Myriam Mihindou – Praesentia au Crac Occitanie, Sète


Jusqu’au 4 mai 2025, le Crac Occitanie présente « Praesentia », une magistrale exposition de Myriam Mihindou qui s’impose comme un événement marquant dans le paysage artistique contemporain du Midi de la France depuis la rentrée de septembre.

Un dépliage…

Pour les deux commissaires (Marie Cozette, directrice du Crac Occitanie et Daria de Beauvais, curatrice au Palais de Tokyo), l’exposition est un dépliage du travail de Myriam Mihindou dans toute sa richesse, à travers des pratiques très variées. Plutôt que d’exposition, l’artiste préfère en effet parler de « dépliage ». Dans un échange avec Philipe Dagen, publié par Le Monde, elle confiait : « C’est un cadeau de pouvoir proposer un dépliage, car il me permet de voir et de comprendre beaucoup mieux ce qui attache les œuvres les unes aux autres. »

« Praesentia » déplie donc de la photographie, de la vidéo – qui elle-même fait écho à son travail de performance – ainsi que du dessin, de la sculpture et de l’installation. Cette approche résolument protéiforme permet d’offrir une vision dense et complète de son univers artistique sur 25 années de création, avec la volonté de souligner la cohérence et l’évolution de son travail au fil du temps. L’exposition rassemble ainsi des œuvres inédites, mais aussi des pièces préexistantes, certaines ayant été amplifiées ou revisitées pour l’occasion.

Au cœur du travail de Myriam Mihindou, le corps, à la fois sujet et instrument, est omniprésent. C’est le sien, celui de la performeuse et de la sculptrice. Dans un entretien reproduit sur le site du Palais de Tokyo, elle explique :
« On vit et rêve avec son corps en permanence, sans coupure avec l’âme. J’ai grandi au Gabon et ce contexte s’est inscrit dans mon corps et ma mémoire. J’ai vécu dans un monde colonial et postcolonial, mais il y avait aussi le corps culturel qui dansait, chantait, collectivement et individuellement. C’est cette constellation un peu spectrale et ritualisée que j’interroge en tant qu’artiste. Lorsque j’ai découvert l’artiste Joseph Beuys qui parlait du corps social, ça m’a beaucoup interpellée parce que pour moi le corps c’est aussi le corps de la communauté qui m’édifie ou qui m’empêche. C’est un ensemble de corps comme un principe gigogne ».

Un peu plus loin, elle ajoute : « J’avais très envie de penser l’exposition comme un grand monde ou un grand corps, après nos expériences de confinement, interrogeant le commun, la transmission, l’histoire, l’écrit, le politique, le social. Comment penser ensemble ce monde dans lequel nous sommes connecté·es de manière organique. Ce n’est donc pas un “public” mais des présences qui pénètrent dans l’exposition »…

Au fil du « dépliage » de son travail, on découvre la manière dont elle explore son rapport au langage, son usage singulier de certains matériaux comme le cuivre, le verre et la terre, son expérience de la révélation de l’image et l’importance de la transe. On comprend également comment elle assume des fonctions spirituelles et thérapeutiques, mais aussi sociales et politiques de l’art…

Une co-conception avec le Palais de Tokyo

L’exposition à Sète s’inscrit dans le prolongement de celle qui a été présentée au Palais de Tokyo à Paris du 18 octobre denier jusqu’au 5 janvier de cette année.
Le projet trouve son origine dans la remise du Prix AWARE à Myriam Mihindou en 2022. L’un des engagements de la Fondation AWARE, qui œuvre depuis plusieurs années à la valorisation du travail des artistes femmes, est ce prix, conçu pour mettre en lumière une artiste. Il est attribué en partenariat avec le réseau DCA – Association de développement des centres d’art contemporain. Dans ce cadre, les membres du réseau national des centres d’art ont la possibilité d’accueillir l’exposition de la lauréate, avec un accompagnement financier à la clé.

Marie Cozette et Daria de Beauvais avec Myriam Mihindou - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Marie Cozette et Daria de Beauvais avec Myriam Mihindou – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Le Palais de Tokyo et le CRAC ont tous deux manifesté leur intérêt pour le travail de Myriam Mihindou.
Pour Marie Cozette et Daria de Beauvais, « plutôt que d’entrer dans une logique de concurrence, nous avons choisi une approche collaborative en unissant nos forces autour de son œuvre. Nous avons donc répondu ensemble à cet appel, ce qui a conduit à la mise en place d’une exposition itinérante. Nous avons écrit les textes ensemble, et plus largement, nous avons vraiment tout construit collectivement. C’est important de le souligner, car ce n’est pas si courant.

Vue d’exposition, Myriam Mihindou, Praesentia, 2024, Palais de Tokyo, © Aurélien MolePalais de Tokyo
Vue d’exposition, Myriam Mihindou, Praesentia, 2024, Palais de Tokyo, © Aurélien MolePalais de Tokyo

Une exposition itinérante peut parfois être accueillie “clé en main”, sans que l’institution d’accueil ait participé à sa conception. Mais ici, nous avons été impliqués à chaque étape, du tout premier rendez-vous avec Myriam jusqu’au dernier clou posé au mur.
C’est l’un des aspects les plus beaux de ce projet : cette dimension profondément collaborative, ce dialogue constant entre les institutions. Il y avait aussi cette volonté de donner à l’exposition une visibilité plus longue. En l’inscrivant sur une durée de six mois, nous répondons également à des réflexions institutionnelles actuelles, notamment sur les enjeux écologiques. Travailler sur des temporalités plus longues fait partie des questions essentielles que nous nous posons aujourd’hui, et c’est un point central dans la démarche du Palais de Tokyo et du CRAC Occitanie ».

« Praesentia » à Sète

Pour Myriam Mihindou, enchaîner deux expositions successives dans des lieux différents soulève forcément de nouvelles questions. « C’est un processus de travail très intéressant, que je n’avais encore jamais expérimenté. De plus, il y a toujours cette relation particulière au territoire, une sorte de dialogue qui s’installe naturellement. Pour moi, cette dimension territoriale est essentielle. J’ai ressenti le besoin de m’immerger pleinement dans cet environnement, de m’y inscrire sur la durée. Rester trois semaines pour installer l’exposition, c’était un véritable luxe. Peu d’artistes ont cette opportunité. L’espace d’exposition a aussi ses spécificités : son volume, sa configuration influencent forcément la mise en place du projet. Cela m’a conduit à resserrer certaines images, à adapter la narration. Le public, lui aussi, joue un rôle clé : comment va-t-il investir l’espace ? Comment va-t-il se déplacer, circuler ? C’est une véritable chorégraphie ».

