La Vie secrète des collections du Mucem à la Belle de Mai


Jusqu’au vendredi 28 juin 2024, le Centre de Conservation et de Ressources (CCR) du Mucem propose de découvrir « La Vie secrète des collections à la Belle de Mai », une exposition qui célèbre les dix ans du CCR ouvert en septembre 2013 pour Journées Européennes du Patrimoine.
Modeste par ses dimensions, mais très ambitieuse par ses intentions, « La Vie secrète des collections à la Belle de Mai » est une remarquable réussite. Elle passionnera celles et ceux qui souhaitent passer de l’autre côté du décor d’une institution telle que le Mucem.

« La Vie secrète des collections à la Belle de Mai » se déploie dans le hall du Centre de Conservation et de Ressources et dans les 300 m² de la salle d’exposition. 110 objets, photographies, archives et livres sont réunis pour raconter la vie des collections à travers le travail de celles et ceux qui les ont rassemblées, qui les étudient, les conservent, les restaurent et les mettent en valeur.

Fait rare pour être souligné, le commissariat n’est pas le fait d’un ou quelques individus, mais il est collectivement assuré par les équipes scientifiques et des collections du Mucem coordonnées par Marie-Charlotte Calafat, responsable du département des collections, assistée par Julie Durin, Pernette Léger et Charles Riondet.

Pour Marie-Charlotte Calafat, il s’agit de « montrer les collections sous un angle personnel et humain. Cette exposition est une manière de rendre visible le soin porté et le travail mené sur les collections ; ce dont le grand public n’a pas toujours connaissance. »

Ateliers ©Mucem - Marianne_Kuhn
Ateliers ©Mucem – Marianne_Kuhn

Plusieurs des objets présentés dans « La Vie secrète des collections à la Belle de Mai » paraissent jouer un rôle assez différent de celui qu’ils ont pu tenir dans les grands projets proposés au J4 ou au Fort Saint-Jean. Ici, ils ne sont plus au service du discours d’un commissariat. Ils n’existent plus en fonction de ceux qui les précèdent ou qui les suivent dans le parcours d’une exposition. Loin de la lumière des projecteurs et de scénographies épurées ou audacieuses, ils existent par eux même.

Marie-Charlotte Calafat souligne qu’il s’agit « de raconter des histoires vécues par ces objets, par les personnes auxquels ils ont appartenus, et par ceux qui ont eu à les manipuler, à les inventorier, à les restaurer… »

Le parcours de l’exposition s’articule en deux grandes séquences.

La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

Dans le hall du CCR, « La Vie secrète des collections à la Belle de Mai » propose de comprendre comment les collections sont arrivées au Mucem. Marie-Charlotte Calafat revient sur le pharaonique chantier des collections qui a permis de traiter puis de transporter près d’un million d’objets et de documents à Marseille. Elle évoque également les bases sur lesquelles s’est construit le bâtiment du CCR. Ensuite, Julie Durin, responsable de la gestion informatisée des collections et des inventaires, explique à partir de l’exemple des pratiques de recyclage et de récupération des zabbalîn (« chiffonniers ») au Caire, la méthode de « l’enquête -collecte ».

Dans la salle d’exposition, le parcours s’organise principalement en trois sections : Inventorier, documenter, étudier / Conditionner, conserver, restaurer / Transmettre, témoigner.
Elles permettent d’appréhender « La Vie secrète des collections à la Belle de Mai ».
Un dispositif numérique, intitulé « 10 ans d’acquisitions », complète et élargit le propos.

La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

À partir d’objets et de documents sélectionnés avec soin et de témoignages éloquents, on comprend sans problème comment s’orchestre la collaboration entre les archivistes, bibliothécaires, documentalistes, photographes, installateurs, régisseurs et conservateurs.

Julie Durin souligne la difficulté de certains inventaires composés de multiples éléments et leur recollement tous les dix ans à partir d’un modeste échantillon de pétales en tissus pour fabriquer des fleurs artificielles. Raphaël Bories, conservateur du patrimoine, commente l’acquisition récente de deux petites statuettes et aborde les problématiques d’achat dans un musée.

