On remarquera les formes jaunes en carré, en « + » ou en « – » qui parsèment la Série Noire de François Bouillon.

Cette première partie de l’exposition se termine avec une grande peinture sur papier de Didier Demozay (Sans titre, 2018) dont la forte présence est un peu amoindrie par de désagréables reflets et effets de miroir malheureusement difficiles à éliminer…

Didier Demozay - Sans titre, 2018 - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Didier Demozay – Sans titre, 2018 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

Pour Yaël Chardet, la suite de l’accrochage a demandé peu plus de réflexion pour ne pas écraser des œuvres aux tonalités plus douces.

Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

Au-dessus du bureau, un grand dessin récent de Tjeerd Alkema (Sans titre, 2020), réalisé pour Pareidolie, conduit le regard vers une de ses Anamorphoses accrochée dans la réserve.

Sous une encre sur fond aquarellé vert bronze d’Ève Gramatzki, on remarque posée sur le bureau un volume en résine sur briques de plâtre d’Arnaud Vasseux (Sans titre (Résine craquée), 2010).

Arnaud Vasseux – Sans titre (Résine craquée), 2010 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA
Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

La dernière séquence est introduite par une délicate œuvre sur papier cristal percé de multiples impacts de Dominique De Beir (La vie des animaux, 2014) dont on avait découvert le travail dans « Spirit Carbon » à la Galerie AL/MA en 2015.

Dominique De Beir - La vie des animaux, 2014 - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Dominique De Beir – La vie des animaux, 2014 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

Un des « Truchet » de Suzy Lelièvre (Truchet White, 2019) montré fin 2019 dans « Sinuoistés » fait écho au dessin de Tjeerd Alkema dont elle a été l’élève à Nîmes au début des années 2000.

Suzy Lelièvre - Truchet White, 2019 - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Suzy Lelièvre – Truchet White, 2019 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

Cette pièce en résine époxy précède un diptyque de Moon-Pil Shim (Sans titre (R19038), 2019) qui remplaça Suzy Lelièvre début 2020.

Moon-Pil Shim - Sans titre (R19038), 2019 - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Moon-Pil Shim – Sans titre (R19038), 2019 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

Au-dessus, un petit format de Patrick des Gachons (Bloc de temps, 2020) rappelle son exposition à la galerie à l’automne 2020.

Patrick des Gachons - Bloc de temps, 2020 - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Patrick des Gachons – Bloc de temps, 2020 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

L’accrochage se termine avec un des relevés architecturaux de Max Charvolen exposé en 2019 (Au Cannet-Rocheville, maison Sampère, Sol, mur, huisserie, 2018).

Max Charvolen - Au Cannet-Rocheville, maison Sampère, Sol, mur, huisserie, 2018 - Telle est l'étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie ALMA
Max Charvolen – Au Cannet-Rocheville, maison Sampère, Sol, mur, huisserie, 2018 – Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits à la Galerie AL/MA

Deux fois par semaine, pendant l’exposition, Yaël Chardet publie sur Facebook et Instagram un post à propos d’une des œuvres de la sélection.

En savoir plus :
Sur le site de la Galerie AL/MA
Suivre l’actualité de la Galerie AL/MA sur Facebook et Instagram

« Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits » : Texte de Yaël Chardet

Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits présente une sélection éclectique, large, et représentative de la programmation d’AL/MA.

Cet accrochage, construit sur la base d’une exploration libre de sa réserve, met en lumière pour chacun·e des artistes exposé·e·s une pièce, une série d’œuvres. Certaines, conservées à la suite d’expositions monographiques, retrouvent les murs de la galerie après un temps de stockage plus ou moins long. D’autres sont proposées au public pour la première fois.

En cette période de fermeture prolongée des institutions culturelles, le montage d’une exposition collective répond ainsi à l’urgence dans laquelle le monde de l’art se trouve. Ce projet permet de donner de la visibilité à un grand nombre d’artistes, qui subissent actuellement les conséquences de la crise sanitaire. Par ailleurs, ce choix laisse également place, en un même lieu, à la multiplication de confrontations au sein d’un ensemble hétéroclite. C’est précisément l’enjeu de cette proposition.

Telle est l’étoffe dont les rêves sont faits(1). Cette phrase, chez David Bowie, décrit bien l’étendue et la diversité du matériel artistique qu’il s’apprête à déployer. En des termes empruntés à Shakespeare(2). Celui-ci précise que le tissu en question constitue tout autant les êtres que leurs songes, et que nos vies en sont plus proches que de la réalité à laquelle chacun de nous s’accroche.

Station to Station. Un chemin évident est tracé de Shakespeare à David Bowie. Un autre, presque aussi accessible, connecte le travail de chacun·e des artistes présenté·e·s à celui des autres. Ici, il ne s’agit pas d’indiquer avec exactitude le trajet qui mène d’une œuvre, d’une démarche à l’autre, mais plutôt d’observer de quoi le fil qui les relie se compose.

Yaël Chardet

(1)« Such is the stuff from where dreams are woven », David Bowie, Station to Station, 1976.

(2)« We are such stuff as dreams are made on, and our little life is rounded with a sleep » :

« Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil », William Shakespeare, La tempête, 1623.

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