Myriam Mihindou - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Les deux commissaires ajoutent : « Le parcours ici est très différent de celui du Palais de Tokyo. Pourtant, il conserve une certaine logique narrative, avec un début et une fin. Entre ces deux points, plusieurs chemins sont possibles, avec des articulations qui varient en fonction de la configuration du lieu. Ici, l’espace invite naturellement à tourner, à évoluer autrement. En termes de volume, les deux espaces sont relativement équivalents. Cependant, l’architecture du CRAC est très différente. Nous avons choisi de la préserver dans son identité propre, alors qu’au Palais de Tokyo, une scénographie avait été spécialement conçue pour l’exposition. Cela implique un parcours distinct : bien que le début et la fin restent les mêmes, le déploiement des œuvres varie légèrement. De plus, trois corpus d’œuvres supplémentaires sont présentés à Sète, ce qui confère à cette exposition une dimension véritablement inédite ».

Myriam Mihindou - Service, 2000-2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Service, 2000-2024 – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Il faut impérativement aller à la découverte du « dépliage » que nous propose Myriam Mihindou où dit-elle « Je ne veux rien imposer. Je veux juste que mon travail soit accessible à ceux qui ressentent sa présence et qu’ils s’en saisissent librement ».
On y rencontrera sans doute notre « bulle d’équilibre qui tient le corps droit dans une verticalité à partir de laquelle on peut tout articuler ». Avec « Praesentia », Myriam Mihindou nous propose aussi de « prendre soin de soi et de cultiver une forme de résistance douce, mais durable. Travailler sur sa propre bulle, c’est apprendre à traverser les tempêtes et les chaos sans se briser. Ceux qui tiennent dans la durée sont ceux qui savent préserver leur espace intérieur ».

Myriam Mihindou - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Ci-dessous, quelques regards photographiques sur le parcours de « Praesentia » au CRAC Occitanie. Ils sont accompagnés de commentaires de Myriam Mihindou et des commissaires enregistrés lors de la visite de presse et des textes du guide de visite.
Celles et ceux qui n’ont pas encore vu « Praesentia » et qui prévoient de passer à Sète pourront éviter cette lecture avant leur visite…

En savoir plus :
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Myriam Mihindou sur le site de la galerie Maïa Muller

Réalisation vidéo Aloïs Aurelle © Crac Occitanie, 2025

Regards sur « Praesentia » de Myriam Mihindou au Crac Occitanie

La question biographique, marquée par une traversée de cultures, de langues et d’identités très différentes, nourrit profondément le travail de Myriam Mihindou. Cette notion de dérive, qu’elle évoque souvent, trouve un écho particulier dans l’importance qu’elle accorde au langage. Le travail sur les mots occupe une place centrale dans son œuvre. C’est par cet aspect que s’ouvre l’exposition.

Le parcours débute avec une œuvre qui est un mot : un mot sculpté, tressé, qui devient à la fois matière et concept. Ce mot, Praesentia, donne son titre à l’exposition et réunit plusieurs dimensions : présence, puissance et protection. Il forme ainsi une triade de significations qui traversent l’ensemble du projet. Il s’agit d’une nouvelle création spécialement conçue pour l’exposition.

Myriam Mihindou - Praesentia, 2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Praesentia, 2024. Tige d’aluminium ionisé, 200 x 20 cm, courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Maceo Goy-Clairet, co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo. – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Le mot Praesencia structure le parcours de l’exposition : c’est à la fois le premier et le dernier mot que l’on voit. Il accompagne la visite comme un fil conducteur, renforçant l’idée d’un cheminement presque rituel. Comme Myriam Mihindou le souligne, ce mot ne résonne pas de la même manière au début et à la fin du parcours – il se charge de l’expérience vécue tout au long de l’exposition.

« La présence s’entend à la fois par rapport à vous-même et à votre propre histoire. En entrant dans l’exposition, il s’agit aussi d’être en présence de soi, avec tout ce qui résonne en nous : les expériences vécues, les parcours traversés, les territoires parcourus ». Myriam Mihindou

Langues secouées et « Le Patron »

Dans la première salle, l’accrochage des fragiles papiers épinglés de la série « Le Patron » s’articule autour des mots en cuivre tressés et tordus appartenant aux « Langues secouées »…

Myriam Mihindou - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Myriam Mihindou Série Le Patron, 2022-2024 – Les algues géantes II, 2022 et Videre, 2020 – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Videre

Les mots semblent s’extraire de la page pour se déployer sur le mur blanc du centre d’art, formant un réseau de fils. On peut y voir à la fois un système nerveux, un réseau de racines, quelque chose qui évoque le vivant. Pour Myriam Mihindou, le cuivre est un matériau particulier : c’est un excellent conducteur d’énergie, une matière traversée par un flux invisible mais puissant. Mais il porte aussi en lui une autre dimension, plus historique et politique. Son extraction massive dans le cadre des régimes coloniaux lui confère une charge symbolique forte. Ainsi, plusieurs couches de sens cohabitent dans ce matériau, que l’on retrouve dans de nombreuses œuvres.

Myriam Mihindou - Videre, 2020 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Videre, 2020. Cuivre, verre soufflé, fumée, 320 x 100 cm, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris) – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Le langage occupe une place centrale dans sa pratique. À travers l’exposition, on retrouve un fil conducteur qui relie différentes langues : le français bien sûr, mais aussi le latin ainsi que l’espagnol. Il y a aussi la langue Punu, parlée dans le sud du Gabon, qui était celle de son père. Toutes ces langues se mêlent comme des strates, témoins des différentes étapes de son parcours.

Son lien avec le latin est aussi une histoire familiale. « Mon père, qui le maîtrisait parfaitement, me lançait parfois des phrases en latin, que je ne comprenais pas. C’est ce qui m’a poussée à l’étudier, pour percer le mystère de ces mots. Le jour de mon baccalauréat, j’ai demandé un dictionnaire de la langue française – sans trop savoir pourquoi. Mais c’est peut-être de là que tout est parti : une quête pour comprendre les sons, les mots, leurs racines et leurs significations. Cette recherche remonte loin. Parfois, nous utilisons des mots sans vraiment en comprendre le sens profond. Cette confusion entre le sens et l’émotion m’a poussée à ressentir la nécessité de mieux les distinguer. Comment redéfinir ces champs d’expression, ces espaces imaginaires liés aux mots, qui ne sont pas toujours clairement définis ? »

Videre appartient à la série des Langues secouées, dans laquelle Myriam Mihindou explore la charge symbolique et politique du langage. Ici, le mot écrit en fil de cuivre est tressé, tordu et sculpté. « Videre » signifie « voir » en latin, un terme important dans une pratique artistique qui fait apparaître les empreintes laissées par différentes formes de domination.

Myriam Mihindou - Videre, 2020 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Videre, 2020 (détail). Cuivre, verre soufflé, fumée, 320 x 100 cm, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris) – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Dans Videre, on remarque aussi l’usage du verre, ce matériau naturel qui relève d’un geste quasi démiurgique. Souffler le verre, c’est faire apparaître des formes d’une manière qui tient presque de la magie, voire de l’alchimie. On le retrouve plus loin dans l’exposition, notamment en fin de parcours.