Un peu plus loin, il évoque les opérations de restauration d’une peinture sous verre du 18e ou 19e siècle. Anaïs Avossa, archiviste au Mucem, revient sur l’entrée dans les collections d’une gigantesque bâche utilisée par Act Up Paris et sur la question des dons. Hervé Chadaillac, chef d’équipe et installateur au CCR, explique comment sont imaginés et créés des encadrements spécifiques pour l’accrochage d’objets fragiles et la manière dont sont (re)aménagées les caisses de transport. Deux éléments de la Maquette du Cirque Berger permettent via un QR code de revoir Zeev Gourarier, ancien directeur scientifique et des collections du Mucem.

Les questions de thésaurus et de dénominations sont évoquées à propos de houes et des broches. Celles liées à l’inventaire et au marquage sont vues à travers le cas d’un battoir à linge et celui d’une quenouille et un morceau de laine.

Des poignées de sac à main et des roues de skateboard témoignent de la « mort » de certains objets et leur éventuelle radiation à l’inventaire. Les pénis multicolores d’un manège enchanté attestent de l’engagement du Mucem sur les problèmes de société et d’éducation au travers d’opération de médiation. Enfin, c’est avec beaucoup d’émotion que l’on retrouve deux des boites à bijoux accompagnées de leurs histoires que gethan&myles avaient produites pour l’exposition « Or », en 2018…

« La Vie secrète des collections à la Belle de Mai » est une exposition rare qui mérite impérativement un passage par le CCR à la Belle de Mai. Il faut aller à la découverte des objets et de documents souvent modestes, parfois surprenants et émouvants. Il faut écouter les témoignages captivants et enrichissants de plusieurs acteurs de l’équipe du musée qui est, comme le souligne très justement Marie-Charlotte Calafat, « portée par la passion de l’objet ou du document, ainsi que par l’envie de transmettre à tous les publics le plaisir et la connaissance autour d’eux ».

Grande reserve ©Mucem - Marianne_Kuhn
Grande reserve ©Mucem – Marianne_Kuhn

Un passage par le bâtiment de la Belle de Mai est aussi l’occasion de découvrir les multiples actions de médiation du CCR. Se déclarant « Écrin plutôt que coffre-fort, contrairement à de classiques réserves de musée », il propose, au-delà de la salle d’exposition, trois espaces ouverts au public avec :
– Un programme de visite des réserves tous les premiers mardis du mois et sur rendez-vous,
– Un accès libre tous les après-midi à la salle de lecture et sur rendez-vous le matin
– Une salle de consultation des objets et des documents ouverte sur demande à tous les curieux sans obligation de suivre un cursus universitaire.

Salle de lecture au CCR - Photo Spassky Fischer
Salle de lecture au CCR – Photo Spassky Fischer

Une prochaine chronique sera consacrée à la visite des réserves et notamment à celle de l’appartement témoin. On reviendra également sur l’installation Champ de visions de Mathilde Rosier sur la façade du CCR. Le Mucem ouvrira à partir de décembre une exposition permanente sur ses collections, dans le bâtiment J4. On ne manquera pas d’en faire l’écho.

À lire, ci-dessous, quelques regards sur « La Vie secrète des collections à la Belle de Mai » qu’éviteront dans un premier temps celles et ceux qui envisagent une visite de l’exposition.
Sont également reproduits des témoignages des membres de l’équipe scientifique du Mucem, extraits du dossier de presse.

Merci à Marie-Charlotte Calafat, pour sa disponibilité et son accueil chaleureux.
Rappelons qu’elle a assuré plusieurs commissariats d’exposition remarquables au Mucem dont certain on fait l’objet de chroniques ici : « Document bilingue » et « Roman-Photo » en 2017, « Georges Henri Rivière. Voir c’est comprendre » en 2018, « Folklore » en 2020. Plus récemment, elle a été co-commissaire des expositions « Au Salon des arts ménagers » et « Fashion folklore ».

En savoir plus :
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« La Vie secrète des collections à la Belle de Mai » : Regards sur l’exposition

Dans le hall du CCR : le chantier des collections, le bâtiment à la Belle de Mai et la méthode des enquêtes-collectes.

Dans le hall du Centre de Conservation et de Ressources, « La Vie secrète des collections à la Belle de Mai » propose, dans un premier temps, de comprendre comment les collections sont arrivées au Mucem.

Le parcours débute avec une évocation du monumental chantier des collections qui a traité un million d’objets et de documents issus des fonds du musée national des Arts et des Traditions populaires et du musée de l’Homme, avant de les transporter à Marseille.

Batchou - Le chantier des collections - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Batchou – Le chantier des collections – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

Dans une niche, une caisse et quelques matériaux d’emballage posés devant un vaste tirage en papier peint de l’installation des collections dans la Grande réserve du CCR en février 2013 rappellent cette aventure. Au-dessus, quatre photos montrent quelques moments de ce chantier… Un dessin de Batchou illustre l’arrivée à Marseille des 160 camions semi-remorques à partir du 17 septembre 2012… L’ensemble est commenté par Marie-Charlotte Calafat.

le chantier des collections - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
le chantier des collections – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR
Marie-Charlotte Calafat – Le chantier des collections

En face, un time-lapse montre la construction du bâtiment dessiné par l’agence Corine Vezzoni et André Jollivet. Il est accompagné d’un commentaire dans lequel Marie-Charlotte Calafat souligne les enjeux du projet architectural avec notamment les 8000 m² en 3 niveaux consacrés aux 17 réserves organisées principalement par matériaux.

Chantier de la construction du CCR ©Vezzoni - Photo Thierry Lavernos
Chantier de la construction du CCR ©Vezzoni – Photo Thierry Lavernos
Marie-Charlotte Calafat – Le bâtiment du CCR

Vingt-deux personnes des équipes scientifiques et de gestion des collections travaillent au sein du CCR, dans les pôles régie et documentation. D’autres ont en charge de l’accueil du public avec des salles de lecture et de consultation des collections, les expositions temporaires et les 900 m² de l’appartement témoin, réserve visitable une fois par mois et sur rendez-vous. Le travail des équipes du CCR fait l’objet d’une représentation graphique par le dessinateur Batchou.

Après avoir rappelé que le CCR a les mêmes dimensions que le J4, Marie-Charlotte Calafat revient sur quelques aspects artistiques du projet architectural, inspiré en partie par le travail d’Edouardo Chillida. Le traitement singulier de sa façade rose pâle est plus longuement abordé dans un billet qui sera consacré à l’installation Champ de visions de l’artiste Mathilde Rosier.

Dans le patio qui donne accès aux salles de lecture et de consultation, quelques vitrophanies évoquent les grandes réserves inaccessibles au public, mais dont une partie a été exceptionnellement ouverte le 16 septembre pour le vernissage de l’exposition et les 10 ans du CCR, lors des Journées Européennes du Patrimoine.

Après avoir précisé quelques éléments du vocabulaire employé par les équipes de conservation, un accent particulier est mis sur la méthode de « l’enquête-collecte ».

La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

Ce disposition qui permet au Mucem de faire entrer dans ses collections objets et documents prend pour exemple le travail réalisé en 2017 dans le quartier des chiffonniers au Caire pour « Économie des déchets en Méditerranée ». Cette séquence rappellera des souvenirs à celles et ceux qui ont vu l’exposition « Vie d’ordures » en 2017.

Enquête-collecte  Économie des déchets en Méditerranée » - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Enquête-collecte  Économie des déchets en Méditerranée » – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

Les objets, photographies et schémas rassemblés dans une vitrine illustrent toute la richesse et la pertinence de cette méthode, mais aussi le rôle social et patrimonial, souvent ignoré, que joue le Mucem à travers ces collectes. Les commentaires de Julie Durin sont particulièrement enrichissants.

L’exposition évoque ensuite les autres manières avec lesquelles les collections s’enrichissent : dons, legs ou acquisitions.

Des points multicolores, dispersés en haut du mur au début du parcours, s’organisent en cinq lignes correspondant aux différents départements du CCR : Régie, Médiation, Conservation, Archives, Bibliothèques, Documentation. Ce code couleur permet aux visiteurs.euses de se repérer facilement dans l’exposition.

Sarah Dietz - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Sarah Dietz – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

Un diagramme illustre les questions qui peuvent se poser autour des différentes étapes de la vie d’un objet avant et après son arrivée au musée. Les icônes définies ici se combinent ensuite aux cinq traits de couleur pour synthétiser à chaque séquence de quoi l’on parle.

Dans la salle d’exposition :

Dans les 300 m² de la salle d’exposition, le parcours s’articule principalement en trois sections qui permettent d’appréhender « La Vie secrète des collections à la Belle de Mai ».