« J’ai moi-même une relation particulière au feu, ayant été forgeronne pendant cinq ans. Ce qui me fascine, c’est le dialogue entre le feu et l’eau, cette interaction des éléments. Traditionnellement, la forge est un domaine réservé aux hommes, notamment parce qu’elle était historiquement liée à la fabrication d’armes et aux secrets des confréries. J’étais la seule étudiante à travailler la forge en école d’art. Cette dimension alchimique se retrouve dans mon approche du travail de la matière et dans la manière dont je construis mes œuvres ».

Série « Le Patron »

Myriam Mihindou - Série Le Patron, 2022-2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Série Le Patron, 2022-2024. Courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris) – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

La série présentée ici, constituée de différents papiers, s’intitule Le Patron. Le titre fait référence au patron du couturier, ce modèle de couture qui structure le tissu. Ce n’est pas un hasard, car ton travail intègre souvent des gestes liés à la couture : des fils, des aiguilles qui maintiennent les papiers entre eux. Il n’y a jamais de colle, tout est cousu, assemblé dans un équilibre précaire, une fragilité assumée. Myriam Mihindou évoque souvent cette recherche du point de fragilité, ce moment où l’œuvre semble suspendue, où elle capte quelque chose d’essentiel.

On retrouve dans la série Le Patron différents jeux de superposition et de transparence, évoquant un effet de palimpseste. Cette approche permet de travailler la mémoire, d’explorer une forme d’archéologie personnelle, où les mots viennent habiter les papiers selon des thématiques récurrentes dans son travail. L’eau, omniprésente, la question de l’identité… autant d’éléments qui structurent sa réflexion.

Myriam Mihindou - Série Le Patron, 2022-2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Série Le Patron, Identitas, 2024. Calques, cuivre, épingles, sanguine, graphite, encre, 78 x 62 cm, co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo. Courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris) – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

« Je privilégie ce que j’appelle la mémoire organique. Pour moi, c’est notre seule véritable sauvegarde. La mémoire est vivante, elle a sa propre organicité. Comme les langues, elle fonctionne selon une forme d’intelligence organique, une sorte de cerveau vivant qui, par accumulation et réorganisation, donne du sens et resserre les liens du langage.
Ce rapport au vivant se retrouve aussi dans certaines pièces, comme
L’Odeur du Pétrichor. J’aime intégrer à mon travail des éléments universels, liés à notre sensorialité commune. Le pétrichor, cette odeur de la terre après la pluie, est une sensation que nous avons tous expérimentée. Elle nous ancre dans une mémoire collective et sensible.
J’éprouve le besoin de rappeler ces éléments fondamentaux, ces repères qui nous reconnectent à notre humanité et à nos singularités. Ce qui nous constitue, au-delà des mots, c’est aussi cette capacité à ressentir, à produire une intelligence sensible qui fait de nous des êtres profondément liés à leur environnement
 ».

À propos de la couleur, Myriam Mihindou précise : « Ce n’est pas tant la couleur elle-même qui m’intéresse, mais le processus de sa révélation. Plutôt que d’appliquer directement une couleur, je procède par des trempages successifs, jusqu’à ce que la teinte atteigne une justesse qui corresponde à ce que je veux exprimer. C’est un procédé proche d’une radiographie : je ne peins pas, je ne passe jamais de pinceau sur mes œuvres, mais je les immerge encore et encore, jusqu’à ce que la couleur émerge naturellement ».

Myriam Mihindou - Série Le Patron, 2022-2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Série Le Patron, 2022-2024. Courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris) – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Les différentes feuilles de papier, qu’il s’agisse de papier calque, de papier soie ou d’autres matériaux extrêmement fragiles, sont réunies non par collage, mais par couture, par l’action des aiguilles. Comme l’explique Myriam, ce procédé fait écho à l’idée de réparation, et donc à la notion de soin, un élément fondamental de sa pratique.

Dans Le Patron, cette approche s’élargit à une réflexion sur les formes du vivant. Deux pièces en particulier rendent hommage à cette diversité : l’une évoque plantes et animaux, l’autre porte le titre Aqua Fuertis – « eau forte » –, soulignant une vision du monde non-occidentale où nature et culture ne sont pas séparées. Tout est interconnecté, l’humain n’est qu’un élément parmi d’autres au sein d’un écosystème global.

Myriam Mihindou – Série Le Patron, 2022-2024. Courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris) – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

« Les forêts primaires, qui traversent ma réflexion, sont comme des réserves de l’humanité, des espaces où se joue l’équilibre du vivant. Dans ma manière de concevoir le monde, je ne distingue pas l’humain de l’herbe, de la rivière ou du vent. Tout fait partie d’un ensemble interdépendant. C’est cette coexistence qui permet de préserver ce que l’on pourrait appeler une « existence commune ».
Ainsi, lorsque la terre est malmenée, lorsqu’elle subit des extractions abusives, ce ne sont pas seulement les sols qui sont blessés, mais aussi nos propres corps. Rien n’est dissocié. Certes, l’extraction est parfois nécessaire, mais la question qui se pose est : comment le faire autrement ? Comment concevoir des pratiques respectueuses de ces différents corps avec lesquels nous cohabitons et interagissons ?
Pour moi, une plante, lorsqu’elle est préservée dans son état naturel, nous féconde symboliquement. Elle contribue à notre intelligence, à notre capacité de penser. Mais si elle est trop modifiée, trop altérée, j’ai le sentiment que cela a des répercussions sur notre propre équilibre.
Comment, dans un monde contemporain dominé par une logique libérale, peut-on repenser notre lien au vivant ? Peut-on imaginer une approche plus organique, qui prenne en compte ces interactions profondes entre les êtres et leur environnement ?
 »

Myriam Mihindou - Série Le Patron, 2022-2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Le pétrichor (odeur de la terre après la pluie), 2024, série Le Patron. Papier de soie, thé, épingles, sanguine, scotch, encre, 68 x 78 cm, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), co-production Crac Occitanie et Palais de
Tokyo . – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Les algues géantes II

Myriam Mihindou - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Placées au cœur de cet ensemble, Les algues géantes II s’inspirent du fonctionnement de la mangrove. Cet écosystème végétal relie la terre et l’eau des zones tropicales, protégeant les côtes et la biodiversité marine. L’œuvre évoque l’ambivalence des sentiments vécus par les diasporas, entre l’impossibilité de s’ancrer dans un territoire et la capacité à se nourrir de ce déplacement.