Inventorier, documenter, étudier

Inventorier, documenter, étudier - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Inventorier, documenter, étudier – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

Cette séquence montre les grandes étapes de la chaîne d’acquisition à partir d’objets choisis avec soin. Documents et matériel illustrent les méthodes et les techniques mises en œuvre et permettent de percevoir l’intérêt crucial de cette documentation, sans en ignorer les cas parfois délicats.

Tout commence avec des questions et la réponse de Suzanne Briet, bibliothécaire et pionnière dans les sciences de l’information et de la documentation :

« Une étoile est-elle un document ? Un galet roulé par un torrent est-il un document ? Un animal vivant est-il un document ? Non. Mais sont des documents, les photographies et les catalogues d’étoiles, les pierres d’un musée de minéralogie, les animaux catalogués et exposés dans un zoo ».

Inventorier, documenter, étudier - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Inventorier, documenter, étudier – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

Une patelle devenue amulette d’allaitement, un galet en granit peint, un autre galet de casseuse d’amandes, une amulette contre la foudre et les photographies d’animaux sur plaques de verre de Charles Bodmer illustrent parfaitement ce propos introductif.

L’étude, la documentation et l’inventaire des objets et leurs évolutions techniques sont mis en lumière à partir de trois cas : un battoir à linge en bois sculpté et peint décrit et inventorié en 1901 au Museum d’histoire naturelle, une quenouille et un morceau de laine, don de Thérèse Rivière en 1937 et une clé de voile de femme dit tasassarut entrée dans les collections du Mucem en 2014.

Inventorier, documenter, étudier - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Inventorier, documenter, étudier – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

Les techniques de marquage sont exposées avec quelques outils et une fiche par matériau (ici le métal) qui définit le protocole à respecter.

Deux familles d’objets, les houes et les broches, illustrent l’importance des atlas linguistiques et ethnographiques et celle des thésaurus pour éliminer les problèmes d’homonymie.

Trois objets sont les points de départ de commentaires développés.

Julie Durin, responsable de la gestion informatisée des collections et des inventaires, raconte l’histoire d’un discret et modeste échantillon de pétales pour la réalisation de fleurs artificielles de la maison Francou, inscrit à l’inventaire en 1972. Elle souligne aussi la difficulté de certains inventaires composés de multiples éléments et d’en faire le recollement tous les dix ans.

Julie Durin – Inventaire Maison Francou

Raphaël Bories, conservateur du patrimoine au pôle croyances et religion du Mucem, commente l’acquisition récente de deux petites statuettes lituaniennes dites dievukai (petits dieux) et leur photographie dans l’intérieur de leur ancien propriétaire. Elles témoignent du parcours de vie de l’historien de l’art Jurgis Baltrušaitis. Elles illustrent aussi les problématiques d’acquisitions du musée.

Raphael Bories – Statuettes lituaniennes

Anaïs Avossa, archiviste au Mucem, revient sur l’entrée dans les collections, la documentation et la conservation de la gigantesque bâche utilisée par Act Up Paris, d’abord comme préservatif sur l’obélisque de la place de la Concorde, puis, un an plus tard, comme banderole sur les Champs-Élysées lors d’un die-in… Elle aborde également les problématiques très particulières liées aux dons et notamment avec celui des archives de l’association Bernard Dutant.

Inventorier, documenter, étudier - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Inventorier, documenter, étudier – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR
Anaïs Avossa – banderole d’Act up Paris

Cette séquence se termine avec un ensemble de photographies et les éléments séparés de la fabrication d’une épinette des Vosges, en 1957. Au-delà de l’objet, ces documents permettent de conserver en partie un savoir-faire et un mode de construction.

Inventorier, documenter, étudier - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Inventorier, documenter, étudier – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

Conditionner, conserver, restaurer 

La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR

Cette seconde section présente des conditionnements spécifiques et adaptés aux singularités de certains objets. Ils mettent en lumière le soin porté à leur manipulation, à leur emballage, à la surveillance de leur état de conservation, mais aussi pour leur éventuel transport et accrochage.

Une séquence d’images montre le travail de conditionnement d’une œuvre textile de Mohammed Kacimi lors de son exposition au Fort Saint-Jean à l’hiver 2018/2019.