Myriam Mihindou - Les algues géantes II, 2022 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Les algues géantes II, 2022. Cuivre, racine de mangrove, soie, marques page, plumes, 170 x 115 cm, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris) collection privée. – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

« Le mot diaspora trouve son origine dans speiro spora, qui renvoie aux spores (Tous les chemin mènent à Rome). À mes yeux, la diaspora est une entité vivante, une identité en mouvement, essentielle aux écosystèmes.
Je pense que quand on est ballotté comme ça, la question l’identité elle est très compliquée. On n’arrive pas vraiment à la définir. Elle prend la forme d’une algue errante, qui flotte au gré des courants, mais qui possède aussi la capacité de se transformer. Comme un humus fertile, elle se renouvelle sans cesse.
Nous sommes tous, depuis la nuit des temps, des êtres en mouvement. Le voyage, le déplacement, le nomadisme font partie intégrante de notre histoire humaine. Il ne faut pas sombrer dans l’amnésie de nos origines nomades, car c’est cette mobilité qui nous constitue, qui façonne nos existences communes.

Myriam Mihindou - Les algues géantes II, 2022 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Les algues géantes II, 2022. Cuivre, racine de mangrove, soie, marques page, plumes, 170 x 115 cm, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris) collection privée. – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Et donc là, au milieu, je mets une racine de la mangrove. La mangrove est un gigantesque filtre naturel, un « grand rein » du monde, qui purifie les eaux salées et douces, évitant ainsi les maladies et les contaminations. À mes yeux, la diaspora joue un rôle similaire : elle traverse, elle transforme, elle purifie et nourrit les sociétés qu’elle touche.
Lorsque je parle du sein gauche, je fais référence à l’époque de l’esclavage, où les nourrices esclaves donnaient leur sein gauche pour allaiter les enfants des maîtres. Ce geste symbolise l’apport de la diaspora : elle nourrit, elle contribue, elle édifie.
En langue gabonaise, Dzanga tibi, une expression dit : « Celui qui vient du plus loin, du plus loin… on ne sait d’où, mais il vient de très loin ». Un homme venu d’ailleurs, dont on ignore l’origine exacte, mais qui porte en lui un long voyage. J’avais besoin de marquer aussi par ma langue cet homme là qui vient de si loin et qu’il faut aussi considérer comme un élément d’écosystème dans nos sociétés
 ».

Service

Myriam Mihindou - Service, 2000-2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Service, 2000-2024. Fourchettes et cuillères en argent et acier, terre crue, céramique, verre, quartz, carbone, émail, dimensions variables, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Didier Fritz, Arthur Grosbois, Yannick Lang, Ronald Staub, co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Au centre de la seconde salle, là où subsistent quelques souvenirs des anciens entrepôts frigorifiques pour la conservation du poisson, artiste et commissaires ont installé un ensemble de six tables. Des dizaines de fourchettes et de cuillères en argent et acier, entremêlées avec des sculptures en terre y sont disposées avec soin.

Cette œuvre fait référence au service de table, à l’argenterie, à ce patrimoine transmis de génération en génération au sein des familles. Mais le mot « service » évoque aussi la notion d’asservissement, d’un rapport de subordination entre un serviteur et son maître et ces couverts expriment également le respect de règles et la bienséance imposée.

Myriam Mihindou - Service, 2000-2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Service, 2000-2024. Fourchettes et cuillères en argent et acier, terre crue, céramique, verre, quartz, carbone, émail, dimensions variables, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Didier Fritz, Arthur Grosbois, Yannick Lang, Ronald Staub, co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

L’argenterie est enchevêtrée avec des éléments de terre crue et de terre cuite, dont certains sont émaillés. L’empreinte des doigts et de la main de Myriam Mihindou sur les couverts, qui sont des objets chinés en brocante, vient se superposer à celles laissées par des vies antérieures, leur conférant une nouvelle existence.

« C’est véritablement une déposition. Elle est là, présente, sans qu’il soit nécessaire de forcer ou de se poser des questions. La pièce existe en soi, comme si nous l’incarnions, comme si nous la portions en nous. Ici, il est question d’emprise, de domestication aussi. Je me suis toujours demandé pourquoi la fourchette me blessait autant, pourquoi nous avons accepté d’introduire cet objet qui, à bien y réfléchir, ressemble à un instrument de guerre. Rien que cela, déjà ! Cet objet en lui-même…
Et puis, il y a le repas : un moment d’écoute, d’échange, mais aussi parfois de tension, de violence, d’enjeux sous-jacents. En tant que femme, je me suis souvent retrouvée dans ces situations où je n’avais pas de mots à dire, où je n’étais qu’une oreille. Une oreille qui, comme celles des enfants irritées par le raisin, s’agace de certaines conversations lourdes de sous-entendus et de rapports de pouvoir.
C’est un dialogue entre le cru et le cuit, entre la terre – élément sacré et porteur d’enjeux profonds – et cette tension omniprésente. En entrant dans cette pièce, je ressens toujours une émotion particulière, car au fond, elle ne m’appartient pas. Elle est là, produite, posée, offerte à chacun. À chacun de s’en saisir, de la faire sienne, peut-être même de la réécrire à sa manière. Cette pièce existe en elle-même, sans que l’on ait besoin de la déployer davantage. Cette œuvre a une origine, mais elle se déploie différemment pour chacun d’entre nous ».

Ce dialogue avec la terre est une dimension essentielle dans le travail de Myriam Mihindou.
« La question de la terre est particulièrement sensible. C’est un sujet fondamental qui touche chacun de nous de manière intime. Mais finalement, à qui appartient réellement la terre ? Cette question est complexe, et il est difficile de se positionner. Ce qui est certain, c’est que la terre est notre sol, notre ancrage, et qu’elle mérite une réflexion profonde, notamment sur les notions de partage. Cela inclut aussi les questions d’immigration : pourquoi ne pourrait-on pas aborder ces sujets autrement, avec plus de singularité et d’intelligence ? Après tout, qui sait ? Un jour, toute l’Europe pourrait se retrouver au Gabon… La terre, en soi, est indivisible. Bien sûr, il est naturel d’y être attaché, mais il ne faut pas oublier qu’elle dépasse nos frontières. C’est un sujet profondément sensible, car il touche à nos origines, à notre identité. Il est donc essentiel de prendre en compte cette dimension affective dans notre rapport à la terre ».

Immatériel et Ayendoété

Au pied de l’escalier qui conduit à l’étage du centre d’art, on découvre Immatériel,un grand tirage sur dos bleu qui accompagnait Service au Palais de Tokyo.