Conditionner, conserver, restaurer - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Conditionner, conserver, restaurer – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR
Giovanni Frangipane – Marfisa, marionnette à tringle et à fils Palerme, Italie, 4e quart 19e siècle Bois sculpté, peint et vernis, cuivre, acier, laiton, coton, polyester, laine, plume, verre. Mucem, 2015.1.41

Les installateurs, pour certains issus de la filière des métiers d’art, travaillent avec les conservateurs et les restaurateurs pour créer des conditionnements sur mesure assurant la bonne conservation des objets. Afin d’éviter le contact entre la housse et les plumes de cette marionnette, une mise en forme en mousse a été fabriquée.

Une marionnette sicilienne du XIXe siècle bénéficie d’une housse sur mesure et d’un dispositif qui assure l’intégrité des plumes de son casque.

Hervé Chadaillac, chef d’équipe installateur au CCR, explique comment à été imaginé et créé un encadrement spécifique à l’aide d’un support aimanté pour l’accrochage d’une amulette d’accouchement du XVe siècle en parchemin. Celle-ci est normalement conservée, pliée dans un étui.

Conditionner, conserver, restaurer - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Conditionner, conserver, restaurer – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR
Amulette d’accouchement – France, 15e siècle. Parchemin et cuir. Mucem, 1977.2.1.1-2

Lors de son entrée au musée, ce parchemin était plié dans un étui. Pour la lecture de son contenu dans le cadre d’une exposition, il a été restauré et mis à plat. Un encadrement spécifique à l’aide d’un support aimanté a permis un accrochage à la verticale sans risque pour le document.
Hervé Chadaillac – Accrochage d’une amulette d’accouchée

Des peintures sous verre et des santons, récemment restaurés, témoignent des délicates interventions de restaurateurs spécialistes des matériaux extrêmement divers rencontrés dans les collections.

Conditionner, conserver, restaurer - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Conditionner, conserver, restaurer – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR
Raphael Bories- Derrière l’Immaculée Conception

Raphaël Bories explique les diverses opérations de restauration d’une Immaculée Conception, une peinture sous verre du 18e ou 19e siècle pour l’exposition « Une autre Italie ». Il raconte également la découverte sur l’ancien fond d’une peinture représentant un autre objet conservé au Mucem… Une parfaite illustration de « La Vie secrète des collections à la Belle de Mai ».

Quelques objets illustrent des cas particulièrement difficiles, défis dans certains cas impossibles à relever pour la conservation…

Un conditionnement spécifique a été conçu pour conserver un gâteau en pain d’épice de Serbie. Par contre, il sera probablement nécessaire de retirer de l’inventaire la poignée en plastique d’un sac qui s’autodétruit par une réaction chimique et qui dégage des polluants volatiles dangereux pour les autres collections. Ce sera sans doute également le cas pour des roues de skate en matériaux composites qui se désagrègent…

Transmettre, témoigner

« Transmettre, témoigner » regroupe quelques objets, parfois vus dans les expositions au J4. Ils illustrent les multiples opérations liées à la transmission qui, au-delà des expositions au Mucem et des prêts à d’autres musées, concernent également des actions au CCR comme des présentations en réserve, à l’occasion d’ateliers, ou encore en salle de consultation et de lecture.

Marionnette de Zinédine Zidane - Les Guignols de l'Info - Canal +, France, 1995. En dépôt au musée national du sport à Nice jusqu’en 2026. Mucem n° d’inventaire 2017.32.1  ©  Photo Mucem / Yves Inchierman
Marionnette de Zinédine Zidane – Les Guignols de l’Info – Canal +, France, 1995. En dépôt au musée national du sport à Nice jusqu’en 2026. Mucem n° d’inventaire 2017.32.1 © Photo Mucem / Yves Inchierman

Cette séquence commence paradoxalement par une absence. Celle de la marionnette de Zinédine Zidane pour les Guignols de l’Info, actuellement en dépôt au Musée national du sport à Nice et qui n’est représentée que par sa photographie.

Ceci permet de souligner l’importance des prêts du Mucem à d’autres musées en France et à l’étranger, entre 500 et 1000 objets par an depuis 2013.

Sur un podium sont présentés deux éléments de la maquette du Cirque Berger qui avait marqué les esprits lors de sa présentation au Fort Saint-Jean en 2013 et 2014. Un lien permet d’en revoir l’installation avec un commentaire de Zeev Gourarier, ancien directeur scientifique et des collections du Mucem.

Le cartel souligne les nombreux défis de montage à chaque exposition des centaines d’éléments de cette fabuleuse maquette qui évoque Barnum Circus.

La machine à sous « Sus à l’Ennemi » et l’adaptation manuscrite de Sous les obus de Gaston Cony pour un théâtre de marionnettes sont nettement moins poétiques et clairement plus effrayantes…

Un peu plus loin, on retrouve le Manège enchanté, entré dans les collections suite à l’enquête-collecte « Histoire et mémoire du Sida ». Dans un commentaire Anaïs Avossa revient sur cet objet pédagogique, sur la mémoire de l’épidémie de Sida qui s’efface chez les jeunes et sur le rôle essentiel du Mucem.

Transmettre, témoigner - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Transmettre, témoigner – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR
Matériel de prévention dit « Le Manège enchanté » lié à lutte contre l’épidémie du Sida « Manège enchanté », France, 2002. Mucem n° d’inventaire 2002.93.21.3

À côté, le kit « hymen artificiel » s’impose comme une évidence. Présent dans « Au Bazar du genre », une des expositions inaugurales du Mucem, cette petite boite en bois contient deux sachets en aluminium. L’un renferme une membrane pour simuler un hymen intact et l’autre du liquide rouge pour le sang. D’usage courant au Japon, ce kit est supposé remplacer le recours à la chirurgie de réfection de l’hymen…

Transmettre, témoigner - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR
Transmettre, témoigner – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR
Hymen artificiel de virginité Japon, 2013 Bois, aluminium, tissu et liquide rouge. Mucem, 2015.5.1

Des Wedding Shoes, que l’on a pu voir récemment dans « Barvalo », précèdent deux éléments de l’installation « Lazare/The Space Between How Things Are And How We Want Them To Be » que gethan&myles avaient produite pour l’exposition « Or : Un voyage dans l’histoire de l’art au fil de l’or», en 2018.

C’est avec beaucoup d’émotion que l’on redécouvre ici ces bijoux rachetés par les artistes au Crédit municipal de Marseille, avant de les restituer à leurs propriétaires en échange de leur témoignage, après en avoir saisi l’empreinte sur un cyanotype… Deux boitiers en plexiglas avec leurs bijoux et leurs « histoires » sont entrés dans les collections du Mucem. Ils sont accompagnés par l’ouvrage publié en 2020 où l’on retrouve les histoires touchantes des bijoux que gethan&myles ont pu rendre aux gens qui les possédaient avant de les avoir gagés et perdus…

La séquence se termine avec la présentation de plusieurs éditions historique et contemporaine de contes qui sont régulièrement utilisés à l’occasion d’ateliers et de rencontres avec des enfants et des adultes, dont un nombre important vivent à la Belle de Mai.

Au centre de la salle, un cube protégé par une discrète résille, expose des objets singuliers. Un chef d’œuvre de charpentier, un fétiche masculin représentant la divinité Gede violet du panthéon haïtien, une banquette de TER graffée par Sike (« Take your place ») et une étonnante boite de dentisterie entourent une caisse de transport. Un commentaire d’Hervé Chadaillac évoque les aménagements et adaptations pour sécuriser le transport des objets et la réflexion actuelle sur la réutilisation éventuelle des caisses existantes…

Hervé Chadaillac- Aménager une caisse de transport

Dispositif numérique « 10 ans d’acquisitions »

Un dispositif numérique, intitulé « 10 ans d’acquisitions », complète l’exposition.
Des écrans tactiles installés dans un espace à l’écart permettent de naviguer au travers des dix dernières années d’acquisition du Mucem, notamment au sein des enquêtes-collectes.

Dispositif numérique « 10 ans d’acquisitions » - La vie de l'objet - La Vie secrète des collections à la Belle de Mai - Mucem CCR - Photo : ©Julie Cohen / Mucem
Dispositif numérique « 10 ans d’acquisitions » – La vie de l’objet – La Vie secrète des collections à la Belle de Mai – Mucem CCR – Photo : ©Julie Cohen / Mucem

Ce dispositif devrait être rapidement disponible sur le site du Mucem.