Myriam Mihindou - Immatériel, 2016 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Immatériel, 2016. Impression sur papier dos bleu, tirage Crac Occitanie, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Jack Beng -Thi, Dahinden, Bernard Grondin – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Sur ce grand panoramique, des vêtements semblent émerger de la terre. L’artiste a reconstitué à La Réunion un événement dont elle a été témoin au Gabon : un glissement de terrain ayant soudainement révélé un amas de textiles. L’artiste s’est longtemps demandé pourquoi ils gisaient là. Dans la société gabonaise, il plane une forme de mystère à leur propos. Un mystère qui est levé au décès de son père. Selon la tradition, le défunt doit être enterré dans la terre, sans cercueil, accompagné de tous ses vêtements et autres effets personnels. À son grand regret, l’artiste n’a pas été autorisée à conserver un quelconque souvenir. Ce moment est déterminant pour Myriam Mihindou, qui comprend alors que la société gabonaise, à la différence des sociétés occidentales, entretient une relation immatérielle au monde.
La photographie exposée témoigne d’une rencontre avec un lieu, un effondrement de terrain, sur lequel elle est intervenue en y insérant des vêtements, un don d’ Emmaüs pour soutenir son projet. Cette image évoque ce rapport différent au matériel et à l’immatériel, au temps, au vivant, à la mort. Elle interroge aussi le déplacement des corps…

« Je me suis rendue sur l’île de La Réunion, où j’ai vécu pendant huit ans. Ce territoire porte une histoire marquée par les déportations et les déplacements des corps. En observant de près les traumatismes, j’ai un peu mieux compris ce que ça signifiait pour un homme d’avoir été déplacé, de ne pas avoir de racines et de pas pouvoir se situer. J’ai mieux compris comment, malgré cela, des cultures émergent et se reconstruisent. Des cultures bien réelles, mais souvent non reconnues comme telles.

Je suis retournée à La Réunion avec le besoin de rendre hommage aux corps invisibilisés dans leur drame. Mon travail accorde une place essentielle à l’idée de révélation : comment la terre peut-elle rappeler et dévoiler ces histoires enfouies ? Comment le geste artistique peut-il faire émerger une mémoire occultée ? ».

Myriam Mihindou - Ayendoété, 2020 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Myriam Mihindou – Ayendoété, 2020. Cire d’abeille, métal, 39,5 x 90 x 2,5 cm, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Philippe Grussi – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Sous l’escalier, on découvre Ayendoété, un mot étrange, sculpté dans une plaque de métal et recouvert en partie de cire d’abeille… C’est un mot du peuple Fang du Gabon dont est originaire Myriam Mihindou. L’Ayendoété est celui ou celle qui rassemble au sein d’une communauté, qui prend soin et qui écoute. La cire d’abeille, matériau naturel aux propriétés curatives, est souvent associée à la préservation. Elle intéresse particulièrement l’artiste, étant le fruit du « super organisme » qu’est la ruche, un écosystème qui pourrait être qualifié de matriarcal. L’œuvre agit aussi comme un rappel de la force et de l’importance du collectif.

Transe, performances et révélations…

La robe envolée

La salle du premier étage accueille La robe envolée, une performance filmée en noir et blanc sur une terrasse à Las Palmas de Gran Canaria en 2008, dont les images n’étaient pas destinées à être montrées.

Myriam Mihindou - La robe envolée, 2008 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète-41_1
Myriam Mihindou – La robe envolée, 2008. Vidéo, Casa África, Las Palmas de Gran Canaria, Espagne, 20’42’’, courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Afrikalls, Elvira Dyangani Ose, Alex Guimerà, Anna Pahissa, Pere Ortín. (Cette vidéo est en espagnol sous-titré en français) – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète


Ce plan fixe montre uniquement les jambes de l’artiste, assise face à la caméra. Le cadrage se concentre sur ses collants, qu’elle effleure, étire et déchire, alternant entre caresses et gestes agressifs. L’artiste entre dans une sorte de transe, qu’elle nomme « transperformance » : au lieu de quitter son corps, elle l’incarne pleinement. Dans La Robe envolée, Myriam Mihindou explique avoir dû apprendre à se dévoiler, tant aux autres qu’à elle-même.

À travers cette métamorphose à la fois physique et émotionnelle, elle se défait des tabous liés au corps féminin et au corps métis, domestiqué par l’éducation, les lois, la société et l’histoire. La simplicité de l’image accentue la transe émotionnelle et verbale de l’artiste.

Série « Déchoukaj’ »

Myriam Mihindou - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam MihindouPraesentia au CRAC Occitanie, Sète

Sur le palier de l’étage et dans la galerie étroite qui surplombe en partie la première salle du centre d’art, l’espace est plus intime, presque domestique. Ici, les œuvres sélectionnées sont elles aussi de dimensions plus réduites. Le format des tirages de la Série « Déchoukaj’ » est beaucoup plus petit que ceux qui ont été exposés au Palais de Tokyo.

En 2004, à Port-au-Prince (Haïti), la situation politique et sociale est tendue puisqu’un coup d’État vient d’avoir lieu, quelques mois auparavant. Déchoukaj’ a pour origine un mot créole dérivé du terme dessouchage, qui signifie arracher la souche et les racines d’un arbre tombé. Avec le temps, ce mot a pris une dimension métaphorique, désignant le fait de se débarrasser de régimes dictatoriaux et corrompus, d’extirper le mal à sa racine. À Haïti, il désigne des révoltes populaires, qui consistent notamment à détruire les biens et les maisons — jusqu’aux fondations — des différents dictateurs. Myriam Mihindou rencontre la troupe « nous » à l’École Nationale des Arts. Elle partage alors avec eux des évènements douloureux qui ont donné lieu à un rituel collectif improvisé dans le silence.

Myriam Mihindou - Série « Déchoukaj », Haïti, 2004-200 - - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Myriam MihindouSérie « Déchoukaj’ », Haïti, 2004-2006. 11 photographies, tirage fine art, 15 x 10,5 cm – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

« Je devais rencontrer à Haïti des poètes, des artistes, des comédiens pour échanger autour de projets communs. Mais avant de réaliser des photographies, on m’a dit qu’une initiation au vaudou haïtien était nécessaire. « Tu ne peux pas capturer nos images comme ça », m’a-t-on expliqué. J’ai donc suivi cette initiation qui repose sur un renversement des mémoires, un travail sur le rêve, la vision et la mémoire. Une fois cette étape franchie, nous nous sommes retrouvés pour poursuivre notre projet. Il existe différentes traditions Vaudou, qui, bien que distincte, n’est pas si éloignée de la tradition Bwiti. On retrouve des similitudes avec d’autres courants, comme les Gnawa au Maroc. De toute façon, lorsqu’on est initié, peu importe où l’on se trouve, il existe des couloirs, des espaces où l’on se retrouve, où l’on se rejoint. Et ici, ce fut le cas.
Avant de réaliser ces photos, nous avons été agressés par des milices armées. Nous avons cru que nous allons mourir. Ils étaient armés de mitraillettes, et nous, pris au piège, les jambes en coton. C’est une sensation étrange de se dire que tu vas mourir parce que tu es dans une sorte d’embuscade… En fait tu n’as plus de corps, tu es comme anesthésié. Face à eux, certains du groupe ont commencé à réciter des vers poétiques : « Comment pouvez-vous faire ça à nos mères ? Ce n’est pas possible, on n’en peut plus. » À ce moment-là, j’étais persuadée que nous allions être fusillés… Mais contre toute attente, ce n’est pas arrivé.
Lorsque nous sommes partis, nous étions profondément éprouvés, physiquement et émotionnellement. Et là, je me suis dit : on va faire un travail photographique, on va laisser la mémoire émerger comme ça d’elle-même, comme la révélation d’un moment traumatique. Cela a donné naissance à une série d’une soixantaine de photographies, toutes très présente les unes les autres. Ce fut un moment photographique intense. Je suis une photographe… mais pas une photographe de scènes familiales ou de clichés posés. Je capte par par là photographie, j’ai plus un rapport au spectre photographique qu’à une image que je vais peut-être produire… Je photographie tout le temps, mais toujours dans l’attente d’une synchronicité ».