Témoignages des membres de l’équipe scientifique du Mucem

« 10 ans déjà ! » – Émilie Girard, conservatrice en chef du patrimoine et directrice scientifique et des collections

« Il y a 5 ans, nous organisions une exposition au CCR qui revenait sur 5 années d’acquisition depuis l’ouverture du musée. 5 ans après, l’occasion est belle de présenter plus largement l’activité foisonnante du CCR, depuis le déménagement pharaonique des collections jusqu’aux opérations les plus minutieuses qui sont conduites au quotidien par une équipe investie. En 10 ans, le travail accompli autour de ces fonds, accessibles en ligne, consultables sur place, largement diffusés par des prêts et des dépôts, conservés et restaurés dans les règles de l’art et enrichis via une politique d’acquisition ambitieuse, est considérable. C’est une part des coulisses du musées qui sont donnés à voir dans cette exposition ».

« 160 semi-remorques… » – Marie-Charlotte Calafat, conservatrice du patrimoine et responsable du département des collections et des ressources documentaires

« Le transfert du million d’objets et documents a été une véritable aventure et une chance pour les collections : elles ont pu être récolées, dépoussiérées, marquées, photographiées et pour certaines restaurées avant d’être emballées. Chaque objet a été codé et tracé sur un logiciel de données dédié au mouvement des collections. Il a aussi été emballé individuellement, mis en caisse et sur palette. Les convois, transférant les collections de Paris à Marseille, ont été réalisés de septembre 2012 à juillet 2013. Au total, 160 semi-remorques ont été utilisés pour mener à bien cette opération. Il a même fallu avoir recours à une grue pour le chargement des pièces de très grandes dimensions. »

« Les enquêtes-collectes : l’ADN du Mucem » – Aude Fanlo, responsable du département de la recherche et de l’enseignement

« Il s’agit d’observer un fait de société et de rassembler directement sur le terrain objets et témoignages qui rejoindront le cas échéant, après sélection, les réserves du musée. Les objets sont ainsi contextualisés par une documentation associant le matériel de collectes (entretiens, carnets de terrains, données primaires), la description et l’analyse des sources, l’explicitation du processus et de la visée de l’enquête. Cette démarche est caractéristique des musées de société visant à conserver des oeuvres encore peu représentées dans le champ muséal et susceptibles de traduire la vie des populations, au plus près des acteurs impliqués. »

« Des outils numériques au service de ce million d’objets » – Sarah Dietz, Julie Durin et Charles Riondet, chargés de la gestion informatisée des collections

« Chargé de projets numériques, ça peut vouloir dire beaucoup de choses (…). Nous faisons en sorte que le travail de toutes les personnes chargées des collections puisse être accessible aux publics en fonction des spécificités de leurs demandes et en respectant les réglementations liées à l’accès aux données. Ce dernier point est très important, puisque nous avons aussi la charge de la mise en oeuvre de la politique Open Data (données ouvertes) des collections du Mucem, c’est-à-dire le libre accès aux informations sur les collections (moins certaines données personnelles ou sensibles). »

« Trouver une place en réserve » – Lucile Pierret, chargée de la régie des mouvements internes et des acquisitions

« Une fois les objets acquis, je suis chargée de les intégrer aux collections à travers le marquage de leur numéro d’inventaire définitif, leur récolement, leur transfert vers l’atelier photo pour prise de vue, puis vers l’atelier des installateurs pour la fabrication d’un support de conservation avant leur transfert en réserve. (…) Ce métier de terrain permet d’être acteur de la protection du patrimoine en veillant à la bonne conservation des collections à chaque étape de leur vie. »

« Mener une étude pour comprendre les collections » – Raphaël Bories et Enguerrand Lascols, conservateurs du patrimoine, Caroline Chenu, chargée de recherche et de collection

« L’étude des collections fait partie des missions des conservateurs du musée. Il s’agit de comprendre l’histoire des objets et de leur fabrication, de leur utilisation, de leur transmission, bref de les resituer dans un contexte qui puisse rendre une partie de leur vie et de leur richesse. Cette mission donne tout son sens au CCR puisqu’elle mobilise à la fois les objets eux-mêmes, mais aussi les ressources documentaires qui leur sont associés : archives, ouvrages de la bibliothèque, photographies… Ce travail est aussi le préalable indispensable à la valorisation des collections afin de restituer les connaissances acquises de la manière la plus claire possible auprès des publics sous la forme de publications, de communications ou d’expositions. »