À propos de la révélation de ces images et de leur traitement, elle précise :
« À l’origine, ces photographies n’étaient pas destinées à être montrées. Elles étaient pour moi des prises de notes, comme j’en fais souvent. Mais la Fondation AfricAméricA m’a rappelé un moment clé : « Quand tu es revenue ce jour-là, tu semblais bouleversée et tu as mentionné des photos. Qu’en as-tu fait ? » À cela, j’avais répondu : « Rien de particulier… »
Plus tard, alors que la Fondation m’a invitée à présenter mon travail, je me suis replongée dans ces images sans savoir réellement ce que j’allais y découvrir. J’ai passé la nuit à les retravailler, c’était l’époque des débuts du numérique. Puis, vers cinq heures du matin, quelque chose s’est produit. L’image est passée du positif au négatif et s’est imposée à moi. J’ai ressenti une sorte de révélation : « Qu’est-ce que tu fais là ? Cela fait trois ans que je t’attendais… » En effet, cela faisait trois ans que ces photos dormaient, et c’est à cet instant qu’elles ont trouvé leur sens. J’ai alors décidé de passer toute la série en négatif. Ce fut une véritable alchimie, comme si ce moment précis était le creuset où tout devait se révéler…

Myriam Mihindou - Série « Déchoukaj », Haïti, 2004-200 - - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam MihindouSérie « Déchoukaj’ », Haïti, 2004-2006. 11 photographies, tirage fine art, 15 x 10,5 cm – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Ici, nous avons choisi de présenter ces photographies dans un format réduit, évoquant les Serrures de Michaud. C’est une approche très différente de l’exposition au Palais de Tokyo, où la configuration de l’espace imposait de grands formats. Cette fois, je voulais rester fidèle à l’instant photographique, ramener le spectateur au cœur du moment, en jouant avec des formats très petits.»

Séries « Division plastique » et « Sculpture de chair »

En face, la série Division plastique s’inscrit dans le choix assumé d’exposer des images de très petite taille. Elle a été réalisée lors d’un séjour sur l’île Rodrigues dans l’Océan indien en 1999. Ces neuf tirages cibachrome de quelques centimètres montrent une chorégraphie visuelle où une main, recouverte de terre, évolue sur un fond rouge. C’est le premier rituel photographique que l’artiste choisit de présenter.


Myriam Mihindou – Division plastique, Îles Rodrigues, 1998-1999. 9 photographies cibachrome, 24 x 36 mm chaque, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris) – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Ces images donneront ensuite naissance à une nouvelle série, Sculpture de chair réalisée à La Réunion. On avait pu en voir quelques exemplaires dans un curieux dialogue avec l’installation Champ d’échange d’âme de Nicolas Aguirre qui composait une des séquences les plus intenses du parcours de « Possédé·e·s – Déviance, Performance, Résistance », inoubliable exposition proposée au MO.CO – Panacée en 2020.

Myriam Mihindou - Johnnie Walker, de la série Sculpture de chair, Île de La Réunion, 1999-2000 - - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Myriam Mihindou – Johnnie Walker, de la série Sculpture de chair, Île de La Réunion, 1999/2000. Photographie cybachrome contrecollée sur dibond, 88 x 62 cm, tirage Atelier Choi, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Cadre en scène – – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Un seul exemplaire est exposé ici : Johnnie Walker. Pour le catalogue de cette exposition, Julie Crenn écrivait à propos de cette série :
« À ce moment, Myriam Mihindou rencontrait une grande difficulté avec la parole. Elle met en place un rituel dans lequel chaque matin elle prépare une partie de son corps, ses mains, pour un rendez-vous avec la lumière. Une main apparaît ainsi sur un fond rouge ; une gélatine rouge cardinal, couleur qui renvoie à une nécessité vitale, “à la féminité, au sacré, voire au sacrifice. Entre le sacré et le profane, le corps est en jeu.” Ses mains sont recouvertes de poudres de kaolin brun ou blanc, utilisées comme un fard rituel en Océanie, en Amérique latine ou en Afrique Équatoriale. Au Gabon, le kaolin (pembe, masque rituel) est considéré comme une poudre initiatique appliquée sur la peau lors de rites de passages ou de transes. L’artiste ouvre ainsi un passage du silence vers la parole, du trauma vers la résilience, pour manifester un corps, une histoire et une mémoire collective ».

Folle

Dans la vidéo intitulée Folle, des pieds se tordent et hésitent. Ce sont ceux de l’artiste qui semble incapable de franchir un seuil à peine visible.
Les éclats de rire en fond sonore accompagnent cette tentative, rendant l’acte à la fois dérisoire et révélateur.

Myriam Mihindou - Folle, 2000 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Folle, 2000. Vidéo sonore, Saint-Denis, La Réunion, 5’06 », courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Sham’s théâtre, Studio 42 , Olivier Caftadgan, Jean-Michel Marchais, Jean-Yves Morau – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Dans les dernières secondes de la vidéo, les jambes passent la lisière et se retrouvent sur la surface en pierre ; enfin l’action s’arrête, les deux pieds se rejoignent, les rires disparaissent.. Le public, placé physiquement en surplomb de la vidéo, se trouve dans une position ambiguë, une ambivalence qui crée un malaise.

Cet impossible « saut dans le vide » évoque la notion de frontière et de franchissement, qu’il soit géographique ou initiatique. La performance devient une personnification de l’individu marginalisé cherchant, par la répétition du geste, à passer d’un territoire à l’autre, à explorer l’inconnu.
Cette hésitation incarne aussi une lutte intérieure pour s’affranchir des normes sociales et des attentes imposées. À travers cette performance, Mihindou met en lumière l’exclusion et la marginalisation des corps. La folie, ici, est transformée en un espace de résistance à l’ordre établi, un moyen de défier les conventions et de revendiquer sa propre identité.

Myriam Mihindou - Folle, 2000 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Folle, 2000. Vidéo sonore, Saint-Denis, La Réunion, 5’06 », courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Sham’s théâtre, Studio 42 , Olivier Caftadgan, Jean-Michel Marchais, Jean-Yves Morau – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Pour Myriam Mihindou, « La vidéo Folle touche à la difficulté à choisir parce que tu es sans cesse empêché·e, perturbé·e, déséquibliré·e, désorienté·e… On peut entrer ou non physiquement dans cette œuvre projetée au sol, la contourner »…

Fighting

Cette vidéo est le fruit d’une performance collective réalisée en 2018, à la suite d’un atelier dirigé par Myriam Mihindou lors de la Kampala Art Biennale en Ouganda. L’artiste a invité des artistes performeur·euses à explorer leurs récits personnels et à dépasser leur individualité à travers une forme de lâcher-prise. La vidéo présente deux performeuses en état de transe, engagées dans une lutte intérieure pour trouver un équilibre. Ce combat symbolique vise à les libérer des traumatismes qui entravent leurs corps.

Myriam Mihindou - Fighting, 2018 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Fighting, 2018. Vidéo, 11’07 » et 9’08 », courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Laís Catalano Aranha (Brésil), Andrew Arim (Ouganda), Violaine le Fur (France, Cameroun), Pierre-Manau Ngoula (Congo), Biennale d’art de Kampala (Ouganda), Simon Njami, Eric Mukalazi, Stéphanie Notter. – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

À l’occasion de l’exposition « Silo » présentée en 2021 au Transpalette à Bourges, Myriam Mihindou expliquait à propos de Fighting :
« Être conscient, contenir, retenir, saisir, contrôler… Ce sont les mots qui peuvent retenir l’attention lorsque l’on explore un thème comme le combat autour du concept de Libre Et Contrôle, ce sont aussi les mots qui peuvent décrire l’univers de Fighting. Le combat n’est pas la représentation de la guerre ou de la violence mais seulement le reflet de la confrontation positive entre soi et l’autre. Il représente une quête perpétuelle de notre vrai moi. L’atelier est basé sur la transmission des énergies. C’est de ces énergies que Fighting puise son essence. Combattre est un état d’esprit. »

Langues secouées et Embody

Myriam Mihindou - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam MihindouPraesentia au CRAC Occitanie, Sète

À propos des Langues secouées, Myriam Mihindou expliquait lors de la visite de presse :

« Je ressens des résonances. Lorsque j’entends certains sons, ils éveillent quelque chose en moi, et peu à peu, cela prend la forme d’une proposition à la fois politique et philosophique. C’est une sorte d’hypnose. Quand je travaille, je suis totalement concentrée : ce mot, et pas un autre. Je ne cherche pas à comprendre pourquoi, mais tout s’ordonne et s’organise naturellement, dans une logique de pensée, de concentration et de manipulation. Je peux passer des heures à ce processus.
Les dictionnaires deviennent alors comme de véritables dentelles : je sélectionne certains mots, j’en écarte d’autres, en fonction de leur résonance en moi.
C’est une approche profondément méditative. Si un mot résonne, alors c’est qu’il est juste. Je ne le cherche pas vraiment, c’est lui qui s’impose, un peu comme dans l’écriture automatique. Mais en même temps, ce n’est pas un simple hasard. Il y a une construction qui s’opère, un espace qui se resserre, une cohérence qui se tisse à travers ces résonances 
».

À l’occasion de l’exposition à Bourges en 2021, Julie Crenn écrivait à propos de cette série, avant de citer Achille Mbembe et Alain Mabanckou :
« Myriam Mihindou tend à “soigner le corps par le mot”. Depuis 2006, elle développe une série de collages et broderies, Les Langues Secouées, où les mots sont disséqués, mis en relation afin d’en proposer des critiques et des ouvertures. Sur le papier, elle revisite les définitions extraites de dictionnaires. Elle écrit, sculpte, brode et dessine les mots d’une poésie vitale et consciente. “Le corps travaille pour faire monter l’œuvre et révéler la langue. Il aura fallu du temps, maintenant je vois.” Elle voit, elle entend “chanter les mots”. La relation entre les mots et les sons est active, elle crée un “débordement”, un “réveil”, des sensations intenses. “Tout d’un coup, j’entends, je vois, je peux identifier les choses, en ce sens c’est une forme d’ivresse.” Un état d’ivresse qui lui procure l’énergie et la force nécessaires pour fouiller les profondeurs d’un système construit sur l’exclusion et la violence.
L’artiste a choisi de réaliser des mots en fils de cuivre, un matériau conducteur, vecteur d’une transmission. Un matériau que les Dogons associent à l’eau. Le cuivre génère une résonance avec la parole : “la réactivation des neurones endormis”. L’oralité est une tradition, un moyen de transmettre des histoires, des savoir-faire, des connaissances qui se partagent sans l’appui de l’écrit. Il s’agit alors pour l’artiste de soigner les mots, le sens qui leur est donné et l’histoire qu’ils véhiculent. L’artiste participe ainsi à un mouvement politique visant à une décolonisation des mots, et plus spécifiquement de la langue française
 ».


Dans la continuité des Langues secouées, Myriam Mihindou réalise la série « Embody ».

Myriam Mihindou - Série Embody, 2017 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Embody 1 (Voir), série Embody, 2017. Thé, fil de soie, épingles, étymologies, carbone, graphite, cuivre, coton, plumes, papier de soie, fil de soie, encre, crayon, 75 x 100 cm, collection Laurent Saint Aubin. – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Embody 1 (Voir) évoque un jardin médicinal. Ayant grandi avec une mère directrice d’hôpital, Myriam Mihindou s’est intéressée aux livres d’anatomie qui ont nourri sa pratique du soin.


Avec Embody 2 (Parricide), l’artiste met en lumière l’interconnexion des différentes formes du vivant, assemblant des plantes aux propriétés curatives, dont certaines en voie de disparition. Ces deux œuvres sont peuplées de signes divinatoires, car l’artiste est selon ses mots « celle qui voit au-delà du regard ».

Myriam Mihindou - Série Embody, 2017 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Embody 2 (Parricide), série Embody, 2017. Thé, fil de soie, épingles, aiguilles, carbone, crayon, branche, plumes, nylon, 72 x 145 cm, collection privée – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Fleurs de peau, Amygdale et Aer bulla

Le parcours se termine dans la grande salle du rez-de-chaussée avec un dialogue entre trois installations magistrales.

Myriam Mihindou - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Les savons et les raku suspendus au mur portent le titre Fleur de peau, tandis que l’œuvre au sol se nomme Amygdale. Enfin, Aer Bulla désigne ce mot tressé et ces bulles de verre en suspension, qui forment une seule et même installation.