« Archiver des histoires et des mémoires » – Fabienne Tiran et Anaïs Avossa, archivistes

« Les qualités nécessaires pour le métier d’archiviste ? Avoir le dos solide, avec les nombreuses manutentions ! Tout le monde peut être archiviste : c’est un métier qui demande de la rigueur, de l’organisation et de la curiosité. »

« Photographier » – Marianne Kuhn, photographe

« J’aime mettre en lumière les objets en soulignant leurs spécificités, leur donner une autre valeur à l’aide de la photographie. Je réfléchis à une mise en scène de l’objet, principalement par la lumière. Je suis attachée à l’aspect historique et sociologique des objets et à la manière dont les conservateurs et chargés d’études racontent les histoires liées à ces objets. »

« Des collections pédagogiques » – Hélène Taam et Romane Chailloux, médiatrices, Claire Dufour, chargée de la documentation

« Nous sommes le lien avec les publics dans les salles d’exposition, de lecture ou dans les réserves. Nous sommes satisfaites quand nos interlocuteurs ont des étoiles dans les yeux après une visite, un atelier, une consultation d’objets ou de documents et qu’ils ont saisi “l’esprit des lieux’’. Nous sommes attachées à ce que les publics repartent soulagés d’avoir compris ce qu’ils ont vu, et se sentent proches des collections, quelles que soient leurs origines, leurs appartenances, leurs histoires. Il y a toujours quelque part une part de l’histoire de chacun dans les réserves. »

« Une bibliothèque et des ateliers pour tous les publics ! » – Sophie Bernillon, conservatrice des bibliothèques et responsable de la bibliothèque

« La bibliothèque crée des occasions pour transmettre les fonds documentaires et livres à des lecteurs heureux de les découvrir. C’est aussi un espace d’échanges, notamment lors d’ateliers qui permettent de sensibiliser les élèves à l’écoute et au dialogue et de développer leur regard critique en vue de déconstruire les clichés. »

« Préserver, conserver, sécuriser les objets » – Hervé Chadaillac, David Belliard, Gilles Messin, Ophélie Vedrenne, installateurs

« Le métier d’installateur nécessite d’être minutieux, rigoureux, manuel et ingénieux et d’avoir le sens du travail d’équipe. Il s’agit de plusieurs métiers en un : c’est l’installateur au sens premier qui va manipuler les objets, les accrocher, les mettre en situation. Mais c’est aussi fabriquer des soclages et encadrements pour le conditionnement des objets et des documents afin d’en assurer la bonne conservation. C’est enfin la surveillance sanitaire des réserves (température, infestations). »

« Restaurer… » – Sabrina Paumier, régisseuse des collections

« Je suis chargée de la gestion physique et administrative des collections et en particulier de la coordination des mouvements d’oeuvres au sein des réserves, ce qui signifie que j’organise les transports en interne ou externalisés de nos collections vers des lieux d’exposition. Je prépare les cahiers des charges pour les restaurations, fait le relai avec les restaurateurs et donne les préconisations en matière de présentation.

L’ouverture du Mucem a sans aucun doute a été ma première grande expérience et c’est un évènement qu’on ne vit qu’une fois dans sa vie. J’y ai tout appris. »

« Les collections meurent aussi » – Cécile Gaury régisseuse des collections

« Ma mission est de veiller à la bonne conservation des collections au sein des réserves. Je m’intéresse tout particulièrement à l’identité des objets par les matériaux qui les composent. Chaque objet est unique et a des besoins qui lui sont propres.

J’ai à ce titre travaillé sur la question de la radiation à l’inventaire pour cause de destruction de l’objet. Ce travail permet aussi d’anticiper la dégradation de l’objet et de prendre les bonnes décisions lors de toute nouvelle acquisition. »

« La découverte d’une collection » – Pernette Léger, stagiaire chargée de la valorisation des collections

« Que ce soit directement en réserve ou par l’intermédiaire des dossiers d’oeuvres et du logiciel du musée, j’ai eu la chance d’en apprendre plus sur l’histoire des collections du Mucem. Chaque objet est l’occasion de découvrir les histoires de ceux qui font le musée, c’est-à-dire les professionnels du patrimoine et les publics. Chaque objet est alors vecteur d’étonnement et d’enseignement. »

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