Fleurs de peau

Myriam Mihindou - Fleurs de peau, 1999-2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Myriam Mihindou – Fleurs de peau, 1999-2024. Savons de Marseille, savons, chanvre, aiguilles, cire, coton, latex, kaolin, sequins, blanc de Meudon, raku, dimensions variables, courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Dorothea Brandenburg, Georg Krüger, co-production de nouveaux éléments Crac Occitanie et Palais de Tokyo – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Cette œuvre a débuté à la Réunion, Myriam Mihindou raconte :
«À l’origine, je pensais ne jamais montrer cette œuvre. Cela a commencé à La Réunion : en visitant des foyers, j’ai remarqué ces restes de savon, usés par le temps et l’usage. Une sorte de fascination compulsive s’est emparée de moi. Je demandais : “Puis-je prendre votre langue de savon, s’il vous plaît ?”. C’était une manière pour moi de créer aussi du lien, du contact. Petit à petit, j’ai constitué une collection personnelle.
Avec le temps, mon approche a évolué. J’ai commencé à acheter et sculpter du savon, puis des souvenirs ont émergé, me poussant à engager une conversation avec des femmes.
Je leur offrais deux Fleurs de peau : l’une leur appartenait, l’autre devait être utilisée. Je leur demandais ensuite de me rendre celle qui, après usage, serait devenue un galet. Ce troc était un échange de mémoire autant que de matière.


Au fil du temps, les savons s’accumulaient, et j’ai eu besoin de les suspendre pour les faire sécher. La corde s’est imposée naturellement, comme une amulette, puis son sens s’est précisé au fur et à mesure. Et puis, j’ai commencé à greffer mes propres langues de savon, j’ai retrouvé mes épingles…
Enfin, pour aller jusqu’au bout du processus, j’ai besoin d’aller jusqu’à l’incandescence avec la réalisation d’une série travaillée à partir de la technique du raku qui me rappelait le lave du volcan. Comme une ultime purification, un rituel qui lave et transcende.
Fleur de peau est une œuvre à la fois douce et violente, un geste qui soigne, un ex-voto. C’est la première fois que je la présente en si grande quantité 
».


Amygdale

Myriam Mihindou - Amygdale, 2018-2024 et Aer bulla, 2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam Mihindou – Amygdale, 2018-2024 et Aer bulla, 2024 – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

En anatomie, le terme amygdale désigne à la fois l’amygdale cérébrale, noyau situé dans le lobe temporal du cerveau, jouant un rôle dans les émotions et le conditionnement, mais aussi les amygdales pharyngées situées dans la gorge et qui jouent un rôle essentiel dans la défense immunitaire… Réalisée à partir de verre soufflé, de cuivre et de bois, l’installation Amygdale de Myriam Mihindou évoque sans doute ces deux organes, mais aussi son rapport à la douleur, à la souffrance et à la médecine.

« Mon lien avec l’humain s’est construit très tôt. J’ai passé beaucoup de temps à l’hôpital, au contact des patients, des blessures, de la souffrance. J’ai été témoin de nombreuses morts sans en comprendre, à l’époque, toute la portée. Ce n’est que plus tard que j’ai pris conscience de la gravité des blessures et de la présence constante de la mort. Cette expérience a profondément marqué ma vision du monde et influencé mon travail.
Actuellement, je travaille autour de l’amygdale. Une génération entière d’enfants a subi des interventions sur cette zone, ce qui a eu des conséquences notables : ça inhibe, ça crée un manque d’empathie, ça t’empêche d’anticiper sur le danger…

Je m’intéresse aussi aux organes dans leur globalité. Lors de mes recherches sur l’Égypte ancienne, j’ai découvert que l’ibis était considéré comme un oiseau sacré parce qu’il était le seul à nettoyer son côlon. Autrefois, on soignait de nombreuses maladies en purifiant l’organisme…
Cette réflexion me pousse à m’interroger sur la manière dont nous prenons soin de nous-mêmes, sur notre rapport au corps et à la médecine.

Dans mon travail, je cherche à redonner vie aux éléments oubliés, aux racines enfouies. L’oubli est dangereux, car il nous plonge dans l’amnésie collective. Mais dès lors que l’on identifie et localise une blessure, il est possible de la guérir, de faire renaître ce qui semblait perdu. Cette idée de mémoire et de réparation est centrale dans ma démarche. Rien n’est jamais définitivement détruit : tant qu’il reste une trace, il y a une possibilité de reconstruction ».

Myriam Mihindou – Amygdale, 2018 – 2024. Bois, cuivre, verre soufflé, encre, fumée, dimensions variables, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller, (Paris), remerciements : Simon Pérot, CIAV (Centre International d’Art Verrier) Meisenthal, co-production de nouveaux éléments Crac Occitanie et Palais de Tokyo – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

Dans cette installation, le cuivre et le verre sont essentiels.
« Le cuivre est un matériau que j’aime travailler. Il me permet d’interagir directement avec lui, notamment par la chaleur de mes mains et le souffle, sans avoir besoin d’outils spécifiques. Ce contact physique crée une relation organique avec la matière qui fait corps avec moi.
Ce geste est essentiel dans mon approche, car il me relie à l’humain. En tant que femme, cette interaction prend une dimension particulière : le matériau devient une extension de moi-même, un moyen d’exprimer des émotions profondes à travers le geste et les éléments qui le composent.

Myriam Mihindou – Amygdale, 2018 – 2024. Bois, cuivre, verre soufflé, encre, fumée, dimensions variables, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller, (Paris), remerciements : Simon Pérot, CIAV (Centre International d’Art Verrier) Meisenthal, co-production de nouveaux éléments Crac Occitanie et Palais de Tokyo – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

J’ai commencé par travailler avec un verre industriel, rigide et exigeant, nécessitant des conditions spécifiques et une constance presque mécanique. Mais j’ai ressenti le besoin de m’orienter vers un verrier plus artisanal, travaillant avec un petit creuset, où les conditions météorologiques influencent directement le processus. Cette approche plus sensible et intuitive me permet une plus grande souplesse dans mon travail. Elle m’offre une liberté d’exploration et me permet d’intégrer de la fumée, de la couleur… »

Aer bulla

Composée de ces deux mots en tiges d’aluminium et de bulles en verre soufflé, Aer Bulla a été imaginée comme un prolongement d’Amygdale.

Myriam Mihindou - Aer bulla, 2024 - Praesentia au CRAC Occitanie, Sète
Myriam MihindouAer bulla, 2024. Tige d’aluminium émaillé et ionisé (44 x 130 cm), verre soufflé (15 cm de diamètre), courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), remerciements : Simon Pérot, Maceo Goy-Clairet, co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo – Praesentia au CRAC Occitanie, Sète

« La bulle est une structure essentielle du vivant, présente partout dans la nature et en nous-mêmes. Elle incarne l’équilibre et la survie. C’est la vie, le mouvement, la ventilation, une alliée. On la retrouve dans de nombreuses pratiques ancestrales.
Je voulais conclure mon exposition avec cette idée : prendre soin de soi et cultiver une forme de résistance douce, mais durable. Travailler sur sa propre bulle, c’est apprendre à traverser les tempêtes et les chaos sans se briser. Ceux qui tiennent dans la durée sont ceux qui savent préserver leur espace intérieur ».